Le Paradis – Chant XI

Vierge et l’enfant avec Saint François (détails) — Andrea della Robbia (1470) — Terre cuite
Quatrième Ciel • Ciel du Soleil • Vanités terrestres • Doutes de Dante devinés et formulés par Thomas d’Aquin • Éloge de Saint François d’Assise • Décadence des Dominicains.

Ô souci insensé des mortels,1

quand sont faux ces syllogismes

qui te font battre de l’aile si bas!2•3

Qui suivait le droit et qui les aphorismes,

et qui cherchant les gains du sacerdoce,3

et qui à régner par force ou par duperie,•6

et qui à spolier et qui les affaires civiles,

qui tout enfermé dans le plaisir de la chair4

s’occupait et qui s’adonnait à l’oisiveté,•9

tandis que, de toutes ces choses libéré,

avec Béatrice j’étais dans le ciel

accueilli de manière si glorieuse.5 •12

Quand chaque lumière fut retournée au

point du cercle où elle se trouvait avant,

elle s’arrêta, comme chandelle sur un chandelier.•15

Et j’entendis de l’intérieur de cette lumière

celui qui m’avait parlé auparavant, commencer

en souriant, se faisant plus brillant:6•18

« Comme je resplendis de ses rayons,

ainsi, me mirant dans l’éternelle lumière,

j’apprends de tes pensées les origines.7•21

Tu doutes, et tu veux que je reprenne

en un langage clair et distinct

mon dire, pour qu’il te soit compréhensible,•24

où je disais avant : “Où de bien l’on s’engraisse”,

et là où je disais : “Il n’est pas né le second”;8

et ici il est nécessaire de bien distinguer.•27

La providence, qui gouverne le monde

avec cette sagesse où le regard de chaque

être se perd avant d’en atteindre le fond,•30

pour qu’aille vers son bien-aimé

l’épouse9 de celui qui, versant son sang béni,10

à hauts cris s’est uni à elle,•33

plus assurée et aussi plus fidèle,

ordonna deux princes en sa faveur,

qui, d’un côté et de l’autre, seraient ses guides.11•36

L’un fut tout séraphique en son ardeur ;

l’autre par sa sagesse fut sur la terre

de lumière de chérubin une splendeur.12  •39

De l’un je parlerai, car on parle des deux

en en louant un, quelque soit le choix,

car à une même fin fut leurs œuvres.•42

Entre Topino et les eaux qui coulent

de la colline élue du bienheureux Ubaldo,

une plaine fertile descend d’une haute montagne,13. •45

d’où le chaud et le froid se font sentir dans Pérouse

par la Porte du Soleil ; et derrière pleurent

sous un joug pesant Nocera et Gualdo.14•48

De cette côte, là où se casse

la raideur de sa pente, vint au monde un soleil,15

comme le nôtre parfois naît du Gange.16•51

Mais qui voudrait nommer ce lieu,

ne dira pas Assise, car il dirait trop peu, 

mais Orient, s’il veut parler juste.17•54 

Il n’était pas encore loin de sa naissance,

qu’il commença à faire goûter à la terre

quelque réconfort par sa grande vertu;18•57

car, tout jeune, il s’attira la colère de son père,

pour telle dame, à qui, comme à la mort,

personne n’ouvre la porte du plaisir;19•60

et devant le tribunal ecclésiastique 

e coram patre il s’unit à elle ;

puis de jour en jour il l’aima plus fort.20 •63

Celle-ci, privée de son premier mari,

mille cent années et plus, méprisée et ignorée

resta jusqu’à lui sans prétendant;21•66

cela ne servit pas d’entendre que celui

qui effrayait tout le monde, alors que sa voix résonnait,

la trouva assurée avec Amyclas;22•69

cela ne servit pas d’être fidèle et impavide,

alors que, là où Marie resta en bas,

elle souffrit sur la croix avec le Christ.23•72

Mais pour ne pas continuer à être trop obscur,

saisis désormais dans mon long discours

que François et Pauvreté sont ces amants.24•75

Leur concorde et leurs visages joyeux,

l’amour, l’émerveillement et les doux regards

étaient sources de saintes pensées;•78

tant que Bernard le Vénérable25

le premier se déchaussa, et derrière tant de paix

courut et, courant, il lui parut être lent.•81

Ô richesse inconnue ! Ô bien fécond !

Egidio se déchausse,26 Silvestro se déchausse27 

derrière l’époux, tant plaît l’épouse. •84

Puis il s’en va ce père et maître

avec sa dame et sa famille28 

que déjà liait l’humble corde.29

Nulle lâcheté de cœur ne pesa sur ses cils

pour être le fils de Pietro Bernardone

ou pour paraître incroyablement misérable;30•90

mais, royalement, de sa dure intention

il s’ouvre à Innocent, et de lui reçoit

le premier sceau pour sa religion.31•93

Puis alors que la foule des misérables croissait

derrière celui dont la vie admirable

se chanterait mieux dans la gloire du ciel,•96

d’un second diadème fut couronnée

par l’Esprit Éternel, des mains d’Honorius,

la sainte volonté de cet archimandrite.32•99

Et après que, pour la soif du martyr,

en présence de l’orgueilleux Sultan

il prêcha le Christ et ceux qui le suivirent,33•102

ne trouvant pas mûr pour la conversion

les gens, et pour ne pas rester en vain,

il revint cueillir le fruit de l’herbe italique;•105

sur l’âpre rocher entre Tibre et Arno,

du Christ il reçut l’ultime sceau,

porté deux années sur ses membres.34•108

Quand il plut à celui qui l’avait élu

pour tant de bien de l’élever à la récompense

qu’il méritait par son humilité,•111

à ses frères, ainsi qu’à ses justes héritiers,

il recommanda sa dame la plus chère,35

et leur commanda de l’aimer avec foi;•114

alors de son sein l’âme splendide

voulut partir, pour retourner à son règne

et pour son corps ne voulut d’autre linceul.36•117

Pense à présent à celui qui fut

son digne collègue pour maintenir en haute mer

la barque de Pierre en droite ligne;37•120

et celui-ci fut notre patriarche;38

ceux qui le suivent et font comme il commande,

tu peux discerner quelle bonne marchandise ils chargent.•123

Mais son troupeau de nouvelle nourriture

s’est fait tant avide, qu’il ne peut que

se répandre dans d’autres pâturages.39•126

et quand ses brebis s’éloignent

et vagabondent, plus elles s’écartent de lui,

plus elles retournent au bercail vides de lait.40•129

Il en est bien qui craignant le dommage

se serrent auprès du pasteur ; mais elles sont si peu,

qu’il est peu de drap pour fournir les capes.41•132

Maintenant, si mes paroles ne sont pas faibles,

si ton écoute a été attentive,

si ce que j’ai dit se rappelle à ta mémoire,•135

ton désir sera en partie satisfait,

car tu verras où la plante s’écorche,42 

et tu verras la correction qui fait argument

“Où de bien l’on s’engraisse, si l’on ne s’égare pas”»43•139

Ciel quarto • Ciel del Sole • Vanità terrestre • Dubbi di Dante veduti e formulati da San Tommaso d’Aquino • Elogio di San Francesco d’Assisi • Domenicani degenerati. 

O insensata cura de’ mortali,

quanto son difettivi silogismi

quei che ti fanno in basso batter l’ali!•3

Chi dietro a iura e chi ad amforismi

sen giva, e chi seguendo sacerdozio,

e chi regnar per forza o per sofismi,•6

e chi rubare e chi civil negozio,

chi nel diletto de la carne involto

s’affaticava e chi si dava a l’ozio,•9

quando, da tutte queste cose sciolto,

con Bëatrice m’era suso in cielo

cotanto glorïosamente accolto.•12

Poi che ciascuno fu tornato ne lo

punto del cerchio in che avanti s’era,

fermossi, come a candellier candelo.•15

E io senti’ dentro a quella lumera

che pria m’avea parlato, sorridendo

incominciar, faccendosi più mera:•18

« Così com’ io del suo raggio resplendo,

sì, riguardando ne la luce etterna,

li tuoi pensieri onde cagioni apprendo.•21

Tu dubbi, e hai voler che si ricerna

in sì aperta e ’n sì distesa lingua

lo dicer mio, ch’al tuo sentir si sterna,•24

ove dinanzi dissi : “U’ ben s’impingua”,

e là u’ dissi : “Non nacque il secondo” ;

e qui è uopo che ben si distingua.•27

La provedenza, che governa il mondo

con quel consiglio nel quale ogne aspetto

creato è vinto pria che vada al fondo,•30

però che andasse ver’ lo suo diletto

la sposa di colui ch’ad alte grida

disposò lei col sangue benedetto,•33

in sé sicura e anche a lui più fida,

due principi ordinò in suo favore,

che quinci e quindi le fosser per guida.•36

L’un fu tutto serafico in ardore ;

l’altro per sapïenza in terra fue

di cherubica luce uno splendore.•39

De l’un dirò, però che d’amendue

si dice l’un pregiando, qual ch’om prende,

perch’ ad un fine fur l’opere sue.•42

Intra Tupino e l’acqua che discende

del colle eletto dal beato Ubaldo,

fertile costa d’alto monte pende,•45

onde Perugia sente freddo e caldo

da Porta Sole ; e di rietro le piange

per grave giogo Nocera con Gualdo.•48

Di questa costa, là dov’ ella frange

più sua rattezza, nacque al mondo un sole,

come fa questo talvolta di Gange.•51

Però chi d’esso loco fa parole,

non dica Ascesi, ché direbbe corto,

ma Orïente, se proprio dir vuole.•54

Non era ancor molto lontan da l’orto,

ch’el cominciò a far sentir la terra

de la sua gran virtute alcun conforto;•57

ché per tal donna, giovinetto, in guerra

del padre corse, a cui, come a la morte,

la porta del piacer nessun diserra;•60

e dinanzi a la sua spirital corte

et coram patre le si fece unito ;

poscia di dì in dì l’amò più forte.•63

Questa, privata del primo marito,

millecent’ anni e più dispetta e scura

fino a costui si stette sanza invito;•66

né valse udir che la trovò sicura

con Amiclate, al suon de la sua voce,

colui ch’a tutto ’l mondo fé paura;•69

né valse esser costante né feroce,

sì che, dove Maria rimase giuso,

ella con Cristo pianse in su la croce.•72

Ma perch’ io non proceda troppo chiuso,

Francesco e Povertà per questi amanti

prendi oramai nel mio parlar diffuso.•75

La lor concordia e i lor lieti sembianti,

amore e maraviglia e dolce sguardo

facieno esser cagion di pensier santi;•78

tanto che ’l venerabile Bernardo

si scalzò prima, e dietro a tanta pace

corse e, correndo, li parve esser tardo.•81

Oh ignota ricchezza ! oh ben ferace !

Scalzasi Egidio, scalzasi Silvestro

dietro a lo sposo, sì la sposa piace.•84

Indi sen va quel padre e quel maestro

con la sua donna e con quella famiglia

che già legava l’umile capestro.•87

Né li gravò viltà di cuor le ciglia

per esser fi’ di Pietro Bernardone,

né per parer dispetto a maraviglia;•90

ma regalmente sua dura intenzione

ad Innocenzio aperse, e da lui ebbe

primo sigillo a sua religïone.•93

Poi che la gente poverella crebbe

dietro a costui, la cui mirabil vita

meglio in gloria del ciel si canterebbe,•96

di seconda corona redimita

fu per Onorio da l’Etterno Spiro

la santa voglia d’esto archimandrita.•99

E poi che, per la sete del martiro,

ne la presenza del Soldan superba

predicò Cristo e li altri che ’l seguiro,•102

e per trovare a conversione acerba

troppo la gente e per non stare indarno,

redissi al frutto de l’italica erba,•105

nel crudo sasso intra Tevero e Arno

da Cristo prese l’ultimo sigillo,

che le sue membra due anni portarno.•108

Quando a colui ch’a tanto ben sortillo

piacque di trarlo suso a la mercede

ch’el meritò nel suo farsi pusillo,•111

a’ frati suoi, sì com’ a giuste rede,

raccomandò la donna sua più cara,

e comandò che l’amassero a fede;•114

e del suo grembo l’anima preclara

mover si volle, tornando al suo regno,

e al suo corpo non volle altra bara.•117

Pensa oramai qual fu colui che degno

collega fu a mantener la barca

di Pietro in alto mar per dritto segno;•120

e questo fu il nostro patrïarca ;

per che qual segue lui, com’ el comanda,

discerner puoi che buone merce carca.•123

Ma ’l suo pecuglio di nova vivanda

è fatto ghiotto, sì ch’esser non puote

che per diversi salti non si spanda;•126

e quanto le sue pecore remote

e vagabunde più da esso vanno,

più tornano a l’ovil di latte vòte.•129

Ben son di quelle che temono ’l danno

e stringonsi al pastor ; ma son sì poche,

che le cappe fornisce poco panno.•132

Or, se le mie parole non son fioche,

se la tua audïenza è stata attenta,

se ciò ch’è detto a la mente revoche,•135

in parte fia la tua voglia contenta,

perché vedrai la pianta onde si scheggia,

e vedra’ il corrègger che argomenta

“U’ ben s’impingua, se non si vaneggia”».•139