L’Enfer – Chant X
Farinata degli Uberti et Cavalcante Cavalcanti – William Blake – Domaine public
Sixième cercle • Hérétiques • Les Épicuriens • Farinata degli Uberti • Cavalcante Cavalcanti • Prédictions à Dante • Prescience des damnés • Deux autres épicuriens célèbres: Frédéric II et le Cardinal Ottavanio degli Ubaldini.
À présent, s’en va par un chemin caché,1
entre les murs de la cité et les supplices2
mon maître, et je le suis.•3
« Ô Suprême vertu, qui par les cercles impies3
me conduit», commençai-je, «à ton gré
parle moi, et satisfais mes désirs.•6
Les gens qui gisent dans les sépulcres
peuvent-ils être vus? tous les couvercles
sont levés, et nul ne les garde».•9
Et lui à moi: «Tous seront fermés
quand de Josaphat ils reviendront
avec les corps qu’ils ont laissés là-haut.4•12
De ce côté, ont leur cimetière
Épicure et tous ses disciples,
qui font mourir l’âme avec le corps.5•15
Mais à la demande que tu me fais
il sera bientôt répondu ici,
et aussi au désir que tu me tais».6•18
Et moi: « Bon guide, je ne cherche pas à te cacher
mon cœur si ce n’est pour parler peu,
et tu m’as disposé à cela plus d’une fois».7•21
« Ô Toscan au parler courtois8
qui par la cité du feu t’en vas vivant,
qu’il te plaise de t’arrêter en ce lieu.•24
Ton langage montre qu’à l’évidence9
tu es né de cette noble patrie,
pour laquelle je fus peut-être trop néfaste».10•27
Brusquement, ce son sortit
de l’un des tombeaux; alors je me rapprochai,
craintif, un peu plus de mon guide.•30
Et lui me dit: « Tourne-toi ! Que fais-tu ?
Regarde là Farinata qui s’est dressé;
tu le verras tout entier de la tête à la ceinture.»11•33
J’avais déjà mon regard fiché dans le sien;
et lui redressa sa poitrine et son front
comme s’il avait l’enfer en grand mépris.12•36
Et les mains valeureuses du guide promptement
me poussèrent vers lui à travers les sépultures,13
et il disait: « Que tes paroles soient avisées.»14•39
Quand je fus au pied de sa tombe,
il me regarda un peu, et puis, presque dédaigneux,
me demanda: « Qui furent tes aïeux?».15•42
Et moi qui était désireux de lui obéir,
je ne lui cachai rien, mais lui ouvrit tout;
alors il leva légèrement ses sourcils;16•45
puis il dit: «Farouchement ils s’opposèrent
à moi et à mes parents et à mon parti,
si bien que par deux fois je les dispersai.»17•48
« S’ils furent chassés, ils revinrent de toutes parts»,
lui répondis-je, « l’une et l’autre fois;
mais les vôtres ne surent pas bien cet art.»18•51
Alors je vis surgir par l’ouverture
une ombre, à son côté, jusqu’au menton:19
je crois qu’elle s’était levée sur ses genoux.20•54
Elle regarda tout autour, comme désirant
voir si d’autres étaient avec moi;
et quand son doute fut tout entier éteint,•57
pleurant elle dit: « Si tu vas dans cette prison
aveugle par hauteur d’esprit,
où est mon fils ? et pourquoi n’est-il pas avec toi?».21•60
Et moi à lui: «Je ne suis pas venu de moi seul:
celui qui attend là, et qui me mène
peut-être votre Guido l’avait-il en mépris».22•63
Ses paroles et la nature de la peine
m’avaient déjà enseigné son nom;23
c’est pourquoi ma réponse fut si entière.•66
Soudain dressé, il cria: « Comment?
qu’as-tu dit ? il avait ? il n’est plus vivant?
la douce lumière ne frappe plus ses yeux?».24•69
Quand il s’aperçut que je tardais
un peu à répondre,25
il retomba sur le dos et disparut tout entier.•72
Mais cet autre magnanime, à la demande
duquel je m’étais arrêté, ne changea pas de visage,
ne bougea pas le cou, ne plia pas le flanc,•75
et poursuivant son premier propos,
dit, « s’ils ont mal appris cet art
cela me tourmente plus que ce lit.26•78
Mais non avant que cinquante fois
la dame qui règne ici ait rallumé sa face,27
tu sauras combien cet art pèse.28•81
Et si jamais tu reviens dans le doux monde,
dis-moi: pourquoi ce peuple est-il aussi impitoyable
contre les miens dans chacune de ses lois?».29•84
Alors moi à lui: « La déroute et le carnage
qui teignirent l’Arbia de rouge,
font que de telles oraisons sont faites en notre temple.»30•87
Puis soupirant, il secoua la tête,
« Je n’y fus pas seul », dit-il, « et sans raison
je n’aurai pas attaqué avec les autres.•90
Mais je fus le seul, là où tous
acceptaient que Florence soit rasée,
à la défendre le visage découvert».31•93
« Ah, que se repose un jour votre descendance»,
et je le priai, « défaites ce nœud
qui a embrouillé mon opinion.•96
Il semble que vous pouvez voir en avance,
si j’entends bien, ce que le temps amène,
mais pour le présent vous tenez un autre mode».32•99
« Nous voyons », dit-il, « comme ceux qui ont mauvaise vue,
les choses qui nous sont lointaines;33
tant que le suprême guide brille à nos yeux.34•102
Quand quelque chose approche ou se passe, notre esprit
est vide; et si personne ne nous le dit,
nous ne savons rien de votre état humain.35•105
Tu pourras comprendre que sera entièrement morte
notre connaissance au moment
où la porte du futur sera close».36•108
Alors, me sentant comptable de ma faute,
je dis: « Dites à celui qui est tombé
que son fils fait encore partie des vivants;•111
et si je fus, tout à l’heure, dans ma réponse muet,
faites lui savoir que je le fis car je pensais
alors être dans cette erreur que vous avez résolue.»•114
Et déjà mon maître me rappelait;
alors je priais l’esprit de se hâter
de me dire qui se trouvait avec lui.•117
Il me dit: « Ici je gis avec plus de mille:
parmi eux il y a Frédéric le second37
et le Cardinal ; et sur les autres je me tais».38•120
Alors il se cacha; et moi vers l’antique
poète je tournai mes pas, repensant
à ces paroles qui me paraissaient menaçantes.39•123
Il se mit en marche; et puis, tout en avançant,
il me dit: « Pourquoi es-tu tant bouleversé ?»
Et moi je contentai sa demande.•126
« Garde en mémoire ce que tu as entendu
contre toi », m’ordonna ce sage;
« et maintenant sois attentif », et il dressa le doigt:•129
« quand tu seras devant le doux regard
de celle dont les beaux yeux voient tout,
d’elle tu sauras le chemin de ta vie.»40•132
Ensuite il dirigea ses pas vers la gauche:
nous laissâmes le mur et allâmes vers le milieu
par un sentier qui descend dans une vallée,
dont la puanteur sautait à la gorge.•136
Cerchio sesto • Eretici • Gli Epicuri • Farinata degli Uberti • Cavalcante Cavalcanti • La prescienza dei dannati • Due altri epicurei famosi: Imperatore Federico II e cardinale Ottaviano degli Ubaldini.
tra ’l muro de la terra e li martìri,
lo mio maestro, e io dopo le spalle.•3
« O virtù somma, che per li empi giri
mi volvi », cominciai, « com’ a te piace,
parlami, e sodisfammi a’ miei disiri.•6
La gente che per li sepolcri giace
potrebbesi veder ? già son levati
tutt’ i coperchi, e nessun guardia face».•9
E quelli a me : « Tutti saran serrati
quando di Iosafàt qui torneranno
coi corpi che là sù hanno lasciati.•12
Suo cimitero da questa parte hanno
con Epicuro tutti suoi seguaci,
che l’anima col corpo morta fanno.•15
Però a la dimanda che mi faci
quinc’ entro satisfatto sarà tosto,
e al disio ancor che tu mi taci».•18
E io : « Buon duca, non tegno riposto
a te mio cuor se non per dicer poco,
e tu m’hai non pur mo a ciò disposto».•21
« O Tosco che per la città del foco
vivo ten vai così parlando onesto,
piacciati di restare in questo loco.•24
La tua loquela ti fa manifesto
di quella nobil patrïa natio,
a la qual forse fui troppo molesto».•27
Subitamente questo suono uscìo
d’una de l’arche ; però m’accostai,
temendo, un poco più al duca mio.•30
Ed el mi disse : « Volgiti ! Che fai ?
Vedi là Farinata che s’è dritto :
da la cintola in sù tutto ’l vedrai».•33
Io avea già il mio viso nel suo fitto ;
ed el s’ergea col petto e con la fronte
com’ avesse l’inferno a gran dispitto.•36
E l’animose man del duca e pronte
mi pinser tra le sepulture a lui,
dicendo : « Le parole tue sien conte».•39
Com’ io al piè de la sua tomba fui,
guardommi un poco, e poi, quasi sdegnoso,
mi dimandò : « Chi fuor li maggior tui?».•42
Io ch’era d’ubidir disideroso,
non gliel celai, ma tutto gliel’ apersi ;
ond’ ei levò le ciglia un poco in suso;•45
poi disse : « Fieramente furo avversi
a me e a miei primi e a mia parte,
sì che per due fïate li dispersi».•48
« S’ei fur cacciati, ei tornar d’ogne parte »,
rispuos’ io lui, « l’una e l’altra fïata ;
ma i vostri non appreser ben quell’ arte».•51
Allor surse a la vista scoperchiata
un’ombra, lungo questa, infino al mento :
credo che s’era in ginocchie levata.•54
Dintorno mi guardò, come talento
avesse di veder s’altri era meco ;
e poi che ’l sospecciar fu tutto spento,•57
piangendo disse : « Se per questo cieco
carcere vai per altezza d’ingegno,
mio figlio ov’ è? e perché non è teco?».•60
E io a lui : « Da me stesso non vegno :
colui ch’attende là, per qui mi mena
forse cui Guido vostro ebbe a disdegno».•63
Le sue parole e ’l modo de la pena
m’avean di costui già letto il nome ;
però fu la risposta così piena.•66
Di sùbito drizzato gridò : « Come ?
dicesti ? elli ebbe ? non viv’ elli ancora ?
non fiere li occhi suoi lo dolce lume?».•69
Quando s’accorse d’alcuna dimora
ch’io facëa dinanzi a la risposta,
supin ricadde e più non parve fora.•72
Ma quell’ altro magnanimo, a cui posta
restato m’era, non mutò aspetto,
né mosse collo, né piegò sua costa;•75
e sé continüando al primo detto,
« S’elli han quell’ arte », disse, « male appresa,
ciò mi tormenta più che questo letto.•78
Ma non cinquanta volte fia raccesa
la faccia de la donna che qui regge,
che tu saprai quanto quell’ arte pesa.•81
E se tu mai nel dolce mondo regge,
dimmi : perché quel popolo è sì empio
incontr’ a’ miei in ciascuna sua legge?».•84
Ond’ io a lui : « Lo strazio e ’l grande scempio
che fece l’Arbia colorata in rosso,
tal orazion fa far nel nostro tempio».•87
Poi ch’ebbe sospirando il capo mosso,
« A ciò non fu’ io sol », disse, « né certo
sanza cagion con li altri sarei mosso.•90
Ma fu’ io solo, là dove sofferto
fu per ciascun di tòrre via Fiorenza,
colui che la difesi a viso aperto».•93
« Deh, se riposi mai vostra semenza »,
prega’ io lui, « solvetemi quel nodo
che qui ha ’nviluppata mia sentenza.•96
El par che voi veggiate, se ben odo,
dinanzi quel che ’l tempo seco adduce,
e nel presente tenete altro modo».•99
« Noi veggiam, come quei c’ha mala luce,
le cose », disse, « che ne son lontano ;
cotanto ancor ne splende il sommo duce.•102
Quando s’appressano o son, tutto è vano
nostro intelletto ; e s’altri non ci apporta,
nulla sapem di vostro stato umano.•105
Però comprender puoi che tutta morta
fia nostra conoscenza da quel punto
che del futuro fia chiusa la porta».•108
Allor, come di mia colpa compunto,
dissi : « Or direte dunque a quel caduto
che ’l suo nato è co’ vivi ancor congiunto;•111
e s’i’ fui, dianzi, a la risposta muto,
fate i saper che ’l fei perché pensava
già ne l’error che m’avete soluto».•114
E già ’l maestro mio mi richiamava ;
per ch’i’ pregai lo spirto più avaccio
che mi dicesse chi con lu’ istava.•117
Dissemi : « Qui con più di mille giaccio :
qua dentro è ’l secondo Federico
e ’l Cardinale ; e de li altri mi taccio».•120
Indi s’ascose ; e io inver’ l’antico
poeta volsi i passi, ripensando
a quel parlar che mi parea nemico.•123
Elli si mosse ; e poi, così andando,
mi disse : « Perché se’ tu sì smarrito ? »
E io li sodisfeci al suo dimando.•126
« La mente tua conservi quel ch’udito
hai contra te », mi comandò quel saggio ;
« e ora attendi qui », e drizzò ’l dito:•129
« quando sarai dinanzi al dolce raggio
di quella il cui bell’ occhio tutto vede,
da lei saprai di tua vita il vïaggio».•132
Appresso mosse a man sinistra il piede :
lasciammo il muro e gimmo inver’ lo mezzo
per un sentier ch’a una valle fiede,
che ’nfin là sù facea spiacer suo lezzo.•136