L’Enfer – Chant XI

La carte de l’Enfer (1480-1490) – Sandro Botticelli – Domaine public

Sixième cercle • Hérétiques • La tombe du pape Anastase • Topographie du bas Enfer et Classification des péchés. 

Sur l’extrémité d’une haute rive 

que formaient de grands rochers brisés, en cercle, 

nous parvînmes au-dessus d’un plus cruel entassement;1•3 

et là, en raison de cet horrible excès 

de puanteur que le profond abîme dégageait, 

nous retournâmes nous abriter derrière le couvercle•6 

d’une grande tombe, où je vis une inscription 

qui disait: “Je garde le pape Anastase, 

que Photin détourna de la voie droite”.2•9 

« Notre descente doit être retardée, 

afin que d’abord les sens s’habituent un peu 

à l’infect souffle; et puis on n’y prend plus garde».•12 

Ainsi dit le maître; et moi «Trouve quelque 

compensation pour que le temps passé 

ne soit pas perdu. » Et lui: « Vois, à cela je pense».•15 

« Mon fils, à l’intérieur de ces rochers»,3 

commença-t-il à dire, « se trouvent trois cercles4 

à chaque degré plus étroit, comme ceux que tu quittes.•18 

Tous sont remplis d’esprits maudits; 

mais pour qu’ensuite la vue te suffise, 

entend comment et pourquoi ils sont entassés.5•21 

De tout vice, qui gagne la haine du ciel,6 

l’injustice est le but, et tout but semblable 

qu’il le soit par violence ou fraude nuit à autrui.•24 

Mais puisque la fraude est le mal propre de l’homme, 

elle déplaît le plus à Dieu; et pour cela les fraudeurs 

sont au plus profond, et plus de douleurs les assaillent.•27 

Aux violents, le premier cercle est tout entier;7 

mais parce que l’on fait violence à trois personnes,8 

il est construit et divisé en trois girons.9•30 

À Dieu, à soi-même, au prochain on peut 

faire violence, je veux dire à eux ou à leurs biens,10 

comme tu le comprendras avec une claire explication.11•33 

La mort par violence et de douloureuses blessures 

peuvent être infligées à son prochain, et à ses biens 

ruines, incendies et néfastes exactions;12•36 

aussi les assassins et ceux qui blessent injustement, 

pillards et brigands, tous sont tourmentés 

dans le premier giron en différentes troupes.•39 

On peut se faire violence à soi-même 

et sur ses biens; aussi dans le second 

giron il convient que sans profit se repente13•42 

quiconque se prive de votre monde,14 

perd au jeu et dissipe ses richesses, 

et pleure là où il devrait se réjouir.•45 

On peut faire violence à Dieu, 

en le niant et en le blasphémant, 

et en méprisant sa nature et sa bonté;•48 

et donc le giron le plus étroit marque15 

de son fer Sodome et Cahors16

et qui parle en méprisant délibérément Dieu.•51 

La fraude, dont chaque conscience a remord,17 

peut être utilisée contre celui qui se fie 

et contre celui qui de la confiance se défie.•54 

Ce dernier mode ne coupe 

que le lien d’amour fait par la nature;18 

pour cela dans le second cercle ont leur nid•57 

les hypocrites, flatteurs et sorciers, 

faussaires, voleurs et simoniaques, 

proxénètes, escrocs et ordures semblables.19•60 

Dans l’autre mode s’oublie cet amour 

que fait la nature, et celui qui s’ajoute  

par lequel se crée une confiance particulière;20•63 

aussi dans le plus petit cercle, où se trouve le point 

de l’univers sur lequel siège Dité,21 

quiconque a trahi y est consumé éternellement».•66 

Et moi: « Maître, ton explication 

procède avec clarté, et décrit en détails

 ce gouffre et le peuple qu’il détient.•69 

Mais dis-moi: ceux du marais bourbeux, 

ceux qu’emporte le vent, et ceux que bat la pluie, 

et ceux qui s’affrontent avec des paroles si âpres,•72 

pourquoi dedans la cité ardente 

ne sont-ils pas punis, si Dieu les a en sa colère? 

et si ce n’est pas cela, pourquoi sont-ils dans cette situation?».•75 

Et lui à moi: « Pourquoi ta pensée», 

dit-il, « s’égare tant du sillon à suivre? 

ton esprit regarde-t-il ailleurs?•78 

Ne te souviens-tu pas de ces paroles 

par lesquelles ton Éthique traite 

les trois dispositions dont le ciel ne veut pas,22•81 

incontinence, vice et la folle 

bestialité ? et comme l’incontinence23 

offense moins Dieu et recueille moins de blâme?•84 

Si tu considères avec attention cette sentence, 

et te revient à la mémoire qui sont ceux 

qui plus haut, hors de Dité, souffrent un tourment,•87 

tu comprendras pourquoi de ces impies 

ils sont séparés, et pourquoi moins irritée 

la justice divine les frappe moins».•90 

« Ô soleil qui guérit la vue troublée,24 

tu me réjouis tant quand tu résous mes doutes, 

car, non moins que savoir, douter me plaît.•93 

Reviens encore un peu en arrière», 

dis-je, « à ce moment où tu disais que l’usure offense 

la divine bonté, et dénoue ce nœud».•96 

« Philosophie », me dit-il, « à qui l’entend,25 

enseigne, dans plus d’une partie, 

comment nature prend son cours•99 

de l’esprit divin et de son art;26 

et si tu examines bien ta Physique, 

tu trouveras, après quelques pages,•102 

que votre art, quand il le peut, 

suit la nature, comme le disciple le maître;27

ainsi votre art est à Dieu quasiment un petit fils.28•105 

De ces deux, si te revient à la mémoire 

le début de la Genèse, la gent humaine 

doit en tirer vie et avancer;29•108 

et parce que l’usurier suit une autre voie, 

il méprise la nature elle-même et son art, 

puisqu’il place ailleurs son espérance.30•111 

Mais maintenant suis moi car il me plaît de partir; 

en effet les Poissons s’élèvent au-dessus de l’horizon,31 

et le Chariot s’étend tout entier sur le Caurus32

et la falaise là plus loin s’abaisse.»•115

 

 

Cerchio sesto • Eretici • La tomba di Papa Anastasio • Topografia del basso inferno e Classificazione delle colpe. 

In su l’estremità d’un’alta ripa 

che facevan gran pietre rotte in cerchio, 

venimmo sopra più crudele stipa;•3 

e quivi, per l’orribile soperchio 

del puzzo che ’l profondo abisso gitta, 

ci raccostammo, in dietro, ad un coperchio•6 

d’un grand’ avello, ov’ io vidi una scritta 

che dicea : “Anastasio papa guardo, 

lo qual trasse Fotin de la via dritta”.•9 

« Lo nostro scender conviene esser tardo, 

sì che s’ausi un poco in prima il senso 

al tristo fiato ; e poi no i fia riguardo».•12 

Così ‘l maestro ; e io « Alcun compenso », 

dissi lui, « trova che ’l tempo non passi 

perduto ». Ed elli : « Vedi ch’a ciò penso».•15 

« Figliuol mio, dentro da cotesti sassi », 

cominciò poi a dir, « son tre cerchietti 

di grado in grado, come que’ che lassi.•18 

Tutti son pien di spirti maladetti ; 

ma perché poi ti basti pur la vista, 

intendi come e perché son costretti.•21 

D’ogne malizia, ch’odio in cielo acquista, 

ingiuria è ’l fine, ed ogne fin cotale 

o con forza o con frode altrui contrista.•24 

Ma perché frode è de l’uom proprio male, 

più spiace a Dio ; e però stan di sotto 

li frodolenti, e più dolor li assale.•27 

Di vïolenti il primo cerchio è tutto ; 

ma perché si fa forza a tre persone, 

in tre gironi è distinto e costrutto.•30 

A Dio, a sé, al prossimo si pòne 

far forza, dico in loro e in lor cose, 

come udirai con aperta ragione.•33 

Morte per forza e ferute dogliose 

nel prossimo si danno, e nel suo avere 

ruine, incendi e tollette dannose;•36 

onde omicide e ciascun che mal fiere, 

guastatori e predon, tutti tormenta 

lo giron primo per diverse schiere.•39 

Puote omo avere in sé man vïolenta 

e ne’ suoi beni ; e però nel secondo 

giron convien che sanza pro si penta•42 

qualunque priva sé del vostro mondo, 

biscazza e fonde la sua facultade, 

e piange là dov’ esser de’ giocondo.•45 

Puossi far forza ne la deïtade, 

col cor negando e bestemmiando quella, 

e spregiando natura e sua bontade;•48 

e però lo minor giron suggella 

del segno suo e Soddoma e Caorsa 

e chi, spregiando Dio col cor, favella.•51 

La frode, ond’ ogne coscïenza è morsa, 

può l’omo usare in colui che ’n lui fida 

e in quel che fidanza non imborsa.•54 

Questo modo di retro par ch’incida 

pur lo vinco d’amor che fa natura ; 

onde nel cerchio secondo s’annida•57 

ipocresia, lusinghe e chi affattura, 

falsità, ladroneccio e simonia, 

ruffian, baratti e simile lordura.•60 

Per l’altro modo quell’ amor s’oblia 

che fa natura, e quel ch’è poi aggiunto, 

di che la fede spezïal si cria;•63 

onde nel cerchio minore, ov’ è ’l punto 

de l’universo in su che Dite siede, 

qualunque trade in etterno è consunto».•66 

E io : « Maestro, assai chiara procede 

la tua ragione, e assai ben distingue 

questo baràtro e ’l popol ch’e’ possiede.•69

Ma dimmi : quei de la palude pingue, 

che mena il vento, e che batte la pioggia, 

e che s’incontran con sì aspre lingue,•72 

perché non dentro da la città roggia 

sono ei puniti, se Dio li ha in ira ? 

e se non li ha, perché sono a tal foggia?».•75 

Ed elli a me « Perché tanto delira », 

disse, « lo ’ngegno tuo da quel che sòle ? 

o ver la mente dove altrove mira?•78 

Non ti rimembra di quelle parole 

con le quai la tua Etica pertratta 

le tre disposizion che ’l ciel non vole,•81 

incontenenza, malizia e la matta 

bestialitade ? e come incontenenza 

men Dio offende e men biasimo accatta?•84 

Se tu riguardi ben questa sentenza, 

e rechiti a la mente chi son quelli 

che sù di fuor sostegnon penitenza,•87 

tu vedrai ben perché da questi felli 

sien dipartiti, e perché men crucciata 

la divina vendetta li martelli».•90 

« O sol che sani ogne vista turbata, 

tu mi contenti sì quando tu solvi, 

che, non men che saver, dubbiar m’aggrata.•93 

Ancora in dietro un poco ti rivolvi », 

diss’ io, « là dove di’ ch’usura offende 

la divina bontade, e ’l groppo solvi».•96 

« Filosofia », mi disse, « a chi la ’ntende, 

nota, non pure in una sola parte, 

come natura lo suo corso prende•99 

dal divino ’ntelletto e da sua arte ; 

e se tu ben la tua Fisica note, 

tu troverai, non dopo molte carte,•102 

che l’arte vostra quella, quanto pote, 

segue, come ’l maestro fa ’l discente ; 

sì che vostr’ arte a Dio quasi è nepote.•105 

Da queste due, se tu ti rechi a mente 

lo Genesì dal principio, convene 

prender sua vita e avanzar la gente;•108 

e perché l’usuriere altra via tene, 

per sé natura e per la sua seguace 

dispregia, poi ch’in altro pon la spene.•111 

Ma seguimi oramai che ’l gir mi piace ; 

ché i Pesci guizzan su per l’orizzonta, 

e ’l Carro tutto sovra ’l Coro giace, 

e ’l balzo via là oltra si dismonta».•115