Anselme – Anselmo

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Anselme est né en 1033 à Aoste. Son père, Gandulf, était un noble d’origine lombarde, sa mère Ermenberge, parente du conte Othon Ier de Savoie. Aoste est alors dans le royaume des deux Bourgogne.

Les relations avec ses parents semblent avoir été complexes. Alors qu’il n’avait que quinze ans, un abbé refusa de l’accueillir dans son monastère faute d’avoir l’accord de son père. Lorsque ces relations atteignirent leur point de rupture, il se décida à franchir les Alpes, par le col du Mont-Cenis, passe trois ans en Bourgogne, puis part en Normandie à Avranches et se rapproche de l’abbaye bénédictine du Bec1. Fondée en 1034, sous la forme d’un ermitage, par le chevalier Hellouin (ou Herluin) elle est alors en plein essor.

Il est attiré par l’enseignement de son prieur, Lanfranc de Pavie, un célèbre théologien. Il apprend auprès de lui la dialectique et la réthorique. 

Anselme devient rapidement l’un de ses principaux disciples et enseigne à ses côtés. Anselme aurait alors pu vivre de l’héritage laissé par son père décédé ou se laisser tenter par la vie d’ermite. Pourtant, après avoir demandé son avis à Lanfranc, en 1059 (ou 1060), il entre comme moine à l’abbaye. Très rapidement —au bout de trois ans— il en devient le prieur, succédant à Lanfranc, lui-même nommé abbé de l’abbaye Saint Étienne de Caen, qui vient d’être fondée par Guillaume le Conquérant. 

Durant cette période, Anselme compose deux de ses œuvres majeures: le Monologium et le Proslogion.

Le Monologium (“le Monologue”) se présente sous la forme d’une méditation et entend prouver l’existence de Dieu. Anselme entend appuyer sa démonstration sur la raison et sur des arguments logiques et non sur une vérité révélée ou sur l’autorité des Écritures, même s’il précise soigneusement dans la Préface de l’ouvrage qu’il n’écrit «rien d’incompatible avec les écrits des Père de l’Église, et particulièrement ceux de Saint Augustin.» 

le Proslogion (“Un discours”) est un traité rédigé comme s’il était écrit par «une personne s’efforçant d’élever son esprit dans la contemplation de Dieu et cherchant à comprendre en quoi il croit.» Il s’agit en fait d’une démonstration de l’existence de Dieu et l’argument qui la sous-tend est dit “ontologique”, car il appuie sa preuve sur l’existence a priori de l’être de Dieu. Cet argument se trouve dans le chapitre II:

Même l’insensé 2 est convaincu qu’il existe quelque chose dans l’esprit, du moins, que rien de plus grand (que Dieu — Ndr) ne peut être conçu. Car, quand il en a conscience, il le comprend. Et tout ce qui est compris existe dans l’esprit. Et, assurément, ce qui, à quoi rien de plus grand ne peut être conçu, ne peut pas exister seulement dans l’esprit. En effet, supposons qu’il n’existe que dans le seul esprit: alors il peut être conçu pour exister dans la réalité; qui est plus grande.
Par conséquent, si ce qui ne peut être conçu plus grand ne peut exister que dans l’esprit; l’être même, qui ne peut être conçu plus grand, que celui qui peut être conçu. Mais évidemment, c’est impossible. Par conséquent, il n’y a aucun doute qu’il existe un être, que rien de plus grand ne peut être conçu, et il existe à la fois dans l’esprit et dans la réalité.

En 1079, Anselme, à la mort du fondateur de l’abbaye, Herluin, est élu abbé à l’unanimité. Il reçoit la crosse des mains du Duc de Normandie, Guillaume le Conquérant.

Depuis déjà quelques années, l’Église avait entamé un important mouvement de réforme. Il avait été initié par Léon IX (pape de février 1049 à avril 1054), qui le premier s’attaqua à la sImonie et à l’incontinence cléricale, c’est-à-dire au mariage des prêtres.

Cet effort sera poursuivi par ses successeurs et en particulier Alexandre II (pape de septembre 1061 à avril 1073). Ce dernier avait fait ses études à l’abbaye du Bec auprès de Lanfranc. Il appuya Guillaume de Normandie (Guillaume le Conquérant—Ndr) «promoteur actif de la réforme. Il bénit sa campagne en lui envoyant l’étendard de saint Pierre, sous lequel Guillaume livra et remporta la bataille de Hastings».3 Un geste qui préfigurait l’appel des croisades par les papes.

Cet appui devait avoir des conséquences pour Anselme. Guillaume désigne en 1070 son mentor Lanfranc archevêque de Canterbury. Une nomination confirmée par Alexandre II en 1071, puisque celui-ci lui remet le pallium4

Anselme à son tour va traverser la Manche. Guillaume le Roux5 le consacre archevêque de Canterbury en 1093. Il succède ainsi à Lanfranc, qui vient de décéder.

Son accession se fait dans une situation politique complexe. Nous sommes alors en plein querelle des investitures, il refuse d’être investi par le pouvoir temporel et ne veut recevoir son « pallium » que du pape Urbain II. Il se montrera aussi partisan de la réforme grégorienne portée justement par Urbain II. Enfin il sera contraint à deux reprises à l’exil.

Il devait mourir à Canterbury en 1109, laissant une œuvre philosophie et théologique importante, notamment le Monologion (Monologue) consacré à la preuve de l’existence de Dieu, le Proslogion où il expose une démonstration a priori de l’existence de Dieu. Jean-Pierre Gounon, par exemple, insiste sur ce qu’il appelle le «principe fondamental» d’Anselme:

Il est le même que celui de saint Augustin : croire pour comprendre ; c’est la “fïdes quærens intellectum”. Ainsi, pour Anselme, il n’est pas question de savoir si tel fait s’est passé oui ou non, ou s’il s’est passé de telle manière plutôt que de telle autre ; il n’y a pas à se demander, par exemple, s’il est vrai que Dieu soit descendu dans le sein d’une vierge et ait revêtu un corps humain; il faut, au contraire, partir du fait, reconnu par la foi, et en chercher l’explication par l’intelligence. Et si l’explication ne se trouvait pas, si même l’intelligence concluait à la non possibilité du fait, il n’en faudrait pas moins persister à croire aussi fermement après qu’avant, en tenant pour non avenues les objections de la raison.6

C’est en grande partie en exil, à Capoue —comme il le précise dans la préface— qu’Anselme va composer en 1098, Cur Deus homo. Il s’agit d’un traité théologique, rédigé sous la forme d’un dialogue entre un maître —Anselme lui-