Ciacco

Dante_Ciacco_Chant_VI_Enfer_Doré
  • L’Enfer, Chant VI
  • Illustration: Dante rencontre Ciacco au troisième cercle de l’Enfer – Illustration de Gustave Doré (1866).

Ciacco était un contemporain de Dante et les deux hommes se sont croisés dans Florence. Au Chant V de l’Enfer, Ciacco apostrophe le poète, lui disant «riconoscimi, se sai: / tu fosti, prima ch’io disfatto, fatto» (“reconnais-moi, si tu peux: / tu fus fait, avant que je ne sois défait.” – v. 41-42)

Il est à peu près certain que ce personnage a existé, mais la seule note qui confirme son existence réelle se trouve dans les Chiose Selmi. Il s’agit de la glose du copiste d’un manuscrit conservé à la Biblioteca Marciana de Venise (Marciano IX, 179). Ce copiste anonyme écrit: «Celui-ci (Caccio) connut Dante, semble-t-il, avant que celui-ci meure, Dante avait quatorze ans.»

Ce sont les Florentins qui lui donnèrent son surnom: «Voi cittadini mi chiamaste» (“Vous citoyens m’appeliez…”) dit-il à Dante. Cette phrase appelle d’ailleurs une autre question: Caccio était-il originaire de Florence? Le sens de la phrase semble indiquer l’inverse, puisque ce sont les citoyens de la ville qui l’on surnommé ainsi, mais aucun document ne permet d’attester ce qui reste une interprétation. 

Ce mot signifie en vieux langage florentin un pourceau

Ce surnom peut avoir plusieurs origines, qui ne sont d’ailleurs pas antinomiques:

  1. La première serait que Ciacco dériverait du prénom toscan Jacopo ou Giacomo (qui vient du français Jacques!). Ce surnom, sans être extrêmement répandu, était porté par d’autres. Par exemple, c’était le cas d’un poète contemporain, Ciacco dell’Anguillaia.
  2. La seconde hypothèse serait que Ciacco serait un mot de l’ancien toscan pour désigner un « porc » ou un pourceau. Le Vocabolorio Etimologico della Lingua Italiana donne par exemple cette définition: «Cassio: Animal qui se dit aussi porc».
  3. Dernière hypothèse avancée par André Pézard, ce sobriquet renverrait au fait que Caccio avait un nez aplati semblable au groin d’un porc 

Ludwig Gottfried dans son Vocabolario  dantesco fait de ces hypothèses une synthèse, décrivant ce personnage ainsi:

Parasite assez connu du temps de Dante à Florence. Il s’appelait apparemment Jacopo, Jacques, dont Ciacco est une forme estropiée qu’on avait choisie de préférence parce que ce mot signifie encore en vieux langage florentin un pourceau.

Boccace dans son Décaméron dresse le portrait d’un Ciacco glouton et parasite:

Il y avait donc à Florence un homme qui tout le monde appelait Ciacco, le plus glouton qui ait jamais existé. Comme ses ressources ne lui permettaient pas de couvrir les dépenses que sa goinfrerie exigeait, étant par ailleurs de belles manières et fécond en bons mots et plaisantes saillies, il devint non pas véritablement bouffon, mais plutôt amuseur; il fréquentait les gens riches qui prenaient plaisir à déguster de bonnes choses et il allait très souvent chez eux pour déjeuner ou dîner, bien qu’il ne fut pas toujours invité. (IX, 8)

Si l’on suit la description de Boccace, Caccio était un de ces uomini di corte (hommes de cour) amuseurs et beaux parleurs qui, en échange d’un bon repas, égayaient les tables des nobles et des riches Florentins.