Le Paradis – Chant I
Dantis Amor de Gabriel Rossetti (1859) – The Yorck Project – Domaine public
Prologue du Paradis • Invocation aux Muses et à Apollon • Ascension de Béatrice et Dante • Être transhumain • Lumière et son extraordinaires • Doutes de Dante • L’ordre de l’univers.
La gloire de celui qui anime tout1
pénètre l’univers, et resplendit plus
en un lieu et moins ailleurs.2•3
Je fus dans le ciel qui prend le plus
de sa lumière3, et j’y vis des choses
que ne sait ni peut redire celui qui en descend;•6
car en s’approchant de son désir4
notre esprit y plonge si profondément,
que la mémoire ne peut le suivre.5•9
Cependant ce qui fera du saint règne6
trésor dans ma mémoire,
sera matière pour mon chant.•12
Ô illustre Apollon, pour l’ultime tâche
fais moi réceptacle de ta vertu,
comme tu le veux pour donner ton laurier d’amour.7 •15
Jusqu’ici l’un des sommets du Parnasse8
m’a suffi ; mais maintenant les deux9
me sont nécessaires pour entrer dans l’ultime arène.•18
Entre dans ma poitrine, et que ton souffle
soit comme le jour où tu tiras Marsyas
du fourreau de ses membres.10•21
Ô divine vertu, si tu te prêtes assez à moi
pour que du bienheureux royaume j’en montre l’ombre11
telle qu’elle est gravée en mon esprit,•24
tu me verras approcher de ta plante aimée
et me couronneras de ses feuilles,12
la matière13 et toi m’en ayant fait digne.•27
Si de rares fois, père, on ne les cueille pas
pour le triomphe de césar ou d’un poète,
—et ce par la faute et la honte de l’humain désir14—,•30
les feuilles du laurier devraient
ajouter de la joie à la joie, Dieu de Delphes15
quand d’aucun en est assoiffé.•33
Une grande flamme suit la petite étincelle :
après moi et peut-être avec une meilleure voix,
on priera pour que Cirrha réponde.16•36
Les mortels voit naître la lumière du monde
de plusieurs bouches ; mais de celle où se joignent
quatre cercles et trois croix, elle jaillit17•39
avec meilleur cours et en même temps
meilleure étoile, et la cire de ce monde
est à son mode mieux modelée et scellée.•42
Cette bouche18 faisait ici le matin
et là le soir ; dans cet hémisphère presque tout
était blanc, et l’autre partie noire,19•45
quand Béatrice se tournant
sur sa gauche regarda le soleil :
jamais aigle ne le fixa ainsi.20•48
Et comme un second rayon naît
du premier, rejaillissant vers le haut,
ou comme le pèlerin qui veut retourner,21•51
à la manière de son geste, qui avait infusé
dans mon imagination, je fis le mien,
et je fixais le soleil autrement que nous le faisons.•54
Beaucoup est permis ici22, qui là ne l’est pas
à notre vertu, par la grâce de ce lieu
approprié à l’humaine espèce.•57
Je le souffris peu, mais si peu que ce soit,
je vis autour brasiller,
comme le fer qui sort bouillant du feu;•60
et soudain il me sembla que s’ajoutait
jour au jour, comme si le tout-puissant
avait paré le ciel d’un autre soleil.•63
Béatrice était toute aux éternelles roues23
qu’elle fixait de ses yeux ; et moi par elle
je fixais les lumières, dont je m’étais écartées.24•66
En la contemplant je me fis
tel que Glaucus se fit en goûtant l’herbe,
dans la mer, l’égal des autres dieux.25 •69
Être transhumain26 ne peut s’exprimer
per verba ; mais que l’exemple suffise
à qui la grâce réserve cette expérience.27•72
Si je n’étais qu’une âme nouvelle
créée par toi, amour qui règne sur le ciel,
tu le sais, toi qui me souleva par ta lumière.28•75
Quand la roue qu’anime son désir
éternel pour toi29, attira mon attention
par son harmonie que tu tempères et répartis,30•78
alors m’apparut tant de ciel enflammé
par le soleil, que pluie ou fleuve
ne firent jamais lac aussi étendu.•81
La nouveauté du son et de la grande lumière31
allumèrent en moi le désir d’en connaître leur cause32 ;
je n’en avais jamais ressenti d’aussi aigu.•84
Alors celle, qui voyait en moi tout comme moi,33
pour apaiser mon âme troublée,34
avant que je demande, ouvrit la bouche,•87
et commença : « Toi-même te fais obtus
en raison d’une fausse idée, aussi ne vois-tu pas
ce que tu devrais voir si tu l’avais chassée.•90
Tu n’es pas sur terre, comme tu le crois ;
et la foudre, fuyant son séjour,
ne court pas comme toi le fais en y retournant.»35•93
Délivré du premier doute
par les brèves paroles souriantes,
je fus pris dans les rets d’un autre•96
et dis : « Déjà j’étais calmé, contenté
par mon grand émerveillement ; mais maintenant je suis
émerveillé de m’élever plus que ces corps légers.»36•99
Alors elle, après un soupir apitoyé,
les yeux braqués sur moi un peu comme
fait une mère lorsque son fils délire,•102
commença : « Toutes les choses
sont ordonnées entre elles, et cette forme
fait l’univers semblable à Dieu.37•105
En elle les hautes créatures voient
la marque de l’éternelle vertu38, laquelle est fin
pour laquelle est faite la forme décrite plus haut.39•108
Dans l’ordre que je dis tous les êtres créés
sont inclinés, dans diverses conditions,
selon qu’ils sont plus ou moins proches de Dieu;•111
d’où ils se dirigent vers des ports distincts
par la grand mer de l’être, chacun
porté selon l’instinct qui lui est donné.40•114
C’est lui qui porte le feu vers la lune ;
c’est lui qui est moteur dans le cœur des mortels ;
c’est lui qui presse la terre et la tient serrée;41•117
cet arc42 ne lance pas seulement
les créatures privées d’intelligence,
mais aussi celles qui ont intellect et amour.43•120
La providence, qui ordonne tout,
de sa lumière fait le ciel toujours paisible44
où celui qui a le plus de hâte tourne;45•123
et maintenant là, comme lieu assigné,
nous porte la force de cette corde
qui décoche ses traits vers une cible joyeuse.•126
Il est vrai que souvent la forme
ne s’accorde pas à l’intention de l’art,
car la matière est sourde à lui répondre;•129
aussi de cette trajectoire s’éloigne
souvent la créature, qui a le pouvoir
de se fourvoyer, alors qu’elle est poussée vers le bien;46•132
et comme on peut voir tomber la foudre
d’un nuage, ainsi le premier élan
tombe à terre convulsé de faux plaisir.•135
Ne t’étonnes plus, si je m’imagine bien,
de ton ascension, non plus que d’un fleuve
descendant de la haute montagne au fond la vallée.•138
Merveille serait dans ton cas si, privé
d’obstacle, tu restais assis, tout comme sur terre
une flamme vivante resterait tranquille.»
Alors elle tourna vers le ciel son regard.•142
Proemio del Paradiso • Invocazione alle Muse e ad Apollo • Ascensione di Dante e Beatrice • Lumi et suoni straordinari • Dubbi di Dante • L’ordine dell’universo.
La gloria di colui che tutto move
per l’universo penetra, e risplende
in una parte più e meno altrove.•3
Nel ciel che più de la sua luce prende
fu’ io, e vidi cose che ridire
né sa né può chi di là sù discende;•6
perché appressando sé al suo disire,
nostro intelletto si profonda tanto,
che dietro la memoria non può ire.•9
Veramente quant’ io del regno santo
ne la mia mente potei far tesoro,
sarà ora materia del mio canto.•12
O buono Appollo, a l’ultimo lavoro
fammi del tuo valor sì fatto vaso,
come dimandi a dar l’amato alloro.•15
Infino a qui l’un giogo di Parnaso
assai mi fu ; ma or con amendue
m’è uopo intrar ne l’aringo rimaso.•18
Entra nel petto mio, e spira tue
sì come quando Marsïa traesti
de la vagina de le membra sue.•21
O divina virtù, se mi ti presti
tanto che l’ombra del beato regno
segnata nel mio capo io manifesti,•24
vedra’mi al piè del tuo diletto legno
venire, e coronarmi de le foglie
che la materia e tu mi farai degno.•27
Sì rade volte, padre, se ne coglie
per trïunfare o cesare o poeta,
colpa e vergogna de l’umane voglie,•30
che parturir letizia in su la lieta
delfica deïtà dovria la fronda
peneia, quando alcun di sé asseta.•33
Poca favilla gran fiamma seconda :
forse di retro a me con miglior voci
si pregherà perché Cirra risponda.•36
Surge ai mortali per diverse foci
la lucerna del mondo ; ma da quella
che quattro cerchi giugne con tre croci,•39
con miglior corso e con migliore stella
esce congiunta, e la mondana cera
più a suo modo tempera e suggella.•42
Fatto avea di là mane e di qua sera
tal foce, e quasi tutto era là bianco
quello emisperio, e l’altra parte nera,•45
quando Beatrice in sul sinistro fianco
vidi rivolta e riguardar nel sole :
aguglia sì non li s’affisse unquanco.•48
E sì come secondo raggio suole
uscir del primo e risalire in suso,
pur come pelegrin che tornar vuole,•51
così de l’atto suo, per li occhi infuso
ne l’imagine mia, il mio si fece,
e fissi li occhi al sole oltre nostr’ uso.•54
Molto è licito là, che qui non lece
a le nostre virtù, mercé del loco
fatto per proprio de l’umana spece.•57
Io nol soffersi molto, né sì poco,
ch’io nol vedessi sfavillar dintorno,
com’ ferro che bogliente esce del foco;•60
e di sùbito parve giorno a giorno
essere aggiunto, come quei che puote
avesse il ciel d’un altro sole addorno.•63
Beatrice tutta ne l’etterne rote
fissa con li occhi stava ; e io in lei
le luci fissi, di là sù rimote.•66
Nel suo aspetto tal dentro mi fei,
qual si fé Glauco nel gustar de l’erba
che ’l fé consorto in mar de li altri dèi.•69
Trasumanar significar per verba
non si poria ; però l’essemplo basti
a cui esperïenza grazia serba.•72
S’i’ era sol di me quel che creasti
novellamente, amor che ’l ciel governi,
tu ’l sai, che col tuo lume mi levasti.•75
Quando la rota che tu sempiterni
desiderato, a sé mi fece atteso
con l’armonia che temperi e discerni,•78
parvemi tanto allor del cielo acceso
de la fiamma del sol, che pioggia o fiume
lago non fece alcun tanto disteso.•81
La novità del suono e ’l grande lume
di lor cagion m’accesero un disio
mai non sentito di cotanto acume.•84
Ond’ ella, che vedea me sì com’ io,
a quïetarmi l’animo commosso,
pria ch’io a dimandar, la bocca aprio•87
e cominciò : « Tu stesso ti fai grosso
col falso imaginar, sì che non vedi
ciò che vedresti se l’avessi scosso.•90
Tu non se’ in terra, sì come tu credi ;
ma folgore, fuggendo il proprio sito,
non corse come tu ch’ad esso riedi».•93
S’io fui del primo dubbio disvestito
per le sorrise parolette brevi,
dentro ad un nuovo più fu’ inretito•96
e dissi : « Già contento requïevi
di grande ammirazion ; ma ora ammiro
com’ io trascenda questi corpi levi».•99
Ond’ ella, appresso d’un pïo sospiro,
li occhi drizzò ver’ me con quel sembiante
che madre fa sovra figlio deliro,•102
e cominciò : « Le cose tutte quante
hanno ordine tra loro, e questo è forma
che l’universo a Dio fa simigliante.•105
Qui veggion l’alte creature l’orma
de l’etterno valore, il qual è fine
al quale è fatta la toccata norma.•108
Ne l’ordine ch’io dico sono accline
tutte nature, per diverse sorti,
più al principio loro e men vicine;•111
onde si muovono a diversi porti
per lo gran mar de l’essere, e ciascuna
con istinto a lei dato che la porti.•114
Questi ne porta il foco inver’ la luna ;
questi ne’ cor mortali è permotore ;
questi la terra in sé stringe e aduna;•117
né pur le creature che son fore
d’intelligenza quest’ arco saetta,
ma quelle c’hanno intelletto e amore.•120
La provedenza, che cotanto assetta,
del suo lume fa ’l ciel sempre quïeto
nel qual si volge quel c’ha maggior fretta;•123
e ora lì, come a sito decreto,
cen porta la virtù di quella corda
che ciò che scocca drizza in segno lieto.•126
Vero è che, come forma non s’accorda
molte fïate a l’intenzion de l’arte,
perch’ a risponder la materia è sorda,•129
così da questo corso si diparte
talor la creatura, c’ha podere
di piegar, così pinta, in altra parte;•132
e sì come veder si può cadere
foco di nube, sì l’impeto primo
l’atterra torto da falso piacere.•135
Non dei più ammirar, se bene stimo,
lo tuo salir, se non come d’un rivo
se d’alto monte scende giuso ad imo.•138
Maraviglia sarebbe in te se, privo
d’impedimento, giù ti fossi assiso,
com’ a terra quïete in foco vivo ».
Quinci rivolse inver’ lo cielo il viso.•142