Le Paradis – Chant II
Dessins de la Lune, réalisé par Galilée vers 1610 – Domaine public.
Premier ciel : Ciel de la Lune • Avertissement aux lecteurs • Arrivée de Dante et pénétration dans le corps de l’astre • Taches de la Lune • Erreur de Dante • Explication de Béatrice.
Oh vous qui êtes dans si petite barque
désireux d’écouter, et suivez
mon vaisseau qui va chantant,1•3
retournez revoir vos rivages :
ne gagnez pas la haute mer, car peut-être,
me perdant de vue, vous resteriez égaré.2•6
L’eau que je prends n’a jamais été courue ;
Minerve y souffle, et Apollon me conduit,3
et neuf Muses4 me montrent l’Ourse.5•9
Vous, peu nombreux, qui de bonne heure
avez dressé le col au pain des anges,6 dont
on vit ici-bas mais qui jamais ne rassasie,7•12
vous pouvez mettre en haute mer
votre navire, en gardant mon sillage
avant que l’eau ne redevienne étale.•15
Ces glorieux qui allèrent en Colchide
ne furent pas plus étonnés que vous le serez
quand ils virent Jason se faire laboureur.8•18
La soif originelle et perpétuelle
du règne fait à l’image de Dieu9 nous emportait
aussi vite que le regard balaie le ciel.•21
Béatrice regardait le ciel, et moi en elle ;
et peut-être aussi vite qu’un carreau s’arrête,
vole et se détache de l’arbalète,10•24
je me vis arriver là où une merveille
détourna mon regard11 ; et celle
à qui mes pensées ne pouvaient être cachées,•27
se tourna vers moi, aussi joyeuse que belle,
« Remercie Dieu », me dit-elle,
« car il nous a joints à la première étoile».12•30
Il me semblait être couvert d’une nuée
lumineuse, compacte, solide et lisse,13
semblable à un diamant frappé par le soleil.•33
Cette perle éternelle14 nous reçut
en son sein, comme l’eau recevant
un rayon de lumière reste une.15•36
Si j’étais corps, et ici qu’une substance
en une autre soit supportée ne se conçoit pas,
—or il convient qu’un corps se fonde en un autre—16•39
le désir devrait s’enflammer en nous
de voir cette essence où se voit
comment notre nature et Dieu se sont unis.17•42
Là-haut se verra ce que l’on tient par la foi,
qui n’est pas démontré, mais est connu en chacun
à la manière de cet axiome auquel l’homme croit.18•45
Je répondis : « Ma Dame, aussi dévot
que je puisse être, je remercie
celui qui m’a éloigné du monde mortel.19•48
Mais dites-moi : que sont les taches sombres
de ce corps, qui là-bas sur la terre
font dire des fables sur Caïn?».20•51
Elle sourit légèrement21, et puis « Si l’opinion
des mortels est celle-là », me dit-elle, « c’est que
la clé des sens ne peut ouvrir la compréhension,22•54
et désormais les flèches de l’étonnement23
ne devraient plus t’atteindre, car si
l’on suit les sens la raison a de courtes ailes.24•57
Mais dis-moi ce que toi tu en penses. »25
Et moi : « Je crois que ce qui nous paraît
différent ici est le fait des corps rares et denses.»26•60
Et elle : « Certes tu verras ta croyance
engloutie dans le faux, si tu écoutes bien
les arguments que je ferai à son encontre.•63
La huitième sphère montre nombre
d’étoiles, lesquelles en qualité et en quantité
peuvent avoir des figures différentes.27•66
Si les seules causes en étaient le rare et le dense,
toutes n’auraient qu’une seule vertu,28
distribuée plus ou moins, ou autant.29•69
Vertus diverses sont le fruit de différents
principes formels,30 et ceux-ci, à l’exception d’un,
seraient détruits si l’on suit ton raisonnement.31•72
Puis,32 si le rare que tu cherches
était la cause des taches sombres, ou de part en part
cette planète serait privée•75
de ses matériaux, ou dans son épaisseur33
les feuilles alterneraient, comme dans un corps
se distribue le gras et le maigre.34 •78
Si le premier cas était vrai
lors d’éclipse solaire, la lumière traverserait
comme elle transparaît dans un corps ténu.•81
Cela n’est pas : mais il faut regarder
l’autre cas ; et s’il advient que je le casse aussi,
ton opinion sera démontrée fausse.35•84
Si le rare ne passe pas de part en part,
il convient qu’une borne soit à partir
de laquelle son contraire ne laisserait rien passer;•87
et là le rayon du soleil se réfléchirait
comme les couleurs sont renvoyées
par le verre au dos voilé de plomb.36 •90
Tu pourrais dire que le rayon se révèle
plus sombre dans cette partie que dans d’autres,
car il est réfléchi plus en arrière.37 •93
De cette objection peux te libérer
si jamais tu la tentes, une expérience
qui est à la source de vos arts.•96
Prends trois miroirs ; éloignes-en deux
d’une même distance, et recules plus l’autre,
afin de le voir entre les deux premiers.•99
Tourné vers eux, fait que derrière ton dos
une lumière illumine les trois miroirs
et que tous la réfléchissent vers toi.•102
Bien que la plus éloignée ne soit pas
aussi large, tu verras
qu’elle brille tout autant.38•105
Or, comme sous les coups des chauds rayons
la matière 39 de la neige se dépouille
de sa couleur40 et de son froid,•108
ainsi pour ton esprit nu de certitudes
je veux former une lumière si vive,
qu’elle l’illuminera comme une étoile.•111
À l’intérieur du ciel de la paix divine41
tourne un corps42 dans la vertu duquel
repose l’être de tout ce qu’il contient.•114
Le ciel suivant, qui a tant d’étoiles,43
réparti cet être en plusieurs essences,
par lui séparées et par lui contenues.•117
Les autres cieux44, chacun différemment,
disposent la vertu qu’ils possèdent
pour leurs fins et aussi pour leurs semailles.. •120
Ainsi vont de degré en degré les organes45
du monde, comme tu le vois maintenant,
recevant vertu du haut et la diffusant en bas.•123
Regarde bien maintenant comment
je m’approche de ce vrai que tu désires,
pour que tu saches seul passer le gué.•126
Le moteur et la vertu des cercles saints,
comme pour le forgeron l’art du marteau,
sont animés par les bienheureux moteurs;46•129
et le ciel embelli de tant de lumières,
de l’esprit divin qui le fait tourner
prend l’image et en fait un sceau.•132
Et comme l’âme dans votre poussière47
s’exprime, en diverses facultés
agencées dans les membres du corps,48•135
l’intelligence déploie aussi sa bonté
se multipliant dans les étoiles,
tout en se tournant sur son unité.49•138
Chaque vertu fait diverses alliances
avec les corps précieux50 qu’elle avive
et auxquels elle se lie, comme l’âme en vous.•141
Par la nature gaie dont elle vient,51
la vertu mêlée au corps luit
comme la joie brille dans la pupille.•144
De là vient ce qui de lumière à lumière
paraît différent, et non par le dense ou le rare ;
ceci est le principe formel qui produit,52
conforme à sa bonté, le sombre et le clair.»•148
Cielo primo o della Luna • Ammonimento ai lettori • Arrivo di Dante e penetrazione nel corpo della Luna • Le macchie della Luna • Errore del poeta • Spiegazione di Beatrice.
O voi che siete in piccioletta barca,
desiderosi d’ascoltar, seguiti
dietro al mio legno che cantando varca,•3
tornate a riveder li vostri liti :
non vi mettete in pelago, ché forse,
perdendo me, rimarreste smarriti.•6
L’acqua ch’io prendo già mai non si corse ;
Minerva spira, e conducemi Appollo,
e nove Muse mi dimostran l’Orse.•9
Voialtri pochi che drizzaste il collo
per tempo al pan de li angeli, del quale
vivesi qui ma non sen vien satollo,•12
metter potete ben per l’alto sale
vostro navigio, servando mio solco
dinanzi a l’acqua che ritorna equale.•15
Que’ glorïosi che passaro al Colco
non s’ammiraron come voi farete,
quando Iasón vider fatto bifolco.•18
La concreata e perpetüa sete
del deïforme regno cen portava
veloci quasi come ’l ciel vedete.•21
Beatrice in suso, e io in lei guardava ;
e forse in tanto in quanto un quadrel posa
e vola e da la noce si dischiava,•24
giunto mi vidi ove mirabil cosa
mi torse il viso a sé ; e però quella
cui non potea mia cura essere ascosa,•27
volta ver’ me, sì lieta come bella,
« Drizza la mente in Dio grata », mi disse,
« che n’ha congiunti con la prima stella ».•30
Parev’ a me che nube ne coprisse
lucida, spessa, solida e pulita,
quasi adamante che lo sol ferisse.•33
Per entro sé l’etterna margarita
ne ricevette, com’ acqua recepe
raggio di luce permanendo unita.•36
S’io era corpo, e qui non si concepe
com’ una dimensione altra patio,
ch’esser convien se corpo in corpo repe,•39
accender ne dovria più il disio
di veder quella essenza in che si vede
come nostra natura e Dio s’unio.•42
Lì si vedrà ciò che tenem per fede,
non dimostrato, ma fia per sé noto
a guisa del ver primo che l’uom crede.•45
Io rispuosi : « Madonna, sì devoto
com’ esser posso più, ringrazio lui
lo qual dal mortal mondo m’ha remoto.•48
Ma ditemi : che son li segni bui
di questo corpo, che là giuso in terra
fan di Cain favoleggiare altrui?».•51
Ella sorrise alquanto, e poi « S’elli erra
l’oppinïon », mi disse, « d’i mortali
dove chiave di senso non diserra,•54
certo non ti dovrien punger li strali
d’ammirazione omai, poi dietro ai sensi
vedi che la ragione ha corte l’ali.•57
Ma dimmi quel che tu da te ne pensi ».
E io : « Ciò che n’appar qua sù diverso
credo che fanno i corpi rari e densi».•60
Ed ella : « Certo assai vedrai sommerso
nel falso il creder tuo, se bene ascolti
l’argomentar ch’io li farò avverso.•63
La spera ottava vi dimostra molti
lumi, li quali e nel quale e nel quanto
notar si posson di diversi volti.•66
Se raro e denso ciò facesser tanto,
una sola virtù sarebbe in tutti,
più e men distributa e altrettanto.•69
Virtù diverse esser convegnon frutti
di princìpi formali, e quei, for ch’uno,
seguiterieno a tua ragion distrutti.•72
Ancor, se raro fosse di quel bruno
cagion che tu dimandi, o d’oltre in parte
fora di sua materia sì digiuno•75
esto pianeto, o, sì come comparte
lo grasso e ’l magro un corpo, così questo
nel suo volume cangerebbe carte.•78
Se ’l primo fosse, fora manifesto
ne l’eclissi del sol, per trasparere
lo lume come in altro raro ingesto.•81
Questo non è : però è da vedere
de l’altro ; e s’elli avvien ch’io l’altro cassi,
falsificato fia lo tuo parere.•84
S’elli è che questo raro non trapassi,
esser conviene un termine da onde
lo suo contrario più passar non lassi;•87
e indi l’altrui raggio si rifonde
così come color torna per vetro
lo qual di retro a sé piombo nasconde.•90
Or dirai tu ch’el si dimostra tetro
ivi lo raggio più che in altre parti,
per esser lì refratto più a retro.•93
Da questa instanza può deliberarti
esperïenza, se già mai la provi,
ch’esser suol fonte ai rivi di vostr’ arti.•96
Tre specchi prenderai ; e i due rimovi
da te d’un modo, e l’altro, più rimosso,
tr’ambo li primi li occhi tuoi ritrovi.•99
Rivolto ad essi, fa che dopo il dosso
ti stea un lume che i tre specchi accenda
e torni a te da tutti ripercosso.•102
Ben che nel quanto tanto non si stenda
la vista più lontana, lì vedrai
come convien ch’igualmente risplenda.•105
Or, come ai colpi de li caldi rai
de la neve riman nudo il suggetto
e dal colore e dal freddo primai,•108
così rimaso te ne l’intelletto
voglio informar di luce sì vivace,
che ti tremolerà nel suo aspetto.•111
Dentro dal ciel de la divina pace
si gira un corpo ne la cui virtute
l’esser di tutto suo contento giace.•114
Lo ciel seguente, c’ha tante vedute,
quell’ esser parte per diverse essenze,
da lui distratte e da lui contenute.•117
Li altri giron per varie differenze
le distinzion che dentro da sé hanno
dispongono a lor fini e lor semenze.•120
Questi organi del mondo così vanno,
come tu vedi omai, di grado in grado,
che di sù prendono e di sotto fanno.•123
Riguarda bene omai sì com’ io vado
per questo loco al vero che disiri,
sì che poi sappi sol tener lo guado.•126
Lo moto e la virtù d’i santi giri,
come dal fabbro l’arte del martello,
da’ beati motor convien che spiri;•129
e ’l ciel cui tanti lumi fanno bello,
de la mente profonda che lui volve
prende l’image e fassene suggello.•132
E come l’alma dentro a vostra polve
per differenti membra e conformate
a diverse potenze si risolve,•135
così l’intelligenza sua bontate
multiplicata per le stelle spiega,
girando sé sovra sua unitate.•138
Virtù diversa fa diversa lega
col prezïoso corpo ch’ella avviva,
nel qual, sì come vita in voi, si lega.•141
Per la natura lieta onde deriva,
la virtù mista per lo corpo luce
come letizia per pupilla viva.•144
Da essa vien ciò che da luce a luce
par differente, non da denso e raro ;
essa è formal principio che produce,
conforme a sua bontà, lo turbo e ’l chiaro».•148