Le Paradis – Chant III
Dante et Béatrice rencontre Piccarda Donati et l’Impératrice Constance dans le Ciel de la Lune – Francesco Scaramuzza, (1803-1886) – Domaine public.
Premier Ciel : Ciel de la Lune • Apparition des âmes qui n’ont pu accomplir leur vœu • Piccarda Donati • Explication sur les différents degrés de béatitude dans les cieux • L’âme de la Grande Constance • Chant et disparition des âmes.
Ce soleil qui d’amour avait enflammé mon cœur,1
m’avait découvert, en prouvant et en réfutant,2
la douce figure de la belle vérité;3•3
et moi, pour confesser mon erreur corrigée
et ma foi certaine, autant qu’il convenait
je relevai la tête pour m’exprimer;•6
mais une vision apparut qui retint
tant mon attention, pour la regarder,
que de ma confession je ne me souviens pas.•9
Telles à travers les vitres transparentes et polies,
ou dans les eaux claires et tranquilles,
peu profondes mais dont les fonds se perdent,•12
de frêles apostilles4 renvoient nos traits,
et une perle sur un front blanc
se forme moins doucement sur notre pupille;5 •15
tels je vis plusieurs visages prêts à parler ;
pour cela je tombais dans l’erreur contraire
à celle qui embrasa l’amour entre l’homme et la source.6 •18
Aussitôt que je les aperçus,
les prenant pour des visages réfléchis,
je détournais mes yeux pour voir qui ils étaient,7•21
et ne voyant personne, je les retournais,
droit dans la lumière qui brillait dans
les yeux saints de ma douce guide, qui souriait.•24
« Ne t’étonne pas si je souris,
de ta pensée puérile », dit-elle,8
« car elle ne se fonde pas encore sur le vrai,•27
et te fait errer, comme à l’habitude, en vain ;
ceux que tu vois sont des êtres véritables,9
relégués ici10 pour avoir manqué à leurs vœux.11•30
Parle donc avec eux et écoute et crois ;
car la vraie lumière qui les contente
ne les laisse pas s’éloigner d’elle.»•33
Et vers l’ombre qui paraissait la plus désireuse
de parler, je me tournai et commençai,
comme un homme rendu confus de trop d’envie.•36
« Oh esprit bien créé, qui aux rayons
de la vie éternelle goûte une douceur
jamais comprise, faute d’être ressentie,12•39
je serais heureux si tu me contentais
en me donnant ton nom et votre destin. »
Alors elle, prompte, les yeux rieurs:•42
« Notre charité ne se ferme pas
au juste désir, comme celle de celui
qui veut toute sa cour semblable à lui.13•45
Dans le monde, je fus vierge et sœur ;
et si tu examines bien ta mémoire,
ma beauté plus grande ne me dissimulera pas,14•48
tu reconnaîtras que je suis Piccarda,15
placée ici avec les autres bienheureux,
bienheureuse dans la sphère la plus lente.16•51
Nos sentiments, enflammés
dans le seul plaisir de l’Esprit Saint,
se réjouissent d’être soumis à son ordre.•54
Et ce séjour qui semble si bas,
nous est donné, car nos vœux furent
négligés, et non tenus.»•57
Alors moi : « Dans votre merveilleuse
apparence resplendit je ne sais quoi de divin
qui transfigure votre aspect premier:•60
Voilà pourquoi je ne fus pas vif à me rappeler ;
mais maintenant avec ce que tu me dis,
il m’est plus facile de te reconnaître.•63
Mais dis-moi : vous qui êtes ici bienheureux,
ne désirez-vous pas un lieu plus élevé
pour voir plus et être plus proche?».17•66
Avec d’autres ombres elle sourit un peu ;
puis elle me répondit si joyeuse, qu’elle semblait
brûler d’amour dans le feu premier:18•69
« Frère, la vertu de charité apaise
notre volonté, cela fait que nous ne voulons que ce
que nous avons, et n’avons pas soif d’autre chose.•72
Si nous désirions être plus haut,
nos désirs seraient en désaccord
à la volonté de celui qui nous assigne ici;•75
cela tu ne pourras le voir dans cette sphère,
où être en charité est chose nécessaire,
si tu considères sa nature avec attention.•78
Ainsi il est essentiel19 de nous en tenir à cet
état de béatitude dans les limites de la volonté divine
pour que nos volontés ne fassent qu’une;•81
ainsi, comme nous sommes de seuil en seuil
dans ce royaume plaît à tout le royaume,
comme à ce roi qui fait vouloir selon sa volonté.•84
Et notre paix est dans sa volonté :
elle est cette mer dans laquelle va tout
ce qu’elle crée ou que la nature fait.»20•87
Il me fut clair alors que chaque lieu du ciel
est le paradis, bien que21 la grâce
du bien suprême y pleuve de manière inégale.•90
Mais comme il advient quand un plat rassasie
et que d’un autre reste encore l’appétit,
que l’on demande de l’un et que de l’autre on remercie,•93
ainsi je fis du geste et de la parole,
pour apprendre d’elle quelle fut la toile
où la navette ne fut pas tirée jusqu’au bout.22•96
« Vie parfaite et haut mérite ont mis une dame
dans un ciel plus élevé », me dit-elle, « qui, par règle,
pris dans votre monde le voile et l’habit,23•99
pour veiller et dormir jusqu’à la mort
avec cet époux24 qui accepte chaque vœu
que la charité forme à son plaisir.•102
Du monde, pour la suivre, toute jeunette
je m’enfuis, et dans son habit je m’enfermai,
et promis de suivre sa règle.•105
Puis des hommes, habitués au mal plus qu’au bien,25
m’enlevèrent du doux cloître :
Dieu sait quelle fut ensuite ma vie.26•108
Et de cette autre âme splendide qui se montre à toi
à ma droite et qui semble s’embraser
de toute la lumière de notre sphère,•111
ce qui se dit de moi, peut s’entendre d’elle ;
sœur fut, et comme à moi de son front
fut ôté l’ombre du voile sacré.•114
Mais après qu’elle fut renvoyée dans le monde
contre son gré et contre bon usage,
son cœur ne fut jamais détaché du voile.•117
Ceci est la lumière de la grande Constance
qui du second vent27 de Souabe
engendra la troisième et ultime puissance.»28•120
Elle parla ainsi, puis commença “Ave
Maria”29 en chantant, et en chantant disparut
comme chose lourde dans l’eau profonde.•123
Mon regard la suivit autant que
possible, puis quand je la perdis,
je me tournai vers l’objet d’un plus grand désir,•126
et sur Béatrice toute entière me concentrai ;
mais son regard fut si étincelant
que d’abord le mien ne le soutins pas ;
cela fit que je demandais plus lentement.30•130
Cielo primo o della Luna • Apparizione di anime che non compirono i voti • Piccarda Donati • Spiegazione dei gradi di beatitudine nei vari cieli • La vita di Piccarda • L’anima della Gran Constanza • Canto et scomparsa dell’anime.
Quel sol che pria d’amor mi scaldò ’l petto,
di bella verità m’avea scoverto,
provando e riprovando, il dolce aspetto;•3
e io, per confessar corretto e certo
me stesso, tanto quanto si convenne
leva’ il capo a proferer più erto;•6
ma visïone apparve che ritenne
a sé me tanto stretto, per vedersi,
che di mia confession non mi sovvenne.•9
Quali per vetri trasparenti e tersi,
o ver per acque nitide e tranquille,
non sì profonde che i fondi sien persi,•12
tornan d’i nostri visi le postille
debili sì, che perla in bianca fronte
non vien men forte a le nostre pupille;•15
tali vid’ io più facce a parlar pronte ;
per ch’io dentro a l’error contrario corsi
a quel ch’accese amor tra l’omo e ’l fonte.•18
Sùbito sì com’ io di lor m’accorsi,
quelle stimando specchiati sembianti,
per veder di cui fosser, li occhi torsi;•21
e nulla vidi, e ritorsili avanti
dritti nel lume de la dolce guida,
che, sorridendo, ardea ne li occhi santi.•24
« Non ti maravigliar perch’ io sorrida »,
mi disse, « appresso il tuo püeril coto,
poi sopra ’l vero ancor lo piè non fida,•27
ma te rivolve, come suole, a vòto :
vere sustanze son ciò che tu vedi,
qui rilegate per manco di voto.•30
Però parla con esse e odi e credi ;
ché la verace luce che le appaga
da sé non lascia lor torcer li piedi».•33
E io a l’ombra che parea più vaga
di ragionar, drizza’mi, e cominciai,
quasi com’ uom cui troppa voglia smaga:•36
« O ben creato spirito, che a’ rai
di vita etterna la dolcezza senti
che, non gustata, non s’intende mai,•39
grazïoso mi fia se mi contenti
del nome tuo e de la vostra sorte ».
Ond’ ella, pronta e con occhi ridenti:•42
« La nostra carità non serra porte
a giusta voglia, se non come quella
che vuol simile a sé tutta sua corte.•45
I’ fui nel mondo vergine sorella ;
e se la mente tua ben sé riguarda,
non mi ti celerà l’esser più bella,•48
ma riconoscerai ch’i’ son Piccarda,
che, posta qui con questi altri beati,
beata sono in la spera più tarda.•51
Li nostri affetti, che solo infiammati
son nel piacer de lo Spirito Santo,
letizian del suo ordine formati.•54
E questa sorte che par giù cotanto,
però n’è data, perché fuor negletti
li nostri voti, e vòti in alcun canto».•57
Ond’ io a lei : « Ne’ mirabili aspetti
vostri risplende non so che divino
che vi trasmuta da’ primi concetti:•60
però non fui a rimembrar festino ;
ma or m’aiuta ciò che tu mi dici,
sì che raffigurar m’è più latino.•63
Ma dimmi : voi che siete qui felici,
disiderate voi più alto loco
per più vedere e per più farvi amici?».•66
Con quelle altr’ ombre pria sorrise un poco ;
da indi mi rispuose tanto lieta,
ch’arder parea d’amor nel primo foco:•69
« Frate, la nostra volontà quïeta
virtù di carità, che fa volerne
sol quel ch’avemo, e d’altro non ci asseta.•72
Se disïassimo esser più superne,
foran discordi li nostri disiri
dal voler di colui che qui ne cerne;•75
che vedrai non capere in questi giri,
s’essere in carità è qui necesse,
e se la sua natura ben rimiri.•78
Anzi è formale ad esto beato esse
tenersi dentro a la divina voglia,
per ch’una fansi nostre voglie stesse;•81
sì che, come noi sem di soglia in soglia
per questo regno, a tutto il regno piace
com’ a lo re che ‘n suo voler ne ’nvoglia.•84
E ’n la sua volontade è nostra pace :
ell’ è quel mare al qual tutto si move
ciò ch’ella crïa o che natura face».•87
Chiaro mi fu allor come ogne dove
in cielo è paradiso, etsi la grazia
del sommo ben d’un modo non vi piove.•90
Ma sì com’ elli avvien, s’un cibo sazia
e d’un altro rimane ancor la gola,
che quel si chere e di quel si ringrazia,•93
così fec’ io con atto e con parola,
per apprender da lei qual fu la tela
onde non trasse infino a co la spuola.•96
« Perfetta vita e alto merto inciela
donna più sù », mi disse, « a la cui norma
nel vostro mondo giù si veste e vela,•99
perché fino al morir si vegghi e dorma
con quello sposo ch’ogne voto accetta
che caritate a suo piacer conforma.•102
Dal mondo, per seguirla, giovinetta
fuggi’mi, e nel suo abito mi chiusi
e promisi la via de la sua setta.•105
Uomini poi, a mal più ch’a bene usi,
fuor mi rapiron de la dolce chiostra :
Iddio si sa qual poi mia vita fusi.•108
E quest’ altro splendor che ti si mostra
da la mia destra parte e che s’accende
di tutto il lume de la spera nostra,•111
ciò ch’io dico di me, di sé intende ;
sorella fu, e così le fu tolta
di capo l’ombra de le sacre bende.•114
Ma poi che pur al mondo fu rivolta
contra suo grado e contra buona usanza,
non fu dal vel del cor già mai disciolta.•117
Quest’ è la luce de la gran Costanza
che del secondo vento di Soave
generò ’l terzo e l’ultima possanza».•120
Così parlommi, e poi cominciò ”Ave,
Maria” cantando, e cantando vanio
come per acqua cupa cosa grave.•123
La vista mia, che tanto lei seguio
quanto possibil fu, poi che la perse,
volsesi al segno di maggior disio,•126
e a Beatrice tutta si converse ;
ma quella folgorò nel mïo sguardo
sì che da prima il viso non sofferse ;
e ciò mi fece a dimandar più tardo.•130