Le Paradis – Chant IV
Manuscrit du Timée de Platon, avec la traduction latine de Chalcidius, datant de la première moitié du Xe siècle – Domaine public.
Premier Ciel : Ciel de Lune • Deux doutes de Dante • Quel est le vrai séjour des bienheureux? • Platon est-il dans l’erreur? • Distinction entre vouloir absolu et vouloir relatif • Troisième doute de Dante.
Entre deux plats, tout autant éloignés
et tentants, l’homme libre mourrait
de faim, avant d’en porter un à sa bouche;•3
ainsi se tiendrait, également effrayé,
un agneau entre deux loups féroces hurlants ;
ainsi se tiendrait un chien entre deux daims:1 •6
pour cela, si je me tus, je ne me le reproche pas
ni m’en loue, car, alors que c’était nécessaire,
je balançais également entre mes doutes.•9
Je me taisais, mais le désir était peint
sur mon visage, et la demande avec ce désir,
fut plus ardente que distinctement articulée;•12
Béatrice fit comme Daniel2avait fait
pour calmer la colère de Nabuchodonosor,
qui l’avait rendu injustement cruel;3•15
elle dit: « Je vois bien comme l’un et l’autre
désir te tirent, si bien que ton élan s’empêtre
tant qu’il t’empêche de t’exprimer.•18
Tu argumentes : « Si mon bon vouloir dure,
pour quelle raison la violence d’autrui
diminue-t-elle mon mérite?4•21
Et te donne encore motif à douter
que l’âme semble retourner dans les étoiles
selon l’opinion de Platon.5•24
Tels sont les points qui sur ta volonté6
également pèsent ; toutefois je traiterai
d’abord de celui qui a le plus de fiel.7•27
Des Séraphins qui se fondent le plus en Dieu,
—Moïse8, Samuel9, ou celui des Jean
que tu voudras10, dirai-je, et même Marie11—,•30
aucun n’a son siège dans un autre ciel
que ces esprits qui te sont apparus,
et n’y seront pas pour plus ou moins d’années;•33
mais tous rendent belle la première sphère12,
et ont différemment douce vie
car sentant plus ou moins le souffle éternel.•36
Ils se montrèrent ici, non parce que
cette sphère est leur lot13, mais pour signifier
une spiritualité moins élevée.14•39
Parler ainsi convient à votre esprit,
car il ne saisit qu’avec les sens
ce qu’il peut rendre ensuite digne d’intelligence.15•42
Pour cela l’Écriture condescend
à votre faculté, et donne des pieds et des mains
à Dieu en entendant autre chose;•45
et la Sainte Église vous représente
avec un aspect humain Gabriel et Michel,
et cet autre qui guérit Tobit.16•48
Ce que Timée argumente sur les âmes
ne ressemble pas à ce qui se voit ici,
car il semble ne comprendre que ce qu’il dit.•51
Il dit que l’âme retourne à son étoile,
croyant qu’elle descendait de celle-ci
quand la nature lui donnait sa forme;17•54
peut-être son propos ne doit pas être
compris au sens littéral, avec peut-être
une intention dont on ne peut se moquer.18•57
S’il entend que retourne à ces roues19
l’honneur ou le blâme de l’influence, peut-être
son arc touche une certaine vérité.20•60
Ce principe, mal compris, égara
quasi tout le monde, et entraîna
à nommer Jupiter, Mercure et Mars.21•63
L’autre doute qui te trouble
a moins de venin, car son vice
ne pourrait t’éloigner de moi.•66
Que notre justice paraisse injuste
aux yeux des mortels, n’est pas malice
d’hérétique mais argument de foi.• 69
Mais comme votre intelligence
peut accéder à cette vérité,
comme tu le désires, je te contenterai.•72
S’il y a violence celui qui la subit
peut ne rien consentir à celui qui le force,
mais pour cela ces esprits22 n’en seront pas excusés;23•75
car sa volonté, s’il ne veut pas, ne s’éteint pas,
mais fait comme nature dans le feu,
quand la violence la tord de mille tours.24•78
En effet, si elle plie peu ou prou,
elle obéit à la force ; et ainsi firent-ils
alors qu’ils pouvaient se réfugier dans un lieu saint.25•81
Si leur volonté avait été entière,
comme celle qui tint Laurent sur le gril26
et fit Mucius sévère avec sa main,27.•84
elle les auraient ramenés sur la voie
dont ils avaient été retirés, quand ils furent libres ;
mais volonté si ferme est trop rare.•87
Et par ces mots, si tu les as saisis
comme ils doivent l’être, est réfuté l’argument
qui t’aurait fait peine encore plus d’une fois.•90
Mais voici que surgit une telle difficulté
devant tes yeux, que par toi-même
tu n’en sortirais pas ; tu serais las avant.•93
Je t’ai pour certain mis dans l’esprit
qu’une âme bienheureuse ne saurait mentir,
car elle est toujours proche du premier vrai28;•96
et puis tu as pu entendre de Piccarda
que Constance resta attachée au voile ;
et en cela elle semble me contredire.•99
Souvent déjà, frère, il advint
que, pour fuir un péril, à contre-cœur
l’on fit ce que l’on n’aurait pas dû faire.•102
Comme Alcméon, qui prié par
son père d’agir ainsi, tua sa propre mère,
et pour garder la piété envers lui se fit impie.29•105
À ce point je veux que tu conçoives
que la force se mêle à la volonté, et pour cela
l’offense ne peut être excusée.30•108
Un vouloir absolu ne consent pas au mal ;
mais il y consent pour autant qu’il craint,
s’il refuse, de tomber en un plus grand tourment.•111
Aussi quand Piccarda s’exprime,
elle entend le vouloir absolu, et moi
l’autre31; si bien que nous disons le vrai ensemble.»•114
Tel fut l’ondoiement du saint ruisseau
qui coulait de la source d’où toute vérité dérive ;
tel il apaisa l’un et l’autre désir.32•117
« Ô amante33 du premier amant34, dame divine »,
dis-je alors, « dont la parole m’inonde35
et m’échauffe tant, et qui m’avive de plus en plus,•120
mon affection aussi profonde soit-elle
ne suffit pas pour vous rendre grâce pour grâce ;
mais que réponde celui qui voit et peut.•123
Je vois bien que notre intellect
ne se rassasie jamais, si ne l’éclaire le vrai
hors duquel aucun vrai ne se déploie.•126
Il repose en lui, comme bête sauvage en sa tanière36
aussitôt qu’il l’a rejoint ; et le rejoindre il le peut :
sinon, tout désir serait vain.37•129
Par ce désir naît, en guise de rejeton,
au pied du vrai le doute ; et c’est la nature
qui, de degré en degré, nous pousse au sommet.•132
Ceci m’invite, ceci me donne l’assurance
respectueusement, de vous questionner, dame,
sur une autre vérité qui m’est obscure.•135
Je veux savoir si l’homme peut satisfaire
aux vœux manqués avec d’autres biens,
qui ne soient pas trop légers pour vos balances.»•138
Béatrice me regarda avec les yeux pleins
d’étincelles d’un amour si divin,
que, vaincue, ma force s’enfuit,
et je fus comme perdu les yeux baissés.•142
Cielo primo o della Luna • Due dubbi di Dante • Intuizione di Beatrice • Qual’è la seda vera dei beati? • Platone è sbagliato? • Voglia assoluta e voglia relativa • Terzo dubbio di Dante.
Intra due cibi, distanti e moventi
d’un modo, prima si morria di fame,
che liber’ omo l’un recasse ai denti;•3
sì si starebbe un agno intra due brame
di fieri lupi, igualmente temendo ;
sì si starebbe un cane intra due dame:•6
per che, s’i’ mi tacea, me non riprendo,
da li miei dubbi d’un modo sospinto,
poi ch’era necessario, né commendo.•9
Io mi tacea, ma ’l mio disir dipinto
m’era nel viso, e ’l dimandar con ello,
più caldo assai che per parlar distinto.•12
Fé sì Beatrice qual fé Danïello,
Nabuccodonosor levando d’ira,
che l’avea fatto ingiustamente fello;•15
e disse : « Io veggio ben come ti tira
uno e altro disio, sì che tua cura
sé stessa lega sì che fuor non spira.•18
Tu argomenti : “Se ’l buon voler dura,
la vïolenza altrui per qual ragione
di meritar mi scema la misura?”.•21
Ancor di dubitar ti dà cagione
parer tornarsi l’anime a le stelle,
secondo la sentenza di Platone.•24
Queste son le question che nel tuo velle
pontano igualmente ; e però pria
tratterò quella che più ha di felle.•27
D’i Serafin colui che più s’india,
Moïsè, Samuel, e quel Giovanni
che prender vuoli, io dico, non Maria,•30
non hanno in altro cielo i loro scanni
che questi spirti che mo t’appariro,
né hanno a l’esser lor più o meno anni;•33
ma tutti fanno bello il primo giro,
e differentemente han dolce vita
per sentir più e men l’etterno spiro.•36
Qui si mostraro, non perché sortita
sia questa spera lor, ma per far segno
de la celestïal c’ha men salita.•39
Così parlar conviensi al vostro ingegno,
però che solo da sensato apprende
ciò che fa poscia d’intelletto degno.•42
Per questo la Scrittura condescende
a vostra facultate, e piedi e mano
attribuisce a Dio e altro intende;•45
e Santa Chiesa con aspetto umano
Gabrïel e Michel vi rappresenta,
e l’altro che Tobia rifece sano.•48
Quel che Timeo de l’anime argomenta
non è simile a ciò che qui si vede,
però che, come dice, par che senta.•51
Dice che l’alma a la sua stella riede,
credendo quella quindi esser decisa
quando natura per forma la diede;•54
e forse sua sentenza è d’altra guisa
che la voce non suona, ed esser puote
con intenzion da non esser derisa.•57
S’elli intende tornare a queste ruote
l’onor de la influenza e ’l biasmo, forse
in alcun vero suo arco percuote.•60
Questo principio, male inteso, torse
già tutto il mondo quasi, sì che Giove,
Mercurio e Marte a nominar trascorse.•63
L’altra dubitazion che ti commove
ha men velen, però che sua malizia
non ti poria menar da me altrove.•66
Parere ingiusta la nostra giustizia
ne li occhi d’i mortali, è argomento
di fede e non d’eretica nequizia.•69
Ma perché puote vostro accorgimento
ben penetrare a questa veritate,
come disiri, ti farò contento.•72
Se vïolenza è quando quel che pate
nïente conferisce a quel che sforza,
non fuor quest’ alme per essa scusate:•75
ché volontà, se non vuol, non s’ammorza,
ma fa come natura face in foco,
se mille volte vïolenza il torza.•78
Per che, s’ella si piega assai o poco,
segue la forza ; e così queste fero
possendo rifuggir nel santo loco.•81
Se fosse stato lor volere intero,
come tenne Lorenzo in su la grada,
e fece Muzio a la sua man severo,•84
così l’avria ripinte per la strada
ond’ eran tratte, come fuoro sciolte ;
ma così salda voglia è troppo rada.•87
E per queste parole, se ricolte
l’hai come dei, è l’argomento casso
che t’avria fatto noia ancor più volte.•90
Ma or ti s’attraversa un altro passo
dinanzi a li occhi, tal che per te stesso
non usciresti : pria saresti lasso.•93
Io t’ho per certo ne la mente messo
ch’alma beata non poria mentire,
però ch’è sempre al primo vero appresso;•96
e poi potesti da Piccarda udire
che l’affezion del vel Costanza tenne ;
sì ch’ella par qui meco contradire.•99
Molte fïate già, frate, addivenne
che, per fuggir periglio, contra grato
si fé di quel che far non si convenne;•102
come Almeone, che, di ciò pregato
dal padre suo, la propria madre spense,
per non perder pietà si fé spietato.•105
A questo punto voglio che tu pense
che la forza al voler si mischia, e fanno
sì che scusar non si posson l’offense.•108
Voglia assoluta non consente al danno ;
ma consentevi in tanto in quanto teme,
se si ritrae, cadere in più affanno.•111
Però, quando Piccarda quello spreme,
de la voglia assoluta intende, e io
de l’altra ; sì che ver diciamo insieme».•114
Cotal fu l’ondeggiar del santo rio
ch’uscì del fonte ond’ ogne ver deriva ;
tal puose in pace uno e altro disio.•117
« O amanza del primo amante, o diva »,
diss’ io appresso, « il cui parlar m’inonda
e scalda sì, che più e più m’avviva,•120
non è l’affezion mia tanto profonda,
che basti a render voi grazia per grazia ;
ma quei che vede e puote a ciò risponda.•123
Io veggio ben che già mai non si sazia
nostro intelletto, se ’l ver non lo illustra
di fuor dal qual nessun vero si spazia.•126
Posasi in esso, come fera in lustra,
tosto che giunto l’ha ; e giugner puollo :
se non, ciascun disio sarebbe frustra.•129
Nasce per quello, a guisa di rampollo,
a piè del vero il dubbio ; ed è natura
ch’al sommo pinge noi di collo in collo.•132
Questo m’invita, questo m’assicura
con reverenza, donna, a dimandarvi
d’un’altra verità che m’è oscura.•135
Io vo’ saper se l’uom può sodisfarvi
ai voti manchi sì con altri beni,
ch’a la vostra statera non sien parvi».•138
Beatrice mi guardò con li occhi pieni
di faville d’amor così divini,
che, vinta, mia virtute diè le reni,
e quasi mi perdei con li occhi chini.•142