Le Paradis – Chant V

La planète Mercure – carte par Percival Lowell (1896) – Domaine public.

Premier Ciel • Ciel de la Lune • L’essence du vœu • Limites et conditions d’un échange • Leçon aux croyants. Reprise de l’ascension. // Deuxième Ciel • Ciel de Mercure • Éclat de la planète et des esprits. 

« Si pour toi je flamboie dans le feu de l’amour

au-delà de ce qui se voit sur terre,

si bien que de ton regard je vaincs la force,•3

ne t’émerveille pas, car cela procède

d’un voir parfait1, qui, dès qu’il apprend,

met le pied dans le bien appris.2 •6

Je vois bien comme déjà resplendit

dans ton esprit la lumière éternelle,

qui, sitôt vue, seule et toujours enflamme l’amour;3•9

et si autre chose séduit votre amour,

ce n’est qu’une trace de cette lumière,

mal connue, qui luit à travers elle.•12

Tu voulais savoir si contre un autre service,

pour avoir manqué à ses vœux, il est possible de

payer assez pour préserver l’âme de litige.»4•15

Ainsi Béatrice commença ce chant ;

et comme celui qui ne tronque pas son discours,

elle poursuivit ainsi le saint propos:•18

« Le plus grand don que Dieu par sa largesse

fit en créant, et à sa bonté

le plus conforme, et celui qu’il estime le plus,•21

fut du vouloir la liberté5;

les créatures ayant intelligence6,

toutes et chacune, en furent et en sont douées.•24

Or il t’apparaîtra, si tu réfléchis sur cela,

la haute valeur du vœu, s’il est ainsi fait

que Dieu consente quand tu consens;•27

car, en fixant le pacte entre Dieu et l’homme[,

tu sacrifies le trésor, que je te dis ;

et tu le fais par l’acte lui-même.•30

Dès lors que rendre en compensation ?

Si tu crois faire bon usage de ce que tu as offert,

du fruit d’un forfait, tu veux faire bon ouvrage.7•33

Tu es sûr désormais du point principal ;

mais la Sainte Église accordant des dispenses,

semblant aller à l’encontre du vrai que je t’ai dit,8•36

il convient que tu restes encore un peu à table,9

car le mets coriace10 que tu as pris,

demande encore de l’aide pour être digéré.•39

Ouvre ton esprit à ce que je vais

te révéler et retiens le ; car comprendre,

sans retenir, ne fait pas science.11•42

Deux choses sont nécessaires pour l’essence

de ce sacrifice : l’une est la matière

de ce que l’on fait12; l’autre est le pacte.•45

Ce dernier jamais ne s’efface

sinon par son observation ; et de celui-ci,

plus haut, nous avons parlé avec précision:•48

pour cela le devoir d’offrir fut imposé

aux Hébreux, encore que quelques offrandes

puissent être échangées, comme tu le sais.13•51

L’autre, la matière du vœu,

peut être telle, que l’on ne pèche pas

si on l’échange contre une autre.•54

Mais de son propre arbitre on ne change pas

la charge de son épaule, sans que tournent

la clé blanche et la clé jaune;14•57

et crois chaque changement insensé,

si ce qui est laissé n’est pas contenu dans

ce qui est choisi comme le quatre l’est dans le six.15•60

Donc tout ce qui, par sa valeur, pèse tant

qu’il renverse toutes les balances,

ne pourra être changé contre un autre.16•63

Mortels ne prenez pas les vœux à la légère ;

soyez fidèles, et ne soyez pas inconsidérés,

comme Jephté à sa première offrande;17•66

il aurait mieux convenu qu’il dise “j’ai mal fais”,

plutôt que, observant le vœu, faire pire ; et tout aussi fou

tu peux trouver le grand chef des Grecs,•69

par qui Iphigénie pleura son beau visage,18

et fit pleurer d’elle les fous et les sages

qui entendirent parler d’un tel acte de foi.•72

Soyez, chrétiens, plus prudents à vous mouvoir19:

ne soyez pas comme plume au vent,20 

et ne croyez pas que toute eau vous lave.•75

Vous avez le nouveau et l’ancien Testament,

et le pasteur de l’Église qui vous guide21;

que cela suffise à votre salut.•78

Si la cupidité mauvaise vous crie autre chose,

soyez hommes, et non folles brebis,

afin que le Juif ne rie pas de vous, parmi vous!22•81

Ne faites pas comme l’agneau qui laisse le lait

de sa mère, et simplet et folâtre

selon son plaisir se combat lui-même!».•84

Ainsi Béatrice me parla, comme je l’écris ;

puis elle se tourna pleine de désir

vers ce lieu où le monde est plus vivant.23•87

Son mutisme et son attitude changée

imposèrent silence à mon esprit avide,

qui avait déjà devant lui de nouvelles questions;•90

et comme la flèche qui percute

la cible avant que la corde cesse de vibrer,

ainsi nous courûmes vers le second règne.24•93

Ici ma dame se montra si joyeuse,

lorsqu’elle se mit dans la lumière de ce ciel,

que la planète en fut plus brillante;•96

Et si l’étoile changea et rit,25

que fis-je moi, qui par nature,

est transmuable en toutes formes!•99

Comme dans un étang tranquille et pur

les poissons s’élancent vers ce qui vient

de l’extérieur le prenant pour leur nourriture,•102

je vis bien plus de mille splendeurs

venir vers nous, et en chacune on entendait :

« Voici ce qui fera croître nos amours».26•105

Et comme chacune venait à nous,

se voyait l’ombre pleine de joie

dans l’éclat rayonnant qui sortait d’elle.27•108

Pense, lecteur, si ce qui commence ici

ne continuait pas, comme tu serais empli

d’angoisse par le manque d’en savoir plus;•111

et tu verras par toi-même comme j’avais

désir d’entendre d’elles leur condition,

sitôt qu’à mes yeux elles apparurent.•114

« Ô bien nées à qui la grâce accorde

de voir les trônes du triomphe éternel

avant d’abandonner la milice,•117

par la lumière qui s’étend dans tout le ciel

nous sommes enflammés ; et si tu désires

des éclaircissements sur nous, rassasie-toi à ton plaisir».•120

Ainsi me parla un de ces esprits

pieux ; et Béatrice dit : « Parle, parle sans crainte,

et crois-les comme s’ils étaient des dieux.»28•123

« Je vois bien comment tu fais ton nid

dans ta propre lumière, et que de tes yeux elle jaillit,

parce qu’elle brille encore plus quand tu ris;•126

mais je ne sais qui tu es, ni pourquoi tu as,

âme digne, rang dans la sphère

qui se voile aux mortels par les rayons d’une autre».29•129

Ainsi je dis tourné vers la lumière

qui auparavant m’avait parlé ; alors elle devint

plus lumineuse encore qu’elle était.•132

Comme le soleil se cache lui-même

par trop de lumière, quand la chaleur a dispersé

les épaisses vapeurs qui le voilent,•135

ainsi pour plus de joie se dissimula

dans ses propres rayons la sainte figure ;

et ainsi toute cachée elle me répondit

comme le chante le chant suivant.•139

Cielo Primo • Cielo della Luna • L’essenza del voto • Condizioni per la permutazione del voto • Lezione ai fedeli • Ripresa dell’ascenzione. // Cielo Secondo • Cielo di Mercurio • Splendore del pianeta e degli spiriti.

« S’io ti fiammeggio nel caldo d’amore

di là dal modo che ’n terra si vede,

sì che del viso tuo vinco il valore,•3

non ti maravigliar, ché ciò procede

da perfetto veder, che, come apprende,

così nel bene appreso move il piede.•6

Io veggio ben sì come già resplende

ne l’intelletto tuo l’etterna luce,

che, vista, sola e sempre amore accende;•9

e s’altra cosa vostro amor seduce,

non è se non di quella alcun vestigio,

mal conosciuto, che quivi traluce.•12

Tu vuo’ saper se con altro servigio,

per manco voto, si può render tanto

che l’anima sicuri di letigio».•15

Sì cominciò Beatrice questo canto ;

e sì com’ uom che suo parlar non spezza,

continüò così ’l processo santo:•18

« Lo maggior don che Dio per sua larghezza

fesse creando, e a la sua bontate

più conformato, e quel ch’e’ più apprezza,•21

fu de la volontà la libertate ;

di che le creature intelligenti,

e tutte e sole, fuoro e son dotate.•24

Or ti parrà, se tu quinci argomenti,

l’alto valor del voto, s’è sì fatto

che Dio consenta quando tu consenti;•27

ché, nel fermar tra Dio e l’omo il patto,

vittima fassi di questo tesoro,

tal quale io dico ; e fassi col suo atto.•30

Dunque che render puossi per ristoro ?

Se credi bene usar quel c’hai offerto,

di maltolletto vuo’ far buon lavoro.•33

Tu se’ omai del maggior punto certo ;

ma perché Santa Chiesa in ciò dispensa,

che par contra lo ver ch’i’ t’ho scoverto,•36

convienti ancor sedere un poco a mensa,

però che ’l cibo rigido c’hai preso,

richiede ancora aiuto a tua dispensa.•39

Apri la mente a quel ch’io ti paleso

e fermalvi entro ; ché non fa scïenza,

sanza lo ritenere, avere inteso.•42

Due cose si convegnono a l’essenza

di questo sacrificio : l’una è quella

di che si fa ; l’altr’ è la convenenza.•45

Quest’ ultima già mai non si cancella

se non servata ; e intorno di lei

sì preciso di sopra si favella:•48

però necessitato fu a li Ebrei

pur l’offerere, ancor ch’alcuna offerta

sì permutasse, come saver dei.•51

L’altra, che per materia t’è aperta,

puote ben esser tal, che non si falla

se con altra materia si converta.•54

Ma non trasmuti carco a la sua spalla

per suo arbitrio alcun, sanza la volta

e de la chiave bianca e de la gialla;•57

e ogne permutanza credi stolta,

se la cosa dimessa in la sorpresa

come ’l quattro nel sei non è raccolta.•60

Però qualunque cosa tanto pesa

per suo valor che tragga ogne bilancia,

sodisfar non si può con altra spesa.•63

Non prendan li mortali il voto a ciancia ;

siate fedeli, e a ciò far non bieci,

come Ieptè a la sua prima mancia;•66

cui più si convenia dicer “Mal feci”,

che, servando, far peggio ; e così stolto

ritrovar puoi il gran duca de’ Greci,•69

onde pianse Efigènia il suo bel volto,

e fé pianger di sé i folli e i savi

ch’udir parlar di così fatto cólto.•72

Siate, Cristiani, a muovervi più gravi :

non siate come penna ad ogne vento,

e non crediate ch’ogne acqua vi lavi.•75

Avete il novo e ’l vecchio Testamento,

e ’l pastor de la Chiesa che vi guida ;

questo vi basti a vostro salvamento.•78

Se mala cupidigia altro vi grida,

uomini siate, e non pecore matte,

sì che ’l Giudeo di voi tra voi non rida!•81

Non fate com’ agnel che lascia il latte

de la sua madre, e semplice e lascivo

seco medesmo a suo piacer combatte!».•84

Così Beatrice a me com’ ïo scrivo ;

poi si rivolse tutta disïante

a quella parte ove ’l mondo è più vivo.•87

Lo suo tacere e ’l trasmutar sembiante

puoser silenzio al mio cupido ingegno,

che già nuove questioni avea davante;•90

e sì come saetta che nel segno

percuote pria che sia la corda queta,

così corremmo nel secondo regno.•93

Quivi la donna mia’ io sì lieta,

come nel lume di quel ciel si mise,

che più lucente se ne fé ’l pianeta.•96

E se la stella si cambiò e rise,

qual mi fec’ io che pur da mia natura

trasmutabile son per tutte guise!•99

Come ’n peschiera ch’è tranquilla e pura

traggonsi i pesci a ciò che vien di fori

per modo che lo stimin lor pastura,•102

sì vid’ io ben più di mille splendori

trarsi ver’ noi, e in ciascun s’udia :

« Ecco chi crescerà li nostri amori».•105

E sì come ciascuno a noi venìa,

vedeasi l’ombra piena di letizia

nel folgór chiaro che di lei uscia.•108

Pensa, lettor, se quel che qui s’inizia

non procedesse, come tu avresti

di più savere angosciosa carizia;•111

e per te vederai come da questi

m’era in disio d’udir lor condizioni,

sì come a li occhi mi fur manifesti.•114

« O bene nato a cui veder li troni

del trïunfo etternal concede grazia

prima che la milizia s’abbandoni,•117

del lume che per tutto il ciel si spazia

noi semo accesi ; e però, se disii

di noi chiarirti, a tuo piacer ti sazia».•120

Così da un di quelli spirti pii

detto mi fu ; e da Beatrice : « Dì, dì

sicuramente, e credi come a dii».•123

« Io veggio ben sì come tu t’annidi

nel proprio lume, e che de li occhi il traggi,

perch’ e’ corusca sì come tu ridi;•126

ma non so chi tu se’, né perché aggi,

anima degna, il grado de la spera

che si vela a’ mortai con altrui raggi».•129

Questo diss’ io diritto a la lumera

che pria m’avea parlato ; ond’ ella fessi

lucente più assai di quel ch’ell’ era.•132

Sì come il sol che si cela elli stessi

per troppa luce, come ’l caldo ha róse

le temperanze d’i vapori spessi,•135

per più letizia sì mi si nascose

dentro al suo raggio la figura santa ;

e così chiusa chiusa mi rispuose

nel modo che ’l seguente canto canta.•139