Le Paradis – Chant VI

L’Empereur Justinien, mosaïque de l’église San Vitale (détail), Ravenne- Photo – Petar Milošević – CC BY – SA 4.0
Deuxième Ciel • Ciel de Mercure • L’Empereur Justinien – Histoire de l’aigle romaine d’Énée à Charlemagne • Les fautes des Guelfes et des Gibelins • Romieu de Villeneuve.
« Après que Constantin eut tourné l’aigle1
contre le cours du ciel2.
derrière l’ancêtre qui prit Lavina,3•3
cent et cent années et plus l’oiseau de Dieu
demeura sur la pointe de l’Europe,
près des monts4 d’où il était sorti;5•6
et sous l’ombre de ses plumes sacrées
il gouverna le monde passant de main en main,
et, ainsi changeant, parvint sur la mienne.•9
Je fus César et suis Justinien,6
qui, par le vouloir de l’amour premier,
dans les lois retira le trop et le vain.7•12
Avant d’être absorbé par cet ouvrage,
je crus le Christ d’une seule nature,
pas plus, et d’une telle foi je fus content;8•15
mais le béni Agapet, qui fut
pasteur suprême,9 vers la vraie foi
me dirigea par ses paroles.•18
Je le crus ; et ce qu’il y avait dans sa foi,
je le vois maintenant aussi clairement, que tu vois
le faux et le vrai dans toute contradiction.•21
Dès que je mis mes pas dans ceux de l’Église,
par grâce, il plut à Dieu de m’inspirer
le haut labeur, et je m’y donnais tout entier;•24
à mon Bélisaire10 je confiais l’armée,
et la droite du Ciel le soutint tant,
que pour moi ce fut le signe d’arrêter.•27
Ici, à la première question s’achève
ma réponse ; mais sa nature
me pousse à poursuivre,•30
pour que tu vois de quelles raisons
disputent sur le saint emblème
ceux qui se l’approprient et ceux qui s’y opposent.11•33
Vois combien de vertus l’ont rendu digne
de respect ; et cela commença dès que
Pallas mourut pour qu’il règne.12•36
Tu sais qu’il fit en Albe sa demeure
pour trois cent années et plus13 jusqu’à cette fin
où trois contre trois combattirent pour lui.14 •39
Et tu sais ce qu’il fit, du rapt des Sabines
à la douleur de Lucrèce,15 et sous sept rois,
vainquant tout autour les peuples voisins.16•42
Tu sais qu’il fut porté par les Romains
illustres contre Brennus,17 contre Pyrrhus,18
contre d’autres princes et républiques;19•45
Torquatus20 et Quintius, dont le nom vint
de ses cheveux négligés,21 les Decius22 et les Fabius23
en eurent une gloire que volontiers j’encense.•48
Il anéantit l’orgueil de ces Arabes24
qui derrière Hannibal traversèrent
les Alpes rocheuses,25 d’où descend le Pô.•51
Sous lui, très jeunes encore, triomphèrent
Scipion26 et Pompée27 ; et cela fut amer
à cette colline sous laquelle tu naquis.28•54
Puis, dans le temps où le ciel voulut,
à son image, rendre serein le monde entier,29
César le prit, par la volonté de Rome.30•57
Et ce qu’il fit du Var jusqu’au Rhin,
l’Isère le vit et la Saône,31 la Seine
et chaque val qui gonfle le Rhône.32•60
Ce qu’il fit après être sorti de Ravenne
et sauté le Rubicon,33 fut un vol tel,
que ni langue ni plume ne suivent.•63
Vers l’Espagne il dirigea l’armée,
puis vers Durazzo,34 et frappa Pharsale35
si fort qu’au Nil brûlant on en sentit le deuil.36•66
Il revit Antandros37 et Simoïs,38 d’où
il partit, et là où repose Hector ;
puis, pour le malheur de Ptolémée,39 s’envola.•69
De là il fondit comme la foudre sur Juba40 ;
alors il se tourna vers votre occident,
où résonnait la trompe de Pompée.41•72
Pour ce qu’il fit avec le porteur suivant,42
Brutus hurle en enfer avec Cassius,43
et Modène et Pérouse en furent désolées.44•75
En pleure encore la triste Cléopâtre
qui, fuyant devant lui, reçu
du serpent la mort soudaine et atroce.45•78
Avec lui la course s’acheva à la Mer Rouge,46
avec lui le monde s’installa dans une telle paix,
que le temple de Janus fut fermé.47•81
Mais tout ce qu’avait fait et ferait par la suite,
dans le règne mortel qui lui était soumis,
l’emblème qui me fait parler,•84
devint en apparence petit et obscur,
dans les mains du troisième César
si l’on regarde d’un œil clair et d’un cœur pur;48•87
car la justice divine qui m’inspire,
lui concéda, alors aux mains de celui que je dis,
la gloire de venger sa colère.49•90
Émerveille toi maintenant de ma réponse :
il courut plus tard avec Titus tirer vengeance
de la vengeance du péché antique.50•93
Et quand les crocs lombards mordirent
la Sainte Église, sous ses ailes
Charlemagne, vainqueur, la secourut.51•96
Désormais tu peux juger de ces gens
que j’accusai auparavant, et de leurs fautes
qui sont la raison de tous vos malheurs.•99
Les uns au signe universel opposent
le lys d’or, et les autres se l’approprient pour leur parti,
si bien qu’il est difficile de voir le plus fautif.52•102
Fassent les Gibelins, fassent leurs combines
sous un autre signe, car le mal suit celui
qui le sépare toujours de la justice;•105
et que ce Charles nouveau53 ne l’abatte pas
avec ses Guelfes, mais craigne ses griffes
qui à plus fort lion arrachèrent la toison.•108
Souvent déjà les fils ont pleuré
pour la faute de leur père, et que l’on ne croit pas
que Dieu change d’arme pour ses lys.54•111
Cette petite étoile55 est couronnée
de bons esprits qui furent actifs
pour que honneur et gloire les suivent:•114
et quand les désirs tendent à cela,
et ainsi ils dévient, il convient que les rayons
du vrai amour s’élèvent moins vivement.•117
Mais mesurer notre récompense
avec le mérite est une part de notre joie,
car nous ne les voyons ni moindres ni plus grands.56•120
Ainsi la justice divine adoucit
en nous le désir, de manière à ce que
quelque malice ne puisse plus jamais le détourner.•123
Voix diverses font doux chants ;
ainsi divers degrés dans cette vie
font une douce harmonie entre ces sphères.•126
Et dans la présente perle
brille la lumière de Romieu, de qui
l’œuvre grande et belle fut mal récompensée.57 •129
Mais les Provençaux qui agirent contre lui
n’ont pas ri58 ; et il prend un mauvais chemin
celui qui fait son malheur du bien fait par autrui.•132
Raimond Bérenger eut quatre filles,
et chacune fut reine, et cela Romieu,
étranger d’humble condition, le fit.59•135
Et puis les paroles envieuses le poussèrent
à demander des comptes à ce juste,
en lui assignant sept et cinq sur dix,•138
alors il partit pauvre et âgé ;
et si le monde connaissait son cœur
mendiant ainsi sa vie bouchée à bouchée,
déjà bien le loue, encore plus le louerait.»•142
Cielo secondo • Cielo di Mercurio •Giustiniano Imperatore • Storia dell’aquila romana di Enea a Carlo Magno • Torti des Guelfi et dei Ghibellini • Romeo da Villanova.
« Poscia che Costantin l’aquila volse
contr’ al corso del ciel, ch’ella seguio
dietro a l’antico che Lavina tolse,•3
cento e cent’ anni e più l’uccel di Dio
ne lo stremo d’Europa si ritenne,
vicino a’ monti de’ quai prima uscìo;•6
e sotto l’ombra de le sacre penne
governò ’l mondo lì di mano in mano,
e, sì cangiando, in su la mia pervenne.•9
Cesare fui e son Iustinïano,
che, per voler del primo amor ch’i’ sento,
d’entro le leggi trassi il troppo e ’l vano.•12
E prima ch’io a l’ovra fossi attento,
una natura in Cristo esser, non piùe,
credea, e di tal fede era contento;•15
ma ’l benedetto Agapito, che fue
sommo pastore, a la fede sincera
mi dirizzò con le parole sue.•18
Io li credetti ; e ciò che ’n sua fede era,
vegg’ io or chiaro sì, come tu vedi
ogni contradizione e falsa e vera.•21
Tosto che con la Chiesa mossi i piedi,
a Dio per grazia piacque di spirarmi
l’alto lavoro, e tutto ’n lui mi diedi;•24
e al mio Belisar commendai l’armi,
cui la destra del ciel fu sì congiunta,
che segno fu ch’i’ dovessi posarmi.•27
Or qui a la question prima s’appunta
la mia risposta ; ma sua condizione
mi stringe a seguitare alcuna giunta,•30
perché tu veggi con quanta ragione
si move contr’ al sacrosanto segno
e chi ’l s’appropria e chi a lui s’oppone.•33
Vedi quanta virtù l’ha fatto degno
di reverenza ; e cominciò da l’ora
che Pallante morì per darli regno.•36
Tu sai ch’el fece in Alba sua dimora
per trecento anni e oltre, infino al fine
che i tre a’ tre pugnar per lui ancora.•39
E sai ch’el fé dal mal de le Sabine
al dolor di Lucrezia in sette regi,
vincendo intorno le genti vicine.•42
Sai quel ch’el fé portato da li egregi
Romani incontro a Brenno, incontro a Pirro,
incontro a li altri principi e collegi;•45
onde Torquato e Quinzio, che dal cirro
negletto fu nomato, i Deci e ’ Fabi
ebber la fama che volontier mirro.•48
Esso atterrò l’orgoglio de li Aràbi
che di retro ad Anibale passaro
l’alpestre rocce, Po, di che tu labi.•51
Sott’ esso giovanetti trïunfaro
Scipïone e Pompeo; e a quel colle
sotto ’l qual tu nascesti parve amaro.•54
Poi, presso al tempo che tutto ’l ciel volle
redur lo mondo a suo modo sereno,
Cesare per voler di Roma il tolle.•57
E quel che fé da Varo infino a Reno,
Isara vide ed Era e vide Senna
e ogne valle onde Rodano è pieno.•60
Quel che fé poi ch’elli uscì di Ravenna
e saltò Rubicon, fu di tal volo,
che nol seguiteria lingua né penna.•63
Inver’ la Spagna rivolse lo stuolo,
poi ver’ Durazzo, e Farsalia percosse
sì ch’al Nil caldo si sentì del duolo.•66
Antandro e Simeonta, onde si mosse,
rivide e là dov’ Ettore si cuba ;
e mal per Tolomeo poscia si scosse.•69
Da indi scese folgorando a Iuba ;
onde si volse nel vostro occidente,
ove sentia la pompeana tuba.•72
Di quel che fé col baiulo seguente,
Bruto con Cassio ne l’inferno latra,
e Modena e Perugia fu dolente.•75
Piangene ancor la trista Cleopatra,
che, fuggendoli innanzi, dal colubro
la morte prese subitana e atra.•78
Con costui corse infino al lito rubro ;
con costui puose il mondo in tanta pace,
che fu serrato a Giano il suo delubro.•81
Ma ciò che ’l segno che parlar mi face
fatto avea prima e poi era fatturo
per lo regno mortal ch’a lui soggiace,•84
diventa in apparenza poco e scuro,
se in mano al terzo Cesare si mira
con occhio chiaro e con affetto puro;•87
ché la viva giustizia che mi spira,
li concedette, in mano a quel ch’i’ dico,
gloria di far vendetta a la sua ira.•90
Or qui t’ammira in ciò ch’io ti replìco :
poscia con Tito a far vendetta corse
de la vendetta del peccato antico.•93
E quando il dente longobardo morse
la Santa Chiesa, sotto le sue ali
Carlo Magno, vincendo, la soccorse.•96
Omai puoi giudicar di quei cotali
ch’io accusai di sopra e di lor falli,
che son cagion di tutti vostri mali.•99
L’uno al pubblico segno i gigli gialli
oppone, e l’altro appropria quello a parte,
sì ch’è forte a veder chi più si falli.•102
Faccian li Ghibellin, faccian lor arte
sott’ altro segno, ché mal segue quello
sempre chi la giustizia e lui diparte;•105
e non l’abbatta esto Carlo novello
coi Guelfi suoi, ma tema de li artigli
ch’a più alto leon trasser lo vello.•108
Molte fïate già pianser li figli
per la colpa del padre, e non si creda
che Dio trasmuti l’armi per suoi gigli!•111
Questa picciola stella si correda
d’i buoni spirti che son stati attivi
perché onore e fama li succeda:•114
e quando li disiri poggian quivi,
sì disvïando, pur convien che i raggi
del vero amore in sù poggin men vivi.•117
Ma nel commensurar d’i nostri gaggi
col merto è parte di nostra letizia,
perché non li vedem minor né maggi.•120
Quindi addolcisce la viva giustizia
in noi l’affetto sì, che non si puote
torcer già mai ad alcuna nequizia.•123
Diverse voci fanno dolci note ;
così diversi scanni in nostra vita
rendon dolce armonia tra queste rote.•126
E dentro a la presente margarita
luce la luce di Romeo, di cui
fu l’ovra grande e bella mal gradita.•129
Ma i Provenzai che fecer contra lui
non hanno riso ; e però mal cammina
qual si fa danno del ben fare altrui.•132
Quattro figlie ebbe, e ciascuna reina,
Ramondo Beringhiere, e ciò li fece
Romeo, persona umìle e peregrina.•135
E poi il mosser le parole biece
a dimandar ragione a questo giusto,
che li assegnò sette e cinque per diece,•138
indi partissi povero e vetusto ;
e se ’l mondo sapesse il cor ch’elli ebbe
mendicando sua vita a frusto a frusto,
assai lo loda, e più lo loderebbe».•142