Le Paradis – Chant IX

Folquet de Marseille – Image extraite d’un “Chansonnier provençal” (XIIIe siècle) –Gallica – Bnf.
Troisième Ciel • Ciel de Vénus • Triste prophétie deCharles Martel • Cunizza da Romano et la Marca Trevigiana • Folquet de Marseille • Raab • Malédiction de Folquet à l’encontre du pape et des cardinaux qui oublient la Terre Sainte.
Après que ton Charles, belle Clémence,1
m’eut instruit, il me raconta les trahisons
que devaient subir ses descendants;2•3
mais il dit : « Tais-toi et laisse passer les ans » ;
je ne peux donc rien dire sinon que de justes
pleurs suivront vos malheurs.3•6
Et déjà l’âme de cette lumière sainte
s’était tournée au Soleil qui la comble
comme au bien qui suffit à toutes choses.4–•9
Ah ! âmes trompées et créatures impies,
qui d’un tel bien détournent leurs cœurs,
dressant vos fronts vers des vanités!•12
Et voici qu’une autre de ces splendeurs
venait vers moi, et en resplendissant
signifiait son désir de me faire plaisir.•15
Les yeux de Béatrice, qui étaient arrêtés
sur moi, comme avant, me donnèrent l’assurance,
de son doux consentement à mon désir.•18
« Dieu, répond vite à mon envie,
esprit bienheureux », dis-je, « et donne-moi la preuve
que mes pensées peuvent se refléter en toi!».•21
Alors cette lumière qui m’était nouvelle
de ses profondeurs, d’où elle chantait avant,5
reprit comme qui est heureux de bien faire:•24
« En cette part de la terre corrompue
d’Italie qui s’étend entre Rialto
et les sources de la Brenta et du Piave,6•27
s’élève une colline, qui n’est pas très haute,
d’où autrefois descendit une torche
qui donna à la contrée violent assaut.7•30
D’une même racine nous naquîmes, elle et moi ;
Cunizza fut mon nom8, et ici je resplendis
car vaincue par l’éclat de cette étoile;•33
mais gaiement je me pardonne à moi-même
la raison de mon sort, et ne regrette rien ;
cela pourrait être difficile à entendre au vulgaire.9•36
De ce brillant et précieux joyau10
de notre ciel qui m’est le plus proche,
grande gloire reste ; et avant qu’elle meure,•39
cette centième année cinq fois se répètera11:
vois comme cet homme fut excellent,
qui laissant sa première vie, en eut une autre.12•42
Et c’est à quoi ne pense pas la présente racaille13
que Tagliamento et Adige tiennent enclose,14
bien que frappée elle ne se repent pas encore;•45
mais bientôt15il arrivera que Padoue
change l’eau du marais qui baigne Vincence,
ses habitants étant rebelles au devoir;16•48
et là où Sile et Cagnano se réunissent,17
tel est celui qui règne et va la tête haute,
que déjà pour le capturer se tisse la toile.18•51
Feltre pleurera la faute19
de son pasteur impie, si ignoble, que pour
semblable on n’entra jamais dans malte.20•54
Trop large devrait être le baquet
qui recevrait le sang des Ferrarais,
et lassé celui qui le pèserait once par once,21•57
sang que donnera ce prêtre affable
pour se montrer d’un parti ; et de tels présents
seront conformes aux mœurs du pays.•60
Plus haut sont des miroirs, que vous appelez Trônes,
d’où resplendit sur nous le Dieu de justice ;
c’est pourquoi ces paroles nous paraissent bonnes.»22•63
Ici elle se tut ; et elle me fit comprendre
qu’elle s’était tournée vers autre chose,
en se replaçant dans la ronde comme avant.•66
L’autre bienheureux, qui m’était déjà connu23
pour être précieux, m’apparut comme
un pur rubis que le soleil frappe.24•69
Là-haut, l’éclat s’acquiert par la joie
comme ici le rire ; mais en bas l’ombre
s’obscurcit autant que son esprit est triste.•72
« Dieu voit tout, et ta vue plonge en lui »,25
dis-je, « esprit bienheureux, si bien qu’aucun
de ses désirs ne peut t’échapper.•75
Donc ta voix, qui réjouit toujours
le ciel avec le chant de ces saintes flammes
qui de leurs six ailes font les plis d’un scapulaire,26•78
pourquoi ne satisfait-elle pas mes désirs ?
Je n’attendrais pas ta question,
si je lisais en toi comme tu le fais en moi.»•81
« La plus grande des vallées où l’eau se répand »,
commença-t-il alors son discours,
« hors de cette mer, guirlande autour de la terre,27•84
s’étend si loin, entre des rives que tout oppose,
contre le cours du soleil28, que devient méridienne
la ligne qui avant faisait l’horizon.29•87
De cette vallée j’habitais le rivage
entre l’Èbre et la Magra, qui par son bref cours
sépare le Génois du Toscan.30•90
Quasi même couché et levé de soleil
ont Bougie et la terre où je fus,
dont jadis l’eau du port fut chaude de son sang.31•93
Folquet m’appelèrent les gens32
qui connurent mon nom ; et ce ciel
prend empreinte de moi comme je le fis de lui;33•96
car la fille de Belo, ne brûla pas plus,
en offensant Sichée et Creüse,34
que moi, tant que cela s’accordait à mon poil;•99
ni cette Rodopée désespérée
par Demophonte,35 ni Alcide
quand Iole dans son cœur fut enclose.36•102
Pourtant on ne se repent pas ici ; on rit,
non de la faute, qui à l’esprit ne revient pas,37
mais de la vertu divine qui ordonne et pourvoit.•105
Ici se contemple l’art divin qu’embellit
si grand amour, et se découvre le bien par lequel
le monde d’en haut influe sur celui d’en bas.•108
Mais pour que soient satisfaits
tous tes désirs nés dans cette sphère,
il me convient de poursuivre encore.•111
Tu veux savoir qui est dans cette lumière
près de moi qui scintille ainsi
comme rayon de soleil dans l’eau limpide.•114
Sache qu’à l’intérieur jouit de la paix éternelle
Rahab38; et elle a rejoint notre chœur,
dont elle porte le sceau la plus élevé.39•117
Dans ce ciel, sur lequel la pointe de l’ombre
de votre monde se pose,40 avant aucune autre âme
au triomphe du Christ elle fut reçue.41•120
Il était juste qu’elle demeure dans ce ciel
comme palme de la haute victoire
gagnée grâce à l’une et l’autre paume,42•123
car elle aida la première action
glorieuse de Josué en Terre Sainte,43
qui touche peu la mémoire du pape.•126
Ta ville, qui est le rejeton de celui
qui le premier tourna le dos à son créateur
et dont l’envie provoque tant de larmes,•129
produit et répand la fleur maudite
qui a égaré les agneaux et les brebis,
car elle a fait du pasteur un loup.44•132
Pour cela l’Évangile et les grands docteurs
sont abandonnés, et seules les Décrétales
sont étudiées, comme cela se voit à leurs marges.45•135
À cela s’y entendent le pape et les cardinaux ;
leurs pensées ne vont pas à Nazareth,
là où Gabriel ouvrit ses ailes.46•138
Mais le Vatican et les autres lieux élus
de Rome qui sont le cimetière
des combattants qui suivirent Pierre,
seront bientôt libres de l’adultère.»47•142
Cielo terzo • Ciel di Venere • Triste presagio di Carlo Martello • Cunizza da Romano e la Marca Trevigiana • Folchetto di Marsiglia • Raab • Invettiva : Il papa e i cardinali dimenticano la Terra Santa.
Da poi che Carlo tuo, bella Clemenza,
m’ebbe chiarito, mi narrò li ’nganni
che ricever dovea la sua semenza;•3
ma disse : « Taci e lascia muover li anni » ;
sì ch’io non posso dir se non che pianto
giusto verrà di retro ai vostri danni.•6
E già la vita di quel lume santo
rivolta s’era al Sol che la rïempie
come quel ben ch’a ogne cosa è tanto.•9
Ahi anime ingannate e fatture empie,
che da sì fatto ben torcete i cuori,
drizzando in vanità le vostre tempie!•12
Ed ecco un altro di quelli splendori
ver’ me si fece, e ’l suo voler piacermi
significava nel chiarir di fori.•15
Li occhi di Bëatrice, ch’eran fermi
sovra me, come pria, di caro assenso
al mio disio certificato fermi.•18
« Deh, metti al mio voler tosto compenso,
beato spirto », dissi, « e fammi prova
ch’i’ possa in te refletter quel ch’io penso!»•21
Onde la luce che m’era ancor nova,
del suo profondo, ond’ ella pria cantava,
seguette come a cui di ben far giova:•24
« In quella parte de la terra prava
italica che siede tra Rïalto
e le fontane di Brenta e di Piava,•27
si leva un colle, e non surge molt’ alto,
là onde scese già una facella
che fece a la contrada un grande assalto.•30
D’una radice nacqui e io ed ella :
Cunizza fui chiamata, e qui refulgo
perché mi vinse il lume d’esta stella;•33
ma lietamente a me medesma indulgo
la cagion di mia sorte, e non mi noia ;
che parria forse forte al vostro vulgo.•36
Di questa luculenta e cara gioia
del nostro cielo che più m’è propinqua,
grande fama rimase ; e pria che moia,•39
questo centesimo anno ancor s’incinqua :
vedi se far si dee l’omo eccellente,
sì ch’altra vita la prima relinqua.•42
E ciò non pensa la turba presente
che Tagliamento e Adice richiude,
né per esser battuta ancor si pente;•45
ma tosto fia che Padova al palude
cangerà l’acqua che Vincenza bagna,
per essere al dover le genti crude;•48
e dove Sile e Cagnan s’accompagna,
tal signoreggia e va con la testa alta,
che già per lui carpir si fa la ragna.•51
Piangerà Feltro ancora la difalta
de l’empio suo pastor, che sarà sconcia
sì, che per simil non s’entrò in malta.•54
Troppo sarebbe larga la bigoncia
che ricevesse il sangue ferrarese,
e stanco chi ’l pesasse a oncia a oncia,•57
che donerà questo prete cortese
per mostrarsi di parte ; e cotai doni
conformi fieno al viver del paese.•60
Sù sono specchi, voi dicete Troni,
onde refulge a noi Dio giudicante ;
sì che questi parlar ne paion buoni».•63
Qui si tacette ; e fecemi sembiante
che fosse ad altro volta, per la rota
in che si mise com’ era davante.•66
L’altra letizia, che m’era già nota
per cara cosa, mi si fece in vista
qual fin balasso in che lo sol percuota.•69
Per letiziar là sù fulgor s’acquista,
sì come riso qui ; ma giù s’abbuia
l’ombra di fuor, come la mente è trista.•72
« Dio vede tutto, e tuo veder s’inluia »,
diss’ io, « beato spirto, sì che nulla
voglia di sé a te puot’ esser fuia.•75
Dunque la voce tua, che ’l ciel trastulla
sempre col canto di quei fuochi pii
che di sei ali facen la coculla,•78
perché non satisface a’ miei disii ?
Già non attendere’ io tua dimanda,
s’io m’intuassi, come tu t’inmii».•81
« La maggior valle in che l’acqua si spanda »,
incominciaro allor le sue parole,
« fuor di quel mar che la terra inghirlanda,•84
tra ’ discordanti liti contra ’l sole
tanto sen va, che fa meridïano
là dove l’orizzonte pria far suole.•87
Di quella valle fu’ io litorano
tra Ebro e Macra, che per cammin corto
parte lo Genovese dal Toscano.•90
Ad un occaso quasi e ad un orto
Buggea siede e la terra ond’ io fui,
che fé del sangue suo già caldo il porto.•93
Folco mi disse quella gente a cui
fu noto il nome mio ; e questo cielo
di me s’imprenta, com’ io fe’ di lui;•96
ché più non arse la figlia di Belo,
noiando e a Sicheo e a Creusa,
di me, infin che si convenne al pelo;•99
né quella Rodopëa che delusa
fu da Demofoonte, né Alcide
quando Iole nel core ebbe rinchiusa.•102
Non però qui si pente, ma si ride,
non de la colpa, ch’a mente non torna,
ma del valor ch’ordinò e provide.•105
Qui si rimira ne l’arte ch’addorna
cotanto affetto, e discernesi ’l bene
per che ’l mondo di sù quel di giù torna.•108
Ma perché tutte le tue voglie piene
ten porti che son nate in questa spera,
proceder ancor oltre mi convene.•111
Tu vuo’ saper chi è in questa lumera
che qui appresso me così scintilla
come raggio di sole in acqua mera.•114
Or sappi che là entro si tranquilla
Raab ; e a nostr’ ordine congiunta,
di lei nel sommo grado si sigilla.•117
Da questo cielo, in cui l’ombra s’appunta
che ’l vostro mondo face, pria ch’altr’ alma
del trïunfo di Cristo fu assunta.•120
Ben si convenne lei lasciar per palma
in alcun cielo de l’alta vittoria
che s’acquistò con l’una e l’altra palma,•123
perch’ ella favorò la prima gloria
di Iosüè in su la Terra Santa,
che poco tocca al papa la memoria.•126
La tua città, che di colui è pianta
che pria volse le spalle al suo fattore
e di cui è la ’nvidia tanto pianta,•129
produce e spande il maladetto fiore
c’ha disvïate le pecore e li agni,
però che fatto ha lupo del pastore.•132
Per questo l’Evangelio e i dottor magni
son derelitti, e solo ai Decretali
si studia, sì che pare a’ lor vivagni.•135
A questo intende il papa e ’ cardinali ;
non vanno i lor pensieri a Nazarette,
là dove Gabrïello aperse l’ali.•138
Ma Vaticano e l’altre parti elette
di Roma che son state cimitero
a la milizia che Pietro seguette,
tosto libere fien de l’avoltero».•142