Le Paradis – Chant VIII

Charles Martel, roi de Hongrie — Source: Family tree of Amoise — Domaine public

Troisième Ciel • Ciel de Vénus • Apparition de nombreux esprits joyeux • Charles Martel, roi de Hongrie • Le royaume de Sicile et de Naples mal gouverné • Les vertus ne sont pas héréditaires. 

Jadis le monde croyait pour son péril

que la belle Cypris1 de fol amour2

rayonnait, tournant dans le troisième épicycle;3 •3

les gens antiques en leur antique erreur

non seulement lui faisaient honneur

par des sacrifices et des prières votives,•6

mais honoraient Dioné4 et Cupidon,5

l’une comme sa mère, l’autre comme son fils, 

disant que Didon l’avait reçu sur ses genoux;6•9

et de celle où je prends mon principe7

ils prenaient le nom de l’étoile dont amoureusement

le soleil contemple la nuque ou le front.•12

Je ne m’aperçus pas que j’y montais ; 

mais voir ma dame devenir plus belle 

me confirma y être entré.•15 

Et comme dans une flamme une flammèche se voit, 

et comme entre des voix une voix se distingue, 

les unes de plain-chant et cette autre mélodieuse,•18

je vis, dans cette lumière, courir 

d’autres clartés en cercles plus ou moins rapides, 

selon, je crois, leur vision intérieure de Dieu.•21

Des froides nuées jamais ne descendent des vents,

visibles ou non, aussi rapides qu’ils soient,

qui ne paraissent empêchés et lents•24

pour qui eut vu ces lumières divines

venir à nous8, laissant la ronde 

commencée dans le ciel des Séraphins;9 •27

et dans ces flammes affleurant plus avant 

sonnait un “Hosanna” 10 si sublime, qu’ensuite,

toujours, j’ai désiré le réentendre.•30

Puis l’une se fit plus proche de nous

et commença seule : « Tous sommes prêts

à ton plaisir, parce que tu te réjouis de nous.•33

Nous tournons dans le ciel des princes

avec même volte, cadence et ardeur,

que ceux dont dans le monde tu as déjà dit:•36

“Vous dont l’esprit meut le troisième ciel”;11

et nous sommes si plein d’amour, que, pour te plaire,

un peu de repos n’en sera pas moins doux.»•39

Après que mes yeux se furent offerts,

avec révérence à ma dame et qu’elle

les eut contentés et assurés,•42

ils se tournèrent vers la lumière qui avait

tant promis, et, « Par Dieu, qui êtes-vous ? », dis-je

la voix empreinte d’une grande tendresse.12•45

Et je la vis devenir plus haute et plus vive

comme si une allégresse nouvelle s’ajoutait,

quand je parlais, à sa propre allégresse!•48

Ainsi faite, elle me dit : « Le monde en bas

m’eut peu de temps13 ; et si j’y étais resté plus

beaucoup de maux qui seront, ne seraient pas.•51

Ma joie me dérobe à ta vue

car elle irradie tout à l’entour et me dissimule

comme l’animal dans son cocon de soie.14•54

Tu m’aimas beaucoup, et tu avais raison ;

car si j’étais resté ici-bas, je te montrais

de mon amour plus que les seules frondaisons.15•57

Cette rive que baigne sur la gauche

le Rhône après qu’il se mêle à la Sorgue,

m’attendait, en temps voulu, pour son seigneur,16•60

et cette corne d’Ausonie qui de forts

se couvre, de Bari, à Gaète et Catona,

où le Tronto et le Verde se jettent dans la mer.17.•63

Déjà resplendissait sur mon front la couronne

de cette terre que le Danube arrose

après avoir abandonné les rives allemandes.18•66

Et la belle Trinacrie,19 Virgile et Ovide embrumée

entre Pachino et Paloro, sur ce golfe

que bat le plus fort l’Eurus,20 •69

non par Typhée mais par du soufre naissant,21

aurait attendu encore ses rois,

nés par moi de Charles et de Rodolphe,22•72

si le mauvais gouvernement,23 qui toujours exaspère

les peuples asservis, n’avait

poussé Palerme à crier : “À mort, à mort!”.•75

Et si mon frère pouvait anticiper cela,

déjà il fuirait l’avare pauvreté

de Catalogne, pour qu’elle ne lui nuise pas;24•78

car en vérité il devrait avoir souci

lui, ou d’autres, que sa barque

surchargée n’emporte pas plus de charges.25•81

Sa nature, qui descend d’aïeux libéraux

et de parents ladres,26 aurait besoin d’une légion27

qui ne se soucie pas d’emplir les coffres.»•84

« Toutefois je crois que la profonde joie

dont tes paroles m’inondent, mon cher seigneur,

est vue par toi comme par moi•87

en Dieu où tout bien s’achève et commence,

et cela m’est le plus agréable ; et il m’est cher aussi

que tu la voies en regardant avec attention en Dieu.•90

Cela m’a rendu joyeux, et éclaircit aussi,

car, en parlant, tu m’as poussé à douter

comment d’une douce semence peut naître fruit amer.»28•93

Ceci de moi à lui ; et lui à moi : « Si je peux

te montrer une vérité, ce que tu demandes

tu le verras alors que tu lui tournes le dos.•96

Le bien qui fait tourner et contente

tout le règne que tu gravis, dans ces grands corps

de sa providence fait vertu.29•99

Et non seulement chaque créature est pourvue

de l’esprit qui est en soi parfait,

mais aussi l’ensemble de la nature pour son salut:•102

de sorte que chaque flèche de cet arc

tombe prédestinée sur une fin désirée,

comme celle dirigée sur sa cible.30•105

Si cela n’était, le ciel que tu parcours

produirait ses effets de telle sorte,

qu’ils ne seraient pas arts, mais ruines;•108

et cela ne se peut, si les intelligences

qui animent ces étoiles ne sont déficientes,

et déficient le premier, qui ne les a pas finies.31•111

Veux-tu que je t’éclaircisse encore cette vérité ?».

Et moi : « Non ; car je vois qu’il est impossible

que la nature, pour le nécessaire, s’affaiblisse.»32•114

Alors lui encore : « Dis-moi : serait-ce pire

pour l’homme sur terre, s’il n’était citoyen?».33

« Oui », répondis-je ; « et ici raison ne demande.»•117

« Et cela pourrait-il être, si sur terre on ne vivait

de diverses manières, par divers offices ?

Non, si votre maître a bien écrit.»34•120

Argumentant, il en vint à ce point

puis conclut : « Donc il convient

que les racines de vos œuvres soient diverses:•123

ainsi l’un né Solon et un autre Xerxès, 

un autre Melchisédech et un autre celui

qui, volant par les airs, perdit son fils.35•126

La nature circulaire, qui de son sceau

marque la cire humaine, fait bien son art,

mais ne distingue pas une maison de l’autre.36 •129

De là vient qu’Ésaü se sépare,

dès la semence, de Jacob37 ; et que Quirinus vienne

d’un père si vil, qu’on l’attribue à Mars.38•132

La nature des fils suivrait toujours

un chemin semblable à celle des géniteurs,

si ne l’emportait la divine providence.•135

À présent ce qui était derrière toi est devant39:

mais pour que tu saches qu’avec toi j’ai plaisir,

je veux d’un corollaire te draper.40•138

Toujours la nature, si elle trouve une fortune

qui lui est opposée, comme toute autre semence

hors de sa région, ne réussit pas.41•141

Et si le monde, là en bas, portait attention

à ce fondement que place la nature

et le suivait, il aurait de bonnes gens.•144

Mais vous tordez comme religieux

tel qui est né pour ceindre l’épée,

et faites roi celui qui devrait prêcher.42

C’est pourquoi vos pas sont hors du chemin.»•148

Ciel terzo • Ciel di Venere • Apparizione di numerosi spiriti lieti • Carlo Martello, re d’Ungheria • Il regno di Sicilia e Napoli è mal governato • Les virtù non sono ereditarie. 

Solea creder lo mondo in suo periclo

che la bella Ciprigna il folle amore

raggiasse, volta nel terzo epiciclo;•3

per che non pur a lei faceano onore

di sacrificio e di votivo grido

le genti antiche ne l’antico errore;•6

ma Dïone onoravano e Cupido,

quella per madre sua, questo per figlio,

e dicean ch’el sedette in grembo a Dido;•9

e da costei ond’ io principio piglio

pigliavano il vocabol de la stella

che ’l sol vagheggia or da coppa or da ciglio.•12

Io non m’accorsi del salire in ella ;

ma d’esservi entro mi fé assai fede

la donna mia ch’i’ vidi far più bella.•15

E come in fiamma favilla si vede,

e come in voce voce si discerne,

quand’ una è ferma e altra va e riede,•18

vid’ io in essa luce altre lucerne

muoversi in giro più e men correnti,

al modo, credo, di lor viste interne.•21

Di fredda nube non disceser venti,

o visibili o no, tanto festini,

che non paressero impediti e lenti•24

a chi avesse quei lumi divini

veduti a noi venir, lasciando il giro

pria cominciato in li alti Serafini;•27

e dentro a quei che più innanzi appariro

sonava “Osanna” sì, che unque poi

di rïudir non fui sanza disiro.•30

Indi si fece l’un più presso a noi

e solo incominciò : « Tutti sem presti

al tuo piacer, perché di noi ti gioi.•33

Noi ci volgiam coi principi celesti

d’un giro e d’un girare e d’una sete,

ai quali tu del mondo già dicesti:•36

Voi che ’ntendendo il terzo ciel movete” ;

e sem sì pien d’amor, che, per piacerti,

non fia men dolce un poco di quïete».•39

Poscia che li occhi miei si fuoro offerti

a la mia donna reverenti, ed essa

fatti li avea di sé contenti e certi,•42

rivolsersi a la luce che promessa

tanto s’avea, e « Deh, chi siete ? » fue

la voce mia di grande affetto impressa.•45

E quanta e quale vid’ io lei far piùe

per allegrezza nova che s’accrebbe,

quando parlai, a l’allegrezze sue!•48

Così fatta, mi disse : « Il mondo m’ebbe

giù poco tempo ; e se più fosse stato,

molto sarà di mal, che non sarebbe.•51

La mia letizia mi ti tien celato

che mi raggia dintorno e mi nasconde

quasi animal di sua seta fasciato.•54

Assai m’amasti, e avesti ben onde ;

che s’io fossi giù stato, io ti mostrava

di mio amor più oltre che le fronde.•57

Quella sinistra riva che si lava

di Rodano poi ch’è misto con Sorga,

per suo segnore a tempo m’aspettava,•60

e quel corno d’Ausonia che s’imborga

di Bari e di Gaeta e di Catona,

da ove Tronto e Verde in mare sgorga.•63

Fulgeami già in fronte la corona

di quella terra che ’l Danubio riga

poi che le ripe tedesche abbandona.•66

E la bella Trinacria, che caliga

tra Pachino e Peloro, sopra ’l golfo

che riceve da Euro maggior briga,•69

non per Tifeo ma per nascente solfo,

attesi avrebbe li suoi regi ancora,

nati per me di Carlo e di Ridolfo,•72

se mala segnoria, che sempre accora

li popoli suggetti, non avesse

mosso Palermo a gridar : “Mora, mora!”.•75

E se mio frate questo antivedesse,

l’avara povertà di Catalogna

già fuggeria, perché non li offendesse;•78

ché veramente proveder bisogna

per lui, o per altrui, sì ch’a sua barca

carcata più d’incarco non si pogna.•81

La sua natura, che di larga parca

discese, avria mestier di tal milizia

che non curasse di mettere in arca».•84

« Però ch’i’ credo che l’alta letizia

che ’l tuo parlar m’infonde, segnor mio,

là ’ve ogne ben si termina e s’inizia,•87

per te si veggia come la vegg’ io,

grata m’è più; e anco quest’ ho caro

perché ’l discerni rimirando in Dio.•90

Fatto m’hai lieto, e così mi fa chiaro,

poi che, parlando, a dubitar m’hai mosso

com’ esser può, di dolce seme, amaro».•93

Questo io a lui ; ed elli a me : « S’io posso

mostrarti un vero, a quel che tu dimandi

terrai lo viso come tien lo dosso.•96

Lo ben che tutto il regno che tu scandi

volge e contenta, fa esser virtute

sua provedenza in questi corpi grandi.•99

E non pur le nature provedute

sono in la mente ch’è da sé perfetta,

ma esse insieme con la lor salute:•102

per che quantunque quest’ arco saetta

disposto cade a proveduto fine,

sì come cosa in suo segno diretta.•105

Se ciò non fosse, il ciel che tu cammine

producerebbe sì li suoi effetti,

che non sarebbero arti, ma ruine;•108

e ciò esser non può, se li ’ntelletti

che muovon queste stelle non son manchi,

e manco il primo, che non li ha perfetti.•111

Vuo’ tu che questo ver più ti s’imbianchi ? »

E io : « Non già ; ché impossibil veggio

che la natura, in quel ch’è uopo, stanchi».•114

Ond’ elli ancora : « Or dì: sarebbe il peggio

per l’omo in terra, se non fosse cive ? »

« Sì », rispuos’ io ; « e qui ragion non cheggio».•117

« E puot’ elli esser, se giù non si vive

diversamente per diversi offici ?

Non, se ’l maestro vostro ben vi scrive».•120

Sì venne deducendo infino a quici ;

poscia conchiuse : « Dunque esser diverse

convien di vostri effetti le radici:•123

per ch’un nasce Solone e altro Serse,

altro Melchisedèch e altro quello

che, volando per l’aere, il figlio perse.•126

La circular natura, ch’è suggello

a la cera mortal, fa ben sua arte,

ma non distingue l’un da l’altro ostello.•129

Quinci addivien ch’Esaù si diparte

per seme da Iacòb ; e vien Quirino

da sì vil padre, che si rende a Marte.•132

Natura generata il suo cammino

simil farebbe sempre a’ generanti,

se non vincesse il proveder divino.•135

Or quel che t’era dietro t’è davanti :

ma perché sappi che di te mi giova,

un corollario voglio che t’ammanti.•138

Sempre natura, se fortuna trova

discorde a sé, com’ ogne altra semente

fuor di sua regïon, fa mala prova.•141

E se ’l mondo là giù ponesse mente

al fondamento che natura pone,

seguendo lui, avria buona la gente.•144

Ma voi torcete a la religïone

tal che fia nato a cignersi la spada,

e fate re di tal ch’è da sermone ;

onde la traccia vostra è fuor di strada».•148