Le Paradis – Chant XIII

Salomon rencontre la reine de Saba. Porte du Paradis (Est) par Lorenzo Gibherti — Baptistère San Giovanni, Florence — Photo Richard Heidler – CC A SA 3.0

Quatrième ciel • Ciel du Soleil • Danse et chant des deux couronnes d’élus • Saint Thomas résout les doutes de Dante sur la sagesse de Salomon, d’Adam et du Christ • Avertissement de saint Thomas sur les jugements hâtifs.

Qu’il imagine, celui qui désire bien comprendre,

que je vis alors — et comme un ferme rocher

en retienne l’image, tandis que je parle—,•3

quinze étoiles en diverses parts du ciel1 

l’avivant de tant d’éclat

que toute épaisseur de l’air était effacée;•6

qu’il imagine ce chariot auquel

l’espace de notre ciel suffit le jour et la nuit,

et qui, lorsque tourne son timon, ne disparaît pas;2•9

qu’il imagine la bouche de cette corne

qui commence à la pointe de l’axe

autour duquel tourne la roue première,3•12

ayant formé deux signes dans le ciel,

comme le fit la fille de Minos

alors qu’elle sentait la glace de la mort;4 •15

et l’un plonge ses rayons dans l’autre,

et tous deux tournoient de manière

à aller en avant pour l’un, et pour l’autre en arrière;•18

il aura alors presque l’ombre de la vraie

constellation et de la double danse

qui tournaient autour du point où j’étais;•21

car il est aussi loin de notre usage,

que l’est du flot lent de la Chiana5

la course du ciel qui devance tous les autres.•24

Il ne s’y chantait ni Bacchus, ni Péan,

mais trois personnes en la divine essence,

et, en la même personne, celle-ci et l’humaine.6•27

Chant et ronde cessèrent ; et ces saintes

lumières devinrent attentives à nous,

réjouies de passer d’un soin à un autre.•30

Elle rompit le silence des âmes accordées

la lumière qui me conta

la vie admirable du petit pauvre de Dieu,7•33

et dit : « Quand la paille est vannée,

quand son grain est engrangé,

le doux amour m’invite à en battre une autre.8•36

Tu crois que dans la poitrine d’où la côte

fut tirée pour former la belle joue

dont le palais coûte à tout le monde,9•39

et que dans celle qui, percée par la lance,

répara la dette d’avant et celle d’après,

si bien qu’elle pèse plus que les fautes,10•42

tout ce qui est permis à la nature humaine

d’avoir de lumière est infusé,

quelque soit la vertu de l’un ou de l’autre;•45

aussi tu fus surpris de ce que je disais,

quand je racontais qu’il n’eut pas de second

le bienheureux qui est dans la cinquième flamme.11•48

Maintenant ouvre les yeux à ce que je te réponds,

et tu verras ta croyance et mon dire se confondre

dans le vrai comme le centre dans un cercle.12•51

Ce qui ne meurt pas et ce qui peut mourir

n’est qu’un reflet de cette idée

qu’engendre, en aimant, notre Seigneur;13•54

car la vive lumière qui procède

de la source de toute lumière, et ne se désunit

ni d’elle ni de l’amour et qui en eux se fait trois,14.•57

par sa bonté réunit ses rayons,

comme un miroir, dans une nouvelle substance,

demeurant éternellement une.15•60

Puis elle descend aux dernières puissances

d’acte en acte, devenant telle,

qu’elle ne fait plus que de brèves contingences;•63

et j’entends par contingences

les choses engendrées, qu’avec ou sans semences,

produit le ciel dans son mouvement.16•66

Leur cire et ce qui les modèle

ne sont pas d’un seul mode ; cela fait qu’elles sont

plus ou moins translucides sous le signe idéal.17•69

De la sorte, il advient qu’arbres,

d’une même espèce, aient fruits meilleurs ou pires ;

et vous, vous naissez avec esprits divers.•72

Si la cire était comme il faut ductile,

et le ciel en sa vertu suprême,

la lumière dans le sceau transparaîtrait toute;18•75

mais la nature la donne toujours imparfaite,

œuvrant comme le fait l’artiste

qui a le talent, mais la main qui tremble.19•78

Donc si l’ardent amour dispose et imprime

dans le clair regard de la première vertu,

toute la perfection alors s’acquiert.20•81

Ainsi fut faite la terre digne

de l’animal en tout parfait ;

ainsi la vierge devint enceinte;21•84

aussi je loue ton opinion,

que la nature humaine ne fut ni ne sera

jamais comme en ces deux personnes.22•87

Maintenant si je ne continuais pas plus avant,

“Comment celui-là fut-il sans égal ?”

tes paroles pourraient commencer ainsi.23•90

Mais pour que paraisse bien clair ce qui ne paraît pas,

pense qui il était, et la raison qui le poussa,

quand on lui dit “Demande”, à demander.24•93

Je n’ai pas parlé ainsi, que tu ne puisses

voir quel roi il fut, et qu’il choisit la sagesse

afin d’être un roi capable;25•96

non pour savoir le nombre

des moteurs des cieux, ou si nécessaire

avec contingent peut faire nécessaire;26•99

non si l’on peut admettre qu’il est un premier moteur,

ou si du demi cercle on peut faire

un triangle qui n’ait pas d’angle droit.27•102

Donc, note ce que j’ai déjà dit et aussi ceci,

royale sagesse tient en cette vision incomparable

que vise le trait de mon intention;28•105

Et si à ce “n’est pas né” tu lèves un regard éclairé,

tu verras qu’il ne concerne que les rois ;

ils sont nombreux, mais les bons sont rares.29•108

Prends mon propos avec cette distinction ;

et ainsi il peut s’accorder avec ce que tu crois

du premier père et de notre Bienaimé.30•111

Et que cela te sois toujours plomb aux pieds,

pour te faire aller à pas lents comme un homme las

vers le oui ou le non que tu ne vois pas:•114

Car il est bien bas parmi les sots,

celui qui sans distinction affirme et nie

dans l’un tout comme dans l’autre passage;•117

car il arrive souvent que l’opinion

formée à la hâte penche en fausse part,

et alors l’affect tient l’intellect.•120

Il quitte le rivage plus qu’en vain,

parce qu’il revient pire qu’il n’était parti,

celui qui veut pêcher le vrai sans en posséder l’art.•123

De ceci sont au monde des preuves évidentes

Parménide, Mélissos31 Bryson32 et beaucoup d’autres ;

ils allaient sans savoir où;•126

ainsi firent Sabellius33 et Arius34 et ces fous

qui furent comme des épées avec les Écritures

rendant difformes les figures nettes.35•129

Que les gens, aussi, ne soient pas trop sûrs

dans leur jugement, comme ceux qui estiment

les blés dans les champs avant qu’ils ne soient mûrs;•132

car j’ai déjà vu tout l’hiver

l’églantier se montrer sec et sauvage,

et puis porter la rose à sa cime;•135

et je vis le navire droit et rapide

courir la mer tout son chemin,

et sombrer finalement à l’entrée du port.•138

Que dame Berthe et messire Martin,

pour voir l’un voler, l’autre faire une offrande,

ne croient pas entrer dans le jugement divin;36

car l’un peut s’élever et l’autre déchoir.»•142

Cielo quarto • Cielo del Sole • Danza e canto delle corone di beati • San Tommaso risponde alle dubbi di Dante riguardante il sapere di Salomone, d’Adamo e di Christo • Avvertimento di san Tommaso su giudizi affrettati.
Imagini, chi bene intender cupe

quel ch’i’ or vidi — e ritegna l’image,

mentre ch’io dico, come ferma rupe —,•3

quindici stelle che ’n diverse plage

lo ciel avvivan di tanto sereno

che soperchia de l’aere ogne compage;•6

imagini quel carro a cu’ il seno

basta del nostro cielo e notte e giorno,

sì ch’al volger del temo non vien meno;•9

imagini la bocca di quel corno

che si comincia in punta de lo stelo

a cui la prima rota va dintorno,•12

aver fatto di sé due segni in cielo,

qual fece la figliuola di Minoi

allora che sentì di morte il gelo;•15

e l’un ne l’altro aver li raggi suoi,

e amendue girarsi per maniera

che l’uno andasse al primo e l’altro al poi;•18

e avrà quasi l’ombra de la vera

costellazione e de la doppia danza

che circulava il punto dov’ io era:•21

poi ch’è tanto di là da nostra usanza,

quanto di là dal mover de la Chiana

si move il ciel che tutti li altri avanza.•24

Lì si cantò non Bacco, non Peana,

ma tre persone in divina natura,

e in una persona essa e l’umana.•27

Compié ’l cantare e ’l volger sua misura ;

e attesersi a noi quei santi lumi,

felicitando sé di cura in cura.•30

Ruppe il silenzio ne’ concordi numi

poscia la luce in che mirabil vita

del poverel di Dio narrata fumi,•33

e disse : « Quando l’una paglia è trita,

quando la sua semenza è già riposta,

a batter l’altra dolce amor m’invita.•36

Tu credi che nel petto onde la costa

si trasse per formar la bella guancia

il cui palato a tutto ’l mondo costa,•39

e in quel che, forato da la lancia,

e prima e poscia tanto sodisfece,

che d’ogne colpa vince la bilancia,•42

quantunque a la natura umana lece

aver di lume, tutto fosse infuso

da quel valor che l’uno e l’altro fece;•45

e però miri a ciò ch’io dissi suso,

quando narrai che non ebbe ’l secondo

lo ben che ne la quinta luce è chiuso.•48

Or apri li occhi a quel ch’io ti rispondo,

e vedräi il tuo credere e ’l mio dire

nel vero farsi come centro in tondo.•51

Ciò che non more e ciò che può morire

non è se non splendor di quella idea

che partorisce, amando, il nostro Sire;•54

ché quella viva luce che sì mea

dal suo lucente, che non si disuna

da lui né da l’amor ch’a lor s’intrea,•57

per sua bontate il suo raggiare aduna,

quasi specchiato, in nove sussistenze,

etternalmente rimanendosi una.•60

Quindi discende a l’ultime potenze

giù d’atto in atto, tanto divenendo,

che più non fa che brevi contingenze;•63

e queste contingenze essere intendo

le cose generate, che produce

con seme e sanza seme il ciel movendo.•66

La cera di costoro e chi la duce

non sta d’un modo ; e però sotto ’l segno

idëale poi più e men traluce.•69

Ond’ elli avvien ch’un medesimo legno,

secondo specie, meglio e peggio frutta ;

e voi nascete con diverso ingegno.•72

Se fosse a punto la cera dedutta

e fosse il cielo in sua virtù supprema,

la luce del suggel parrebbe tutta;•75

ma la natura la dà sempre scema,

similemente operando a l’artista

ch’a l’abito de l’arte ha man che trema.•78

Però se ’l caldo amor la chiara vista

de la prima virtù dispone e segna,

tutta la perfezion quivi s’acquista.•81

Così fu fatta già la terra degna

di tutta l’animal perfezïone ;

così fu fatta la Vergine pregna;•84

sì ch’io commendo tua oppinïone,

che l’umana natura mai non fue

né fia qual fu in quelle due persone.•87

Or s’i’ non procedesse avanti piùe,

Dunque, come costui fu sanza pare ?”

comincerebber le parole tue.•90

Ma perché paia ben ciò che non pare,

pensa chi era, e la cagion che ’l mosse,

quando fu detto “Chiedi”, a dimandare.•93

Non ho parlato sì, che tu non posse

ben veder ch’el fu re, che chiese senno

acciò che re sufficïente fosse;•96

non per sapere il numero in che enno

li motor di qua sù, o se necesse

con contingente mai necesse fenno;•99

non si est dare primum motum esse,

o se del mezzo cerchio far si puote

trïangol sì ch’un retto non avesse.•102

Onde, se ciò ch’io dissi e questo note,

regal prudenza è quel vedere impari

in che lo stral di mia intenzion percuote;•105

e se al “surse” drizzi li occhi chiari,

vedrai aver solamente respetto

ai regi, che son molti, e ’ buon son rari.•108

Con questa distinzion prendi ’l mio detto ;

e così puote star con quel che credi

del primo padre e del nostro Diletto.•111

E questo ti sia sempre piombo a’ piedi,

per farti mover lento com’ uom lasso

e al sì e al no che tu non vedi:•114

ché quelli è tra li stolti bene a basso,

che sanza distinzione afferma e nega

ne l’un così come ne l’altro passo;•117

perch’ elli ’ncontra che più volte piega

l’oppinïon corrente in falsa parte,

e poi l’affetto l’intelletto lega.•120

Vie più che ’ndarno da riva si parte,

perché non torna tal qual e’ si move,

chi pesca per lo vero e non ha l’arte.•123

E di ciò sono al mondo aperte prove

Parmenide, Melisso e Brisso e molti,

li quali andaro e non sapëan dove;•126

sì fé Sabellio e Arrio e quelli stolti

che furon come spade a le Scritture

in render torti li diritti volti.•129

Non sien le genti, ancor, troppo sicure

a giudicar, sì come quei che stima

le biade in campo pria che sien mature;•132

ch’i’ ho veduto tutto ’l verno prima

lo prun mostrarsi rigido e feroce,

poscia portar la rosa in su la cima;•135

e legno vidi già dritto e veloce

correr lo mar per tutto suo cammino,

perire al fine a l’intrar de la foce.•138

Non creda donna Berta e ser Martino,

per vedere un furare, altro offerere,

vederli dentro al consiglio divino ;

ché quel può surgere, e quel può cadere».•142