Le Paradis – Chant XIV
Quatrième Ciel • Ciel du Soleil • Doute de Dante sur la résurrection des corps • Réponse de Salomon • Apparition d’une troisième couronne d’esprits // Cinquième Ciel • Ciel de Mars • Apparition des esprits de Mars (Combattants pour la foi) • Formation d’une croix lumineuse dans laquelle flamboie le Christ • Ravissement de Dante.
Du centre au bord, et du bord vers le centre
se déplace l’eau dans un vase rond
selon qu’elle est frappée dehors ou dedans:•3
dans mon esprit tomba soudain
ce que je viens de dire, alors que se taisait
l’âme glorieuse de Thomas,•6
par la similitude qui naquit
entre son propos et celui de Béatrice,
à qui, après lui, il plut de commencer:1•9
« Celui-ci2 a besoin, il ne vous le dit
ni de la voix ni de la pensée,
d’aller à la racine d’une autre vérité.•12
Dites-lui si la lumière dont se pare
votre esprit, restera avec vous
éternellement comme maintenant;•15
et si elle demeure, dites comment,
lorsque votre corps sera redevenu visible,
elle pourra ne pas incommoder votre vue.»3•18
Poussés et entraînés par plus grande joie,
parfois ceux qui vont dansant
ont voix plus ample et gestes plus enjoués,•21
tels, à cette prière prompte et pieuse,4
les cercles saints montrèrent une joie nouvelle
dans leur ronde et leur admirable chant.•24
Qui se lamente qu’ici-bas on meurt
pour vivre au ciel, ne voit pas là-haut
la pluie éternelle qui rafraîchit.5 •27
Ce un et deux et trois qui toujours vit
et règne toujours en trois et deux et un,
non circonscrit, et qui tout circonscrit,•30
était chanté trois fois par chacun
de ces esprits avec une mélodie telle,
que de chaque mérite elle serait juste rétribution.6•33
Et j’entendis dans la lumière la plus divine
du cercle intérieur une voix humble,
peut-être semblable à celle de l’ange avec Marie,7•36
répondre : « Tant que durera la joie
du paradis, notre amour de ses rais
tissera de lumière cet habit.8•39
Sa splendeur9 dépend de l’ardeur ;
l’ardeur de la vision, d’autant plus élevée
qu’elle reçoit de grâces en sus de son mérite.•42
Quand la chair glorieuse et sainte
sera revêtue, notre personne
sera plus chère à Dieu car tout entière;•45
ainsi s’accroîtra cette lumière que nous
donne gracieusement le suprême bien10;
grâce à cette lumière nous pouvons le voir;•48
aussi la vision doit croître,
et croître l’ardeur qui de celle-ci s’enflamme,
et croître l’éclatant rayonnement qui en naît.11•51
Comme le charbon donne une flamme,
que par son vif éclat il surpasse,
si bien que par son apparence il l’emporte;•54
ainsi cet éclat qui nous entoure
sera vaincu lorsque apparaîtra la chair
aujourd’hui toute entière recouverte de terre;12•57
tant de lumière ne pourra fatiguer :
car les organes du corps seront forts
pour tout ce qui pourra faire notre joie.»•60
Ils m’apparurent si prompts et accordés
à dire « Amen !» l’un et l’autre chœur,
qu’ils montrèrent bien désir des corps morts:•63
peut-être non pour eux, mais pour les mamans,
pour les pères et pour ceux qui leur furent chers
avant qu’ils soient flammes éternelles.13•66
Et voici qu’autour, naissait une lumière,
au dessus de celle déjà présente, aussi brillante,
semblable à un horizon qui s’éclaircit.•69
Et ainsi comme à la tombée du soir
naissent dans le ciel de nouvelles formes,
qui paraissent réelles et ne le paraissent pas,•72
il m’a semblé commencer à voir, là,
de nouvelles essences14, faire un cercle
en dehors des deux autres circonférences.•75
Ô vrai flamboiement de l’Esprit Saint !
comme il se fit soudain et ardent ;
mes yeux, vaincus, ne le souffrirent pas!15•78
Mais Béatrice m’apparut
si belle et riante, que je veux la laisser
parmi les visions qui échappent à la mémoire.16•81
Ainsi mes yeux reprirent leurs forces
et se levèrent ; et je me vis transporté
seul avec ma dame en plus haut salut.•84
Je m’aperçu alors être plus élevé,
par le sourire flamboyant de l’étoile,
qui me parut plus rouge que de coutume.17•87
De tout mon cœur et avec cette parole
qui est une en tous,18 je fis à Dieu un holocauste,
celui qui convenait pour cette grâce nouvelle.19•90
Dans ma poitrine n’était pas encore consumée
l’ardeur du sacrifice, que je sus
cette offrande acceptée et agréable à Dieu;•93
car avec tant d’éclats et de pourpres embrasements
m’apparurent, en deux rayons, des splendeurs
que je m’exclamai : « Ô Hélios comme tu les embellis!».20•96
De même rehaussée de lumières faibles et fortes
se fait blanche ainsi entre les pôles du monde
la Galaxie, qui fait douter les sages;21•99
ainsi dans la profondeur de Mars ces rayons forment
en une constellation le signe vénérable
qui fait se joindre quatre quadrants en un cercle.22•102
Ici ma mémoire vainc mon talent ;
car en cette croix resplendissait tant le Christ,
que je ne sus trouver un exemple digne;•105
mais celui qui prend sa croix et suit le Christ,
m’excusera encore de ce que je laisse,
voyant dans cette blancheur flamboyer le Christ.23•108
De bras en bras et de la cime au pied
les lumières circulaient, étincelant fort
lorsqu’elles se croisaient et se passaient:•111
ainsi se voient ici droites et tortues,
rapides et lentes, renouvelant leur aspect,
les particules des corps, longues et courtes,•114
se mouvoir par le rayon
qui raie l’ombre que, pour se protéger,
les gens installent avec art et savoir.24•117
Et comme gigue et harpe, en une harmonie de cordes
tendues, font doux tintement
pour celui qui ne comprend pas les notes,25 •120
ainsi des lumières qui m’étaient apparues
coulait par la croix une mélodie
qui me ravissait, sans que je n’en comprenne l’hymne.26•123
Je m’aperçus qu’il s’agissait d’un chant de haute louange,
car me parvenait « Resurgi » et « Vinci»27
comme à celui qui entend sans comprendre.•126
Je fus tant empli d’amour de ce chant,
que jusqu’à présent rien
ne m’avait lié avec de si doux liens.•129
Peut-être ma parole paraîtra trop osée,
car je mis de côté le plaisir des beaux yeux,
en lesquels se mirant mon désir se repose;•132
mais qui s’aperçoit que ces sceaux vivants28
de toute beauté sont plus puissants plus haut,
et qu’ici ne m’étant pas retourné vers eux,•135
je peux donc m’excuser de ce dont je m’accuse
pour m’excuser, et voir que je dis vrai :
le saint plaisir n’est pas exclu ici,
car il se fait, en montant, plus pur.•139
Cielo quarto • Cielo del Sole • Il dubbio di Dante sulla risurrezione dei corpi • Risposta Salomone • Apparizione di una terza corona di spiriti // Cielo quinto • Cielo di Marte • Apparizione degli spiriti di Marte (Combattenti per la fede) • Formazione di una croce luminosa in cui lampeggia Christo • Rapimento di Dante.
movesi l’acqua in un ritondo vaso,
secondo ch’è percosso fuori o dentro:•3
ne la mia mente fé sùbito caso
questo ch’io dico, sì come si tacque
la glorïosa vita di Tommaso,•6
per la similitudine che nacque
del suo parlare e di quel di Beatrice,
a cui sì cominciar, dopo lui, piacque:•9
« A costui fa mestieri, e nol vi dice
né con la voce né pensando ancora,
d’un altro vero andare a la radice.•12
Diteli se la luce onde s’infiora
vostra sustanza, rimarrà con voi
etternalmente sì com’ ell’ è ora;•15
e se rimane, dite come, poi
che sarete visibili rifatti,
esser porà ch’al veder non vi nòi».•18
Come, da più letizia pinti e tratti,
a la fïata quei che vanno a rota
levan la voce e rallegrano li atti,•21
così, a l’orazion pronta e divota,
li santi cerchi mostrar nova gioia
nel torneare e ne la mira nota.•24
Qual si lamenta perché qui si moia
per viver colà sù, non vide quive
lo refrigerio de l’etterna ploia.•27
Quell’ uno e due e tre che sempre vive
e regna sempre in tre e ’n due e ’n uno,
non circunscritto, e tutto circunscrive,•30
tre volte era cantato da ciascuno
di quelli spirti con tal melodia,
ch’ad ogne merto saria giusto muno.•33
E io udi’ ne la luce più dia
del minor cerchio una voce modesta,
forse qual fu da l’angelo a Maria,•36
risponder : « Quanto fia lunga la festa
di paradiso, tanto il nostro amore
si raggerà dintorno cotal vesta.•39
La sua chiarezza séguita l’ardore ;
l’ardor la visïone, e quella è tanta,
quant’ ha di grazia sovra suo valore.•42
Come la carne glorïosa e santa
fia rivestita, la nostra persona
più grata fia per esser tutta quanta;•45
per che s’accrescerà ciò che ne dona
di gratüito lume il sommo bene,
lume ch’a lui veder ne condiziona;•48
onde la visïon crescer convene,
crescer l’ardor che di quella s’accende,
crescer lo raggio che da esso vene.•51
Ma sì come carbon che fiamma rende,
e per vivo candor quella soverchia,
sì che la sua parvenza si difende;•54
così questo folgór che già ne cerchia
fia vinto in apparenza da la carne
che tutto dì la terra ricoperchia;•57
né potrà tanta luce affaticarne :
ché li organi del corpo saran forti
a tutto ciò che potrà dilettarne».•60
Tanto mi parver sùbiti e accorti
e l’uno e l’altro coro a dicer « Amme ! »,
che ben mostrar disio d’i corpi morti:•63
forse non pur per lor, ma per le mamme,
per li padri e per li altri che fuor cari
anzi che fosser sempiterne fiamme.•66
Ed ecco intorno, di chiarezza pari,
nascere un lustro sopra quel che v’era,
per guisa d’orizzonte che rischiari.•69
E sì come al salir di prima sera
comincian per lo ciel nove parvenze,
sì che la vista pare e non par vera,•72
parvemi lì novelle sussistenze
cominciare a vedere, e fare un giro
di fuor da l’altre due circunferenze.•75
Oh vero sfavillar del Santo Spiro !
come si fece sùbito e candente
a li occhi miei che, vinti, nol soffriro!•78
Ma Bëatrice sì bella e ridente
mi si mostrò, che tra quelle vedute
si vuol lasciar che non seguir la mente.•81
Quindi ripreser li occhi miei virtute
a rilevarsi ; e vidimi translato
sol con mia donna in più alta salute.•84
Ben m’accors’ io ch’io era più levato,
per l’affocato riso de la stella,
che mi parea più roggio che l’usato.•87
Con tutto ’l core e con quella favella
ch’è una in tutti, a Dio feci olocausto,
qual conveniesi a la grazia novella.•90
E non er’ anco del mio petto essausto
l’ardor del sacrificio, ch’io conobbi
esso litare stato accetto e fausto;•93
ché con tanto lucore e tanto robbi
m’apparvero splendor dentro a due raggi,
ch’io dissi : « O Elïòs che sì li addobbi!».•96
Come distinta da minori e maggi
lumi biancheggia tra ’ poli del mondo
Galassia sì, che fa dubbiar ben saggi;•99
sì costellati facean nel profondo
Marte quei raggi il venerabil segno
che fan giunture di quadranti in tondo.•102
Qui vince la memoria mia lo ’ngegno ;
ché quella croce lampeggiava Cristo,
sì ch’io non so trovare essempro degno;•105
ma chi prende sua croce e segue Cristo,
ancor mi scuserà di quel ch’io lasso,
vedendo in quell’ albor balenar Cristo.•108
Di corno in corno e tra la cima e ’l basso
si movien lumi, scintillando forte
nel congiugnersi insieme e nel trapasso:•111
così si veggion qui diritte e torte,
veloci e tarde, rinovando vista,
le minuzie d’i corpi, lunghe e corte,•114
moversi per lo raggio onde si lista
talvolta l’ombra che, per sua difesa,
la gente con ingegno e arte acquista.•117
E come giga e arpa, in tempra tesa
di molte corde, fa dolce tintinno
a tal da cui la nota non è intesa,•120
così da’ lumi che lì m’apparinno
s’accogliea per la croce una melode
che mi rapiva, sanza intender l’inno.•123
Ben m’accors’ io ch’elli era d’alte lode,
però ch’a me venìa « Resurgi » e « Vinci »
come a colui che non intende e ode.•126
Ïo m’innamorava tanto quinci,
che ’nfino a lì non fu alcuna cosa
che mi legasse con sì dolci vinci.•129
Forse la mia parola par troppo osa,
posponendo il piacer de li occhi belli,
ne’ quai mirando mio disio ha posa;•132
ma chi s’avvede che i vivi suggelli
d’ogne bellezza più fanno più suso,
e ch’io non m’era lì rivolto a quelli,•135
escusar puommi di quel ch’io m’accuso
per escusarmi, e vedermi dir vero :
ché ’l piacer santo non è qui dischiuso,
perché si fa, montando, più sincero.•139