Le Paradis – Chant XXVI

Saint_Jean_Evangéliste
Saint Jean l’Évangéliste représenté avec son symbole, un aigle — Fresque da Masolino di Panicale (détails) — vers 1435) — Baptistère de Castiglione Olona (Varèse) — CC BY-SA 4.0
Huitième ciel • Ciel des étoiles fixes • Saint Jean interroge Dante sur la Charité • Acclamation des bienheureux • Dante retrouve la vue • Apparition d’Adam • Le vrai péché d’Adam • Le temps de la création et la durée de vie d’Adam • La première langue • Les noms de Dieu.

Tandis que je craignais pour ma vue éteinte, 

de la flamme éclatante qui l’éteignit 

sortit un souffle qui me rendit attentif;1•3 

il disait : « En attendant que tu recouvres 

la vue que tu as en moi consumée, 

il est bien qu’en parlant cela tu compenses.2•6 

Commence donc ; dis moi vers quoi tend 

ton âme, et rends toi compte que3  

ta vue est altérée mais non défunte:•9 

car la dame qui te guide dans 

ces divines contrées, a dans son regard 

la vertu qu’eut la main d’Ananias».4•12 

Je dis : « Qu’à son gré vienne tôt ou tard

le remède pour mes yeux ; ils furent les portes 

où elle passa avec le feu dont je brûle encore.5•15 

Le bien qui rend cette cour heureuse, 

est l’Alfa et l’O de toute les écritures

que me lit Amour doucement ou avec force».6•18 

Cette même voix qui m’avait ôté7

du subit éblouissement la peur,

me donna le désir de parler encore;•2 

et elle dit : « Certes avec un filtre plus fin  

il te convient de clarifier ; il te faut dire 

qui dressa ton arc vers une telle cible».8 •24 

Et moi : « Par arguments philosophiques

et par l’autorité qui descend ici

un tel amour doit s’imprimer en moi:9•27 

car le bien, dès qu’il est compris comme tel, 

fait naître l’amour, et cela plus 

il comprend de bonté en lui.•30 

Donc vers cette essence qui a un tel avantage,10 

que chaque bien qui est à son extérieur 

n’est qu’un reflet de ses rayons,11•33 

plus que vers une autre doit se tourner, 

en aimant, l’esprit de celui qui discerne 

le vrai sur lequel se fonde cette preuve.•36 

Ce vrai est révélé à mon esprit 

par celui qui me démontre quel est le premier amour 

parmi toutes les substances éternelles.12•39 

Le révèle la voix du véritable auteur, 

qui dit à Moïse, parlant de soi,  

“Je te ferai voir toute valeur”.13•42 

Toi aussi tu me le révèles, en commençant 

la noble annonce qui crie le mystère d’ici 

qui sur terre surpasse toute autre révélation».14•45 

Et j’entendis : « Par l’humaine raison 

et par autorités qui avec lui s’accordent 

le plus élevé de tes amours regarde vers Dieu.15•48 

Mais dis encore si tu sens d’autres cordes 

te tirer à lui, et fais-nous entendre 

de combien de dents cet amour te mord».16•51 

La sainte intention de l’aigle du Christ 

n’était pas cachée, aussi je saisis 

où il voulait que je mène ma profession de foi.17•54 

Donc, je repris : « Toutes ces morsures 

qui peuvent faire que le cœur se tourne vers Dieu, 

ont concouru à ma charité:18•57 

car l’existence du monde et la mienne, 

la mort qu’il a souffert pour le salut,

que chaque croyant espère comme moi,19•60 

avec la vive connaissance que j’ai dite, 

m’ont tiré hors de la mer de l’amour altéré, 

et m’ont déposé sur la rive de l’amour droit.20•63 

Les feuilles dont s’enfeuille le jardin 

du jardinier éternel, je les aime 

à la mesure des biens qu’il leur accorda».21•66 

Comme je me taisais, un très doux chant 

résonna par le ciel, et ma dame 

disait avec les autres : «Saint, saint, saint!».22•69 

Et comme par une lumière intense se réveille 

par l’esprit de la vue qui court à la rencontre 

de l’éclat qui va d’enveloppe en enveloppe,23•72 

celui qui s’éveille ne comprend pas ce qu’il voit, 

car il distingue mal avec le brusque réveil 

tant que la faculté estimative ne le secourt pas;24•75 

ainsi Béatrice chassa de mes yeux 

toute macule avec les rayons des siens 

qui flamboyaient à plus de mille milles:•78 

ainsi je vis mieux qu’avant ; 

et à moitié étonné je demandai qui était 

la quatrième lumière que je vis entre nous.25•81 

Et ma dame : « Dans ce rai 

contemple son créateur l’âme première 

que la première vertu créa jamais».26 •84 

Comme le feuillage incline sa cime 

au passage du vent, et se relève 

par sa propre force qui le pousse•87 

je fis tout autant quand elle parla, 

surpris, et puis de nouveau je devins assuré 

par le désir de parler dont je brûlais.27•90 

Et je commençai : « Ô fruit qui, seul, 

fus produit mûr, ô père antique 

dont chaque épouse est fille et bru,28•93 

aussi dévotement que je peux je te supplie 

de me parler ; tu vois mon désir, 

et, pour t’entendre vite, je ne le dis pas».29•96 

Parfois un animal couvert s’agite,30 

si bien que l’on perçoit son amour 

à travers les mouvements de la couverture;•99 

de manière semblable l’âme première 

me faisait apparaître par son enveloppe 

combien elle était heureuse de me complaire.31•102 

Alors elle souffla : « Sans que tu me 

l’ais exprimé, je discerne mieux ton désir 

que toi ce qui t’es le plus certain;•105 

parce que je le vois dans le vrai miroir 

qui fait de lui une parhélie des autres choses, 

et aucune ne fait de lui sa parhélie.32•108 

Tu veux entendre depuis quand Dieu me mit

dans le sublime jardin, où cette dame 

te prépara pour cette longue montée•111 

et combien de temps il réjouit mes yeux, 

et la vraie raison du grand courroux, 

et l’idiome dont j’usai et que je fis.33•114 

Or, mon fils, ce n’est pas goûter le fruit 

qui fut la raison d’un tel exil, 

mais seulement d’avoir transgressé le signe.34•117 

Du cercle d’où ta dame fit sortir Virgile, 

pendant quatre mille trois cents ans et deux boucles 

du soleil je désirai cette assemblée;•120 

et je le vis tourner par toutes les lumières35 

de son chemin neuf cent trente 

fois, alors que j’étais sur terre.36•123 

La langue que je parlai fut éteinte 

avant qu’à l’ouvrage inachevable37 

fût occupée la gent de Nemrod:38•126 

car jamais effet de la raison, par le plaisir 

humain qui se renouvelle en suivant 

les influences du ciel, ne fut durable.39•129 

Que l’homme parle est une œuvre naturelle ; 

mais ainsi ou ainsi, la nature vous le laisse 

faire ensuite comme il vous plaît.40•132 

Avant que je descende à l’infernale angoisse,41  

I s’appelait sur terre le bien suprême 

d’où vient la joie qui m’enveloppe;•135 

et El il s’appela ensuite ; et cela convient, 

car l’usage des mortels est comme les feuilles 

sur la branche, si l’une s’en va une autre vient.42•138 

Sur le mont qui s’élève le plus au-dessus de l’onde,43 

je fus, avec la vie pure puis indigne, 

de la première heure à celle qui suit, 

dès que le ciel change de quadrant, l’heure sexte».44•142

Cielo ottavo • Cielo stellato • Dante esaminato da San Giovanni a chiarire l’oggetto della carità • Plauso dei beati • Dante riacquisto la vista • Apparizione di Adamo • Il vero peccato di Adamo • Il tempo della creazione e la durata della vita di Adamo • La prima lingua • I nomi di Dio.  

Mentr’ io dubbiava per lo viso spento,

de la fulgida fiamma che lo spense

uscì un spiro che mi fece attento,•3 

dicendo : « Intanto che tu ti risense

de la vista che haï in me consunta,

ben è che ragionando la compense.•6 

Comincia dunque ; e dì ove s’appunta

l’anima tua, e fa ragion che sia

la vista in te smarrita e non defunta:•9 

perché la donna che per questa dia

regïon ti conduce, ha ne lo sguardo

la virtù ch’ebbe la man d’Anania».•12 

Io dissi : « Al suo piacere e tosto e tardo

vegna remedio a li occhi, che fuor porte

quand’ ella entrò col foco ond’ io sempr’ ardo.•15 

Lo ben che fa contenta questa corte,

Alfa e O è di quanta scrittura

mi legge Amore o lievemente o forte».•18 

Quella medesma voce che paura

tolta m’avea del sùbito abbarbaglio,

di ragionare ancor mi mise in cura;•21 

e disse : « Certo a più angusto vaglio

ti conviene schiarar : dicer convienti

chi drizzò l’arco tuo a tal berzaglio».•24 

E io : « Per filosofici argomenti

e per autorità che quinci scende

cotale amor convien che in me si ’mprenti:•27 

ché ’l bene, in quanto ben, come s’intende,

così accende amore, e tanto maggio

quanto più di bontate in sé comprende.•30 

Dunque a l’essenza ov’ è tanto avvantaggio,

che ciascun ben che fuor di lei si trova

altro non è ch’un lume di suo raggio,•33 

più che in altra convien che si mova

la mente, amando, di ciascun che cerne

il vero in che si fonda questa prova.•36 

Tal vero a l’intelletto mïo sterne

colui che mi dimostra il primo amore

di tutte le sustanze sempiterne.•39 

Sternel la voce del verace autore,

che dice a Moïsè, di sé parlando :

“Io ti farò vedere ogne valore”.•42 

Sternilmi tu ancora, incominciando

l’alto preconio che grida l’arcano

di qui là giù sovra ogne altro bando».•45 

E io udi’ : « Per intelletto umano

e per autoritadi a lui concorde

d’i tuoi amori a Dio guarda il sovrano.•48 

Ma dì ancor se tu senti altre corde

tirarti verso lui, sì che tu suone

con quanti denti questo amor ti morde».•51 

Non fu latente la santa intenzione

de l’aguglia di Cristo, anzi m’accorsi

dove volea menar mia professione.•54 

Però ricominciai : « Tutti quei morsi

che posson far lo cor volgere a Dio,

a la mia caritate son concorsi:•57 

ché l’essere del mondo e l’esser mio,

la morte ch’el sostenne perch’ io viva,

e quel che spera ogne fedel com’ io,•60 

con la predetta conoscenza viva,

tratto m’hanno del mar de l’amor torto,

e del diritto m’han posto a la riva.•63 

Le fronde onde s’infronda tutto l’orto

de l’ortolano etterno, am’ io cotanto

quanto da lui a lor di bene è porto».•66 

Sì com’ io tacqui, un dolcissimo canto

risonò per lo cielo, e la mia donna

dicea con li altri : « Santo, santo, santo!».•69 

E come a lume acuto si disonna

per lo spirto visivo che ricorre

a lo splendor che va di gonna in gonna,•72 

e lo svegliato ciò che vede aborre,

sì nescïa è la sùbita vigilia

fin che la stimativa non soccorre;•75 

così de li occhi miei ogne quisquilia

fugò Beatrice col raggio d’i suoi,

che rifulgea da più di mille milia:•78 

onde mei che dinanzi vidi poi ;

e quasi stupefatto domandai

d’un quarto lume ch’io vidi tra noi.•81 

E la mia donna : « Dentro da quei rai

vagheggia il suo fattor l’anima prima

che la prima virtù creasse mai».•84 

Come la fronda che flette la cima

nel transito del vento, e poi si leva

per la propria virtù che la soblima,•87 

fec’ io in tanto in quant’ ella diceva,

stupendo, e poi mi rifece sicuro

un disio di parlare ond’ ïo ardeva.•90 

E cominciai : « O pomo che maturo

solo prodotto fosti, o padre antico

a cui ciascuna sposa è figlia e nuro,•93 

divoto quanto posso a te supplìco

perché mi parli : tu vedi mia voglia,

e per udirti tosto non la dico».•96 

Talvolta un animal coverto broglia,

sì che l’affetto convien che si paia 

per lo seguir che face a lui la ’nvoglia;•99 

e similmente l’anima primaia

mi facea trasparer per la coverta

quant’ ella a compiacermi venìa gaia.•102 

Indi spirò : « Sanz’ essermi proferta

da te, la voglia tua discerno meglio

che tu qualunque cosa t’è più certa;•105 

perch’ io la veggio nel verace speglio

che fa di sé pareglio a l’altre cose,

e nulla face lui di sé pareglio.•108 

Tu vuogli udir quant’ è che Dio mi puose

ne l’eccelso giardino, ove costei

a così lunga scala ti dispuose,•111

e quanto fu diletto a li occhi miei,

e la propria cagion del gran disdegno,

e l’idïoma ch’usai e che fei.•114 

Or, figliuol mio, non il gustar del legno

fu per sé la cagion di tanto essilio,

ma solamente il trapassar del segno.•117 

Quindi onde mosse tua donna Virgilio,

quattromilia trecento e due volumi

di sol desiderai questo concilio;•120 

e vidi lui tornare a tutt’ i lumi

de la sua strada novecento trenta

fïate, mentre ch’ïo in terra fu’mi.•123 

La lingua ch’io parlai fu tutta spenta

innanzi che a l’ovra inconsummabile

fosse la gente di Nembròt attenta:•126 

ché nullo effetto mai razïonabile,

per lo piacere uman che rinovella

seguendo il cielo, sempre fu durabile.•129 

Opera naturale è ch’uom favella ;

ma così o così, natura lascia

poi fare a voi secondo che v’abbella.•132 

Pria ch’i’ scendessi a l’infernale ambascia,

I s’appellava in terra il sommo bene

onde vien la letizia che mi fascia;•135 

e El si chiamò poi : e ciò convene,

ché l’uso d’i mortali è come fronda

in ramo, che sen va e altra vene.•138 

Nel monte che si leva più da l’onda,

fu’ io, con vita pura e disonesta,

da la prim’ ora a quella che seconda, 

come ’l sol muta quadra, l’ora sesta».•142