Le Paradis – Chant XXVII

Béatrice_Dante_devant_la_lumière_Giovanni_di_Paolo_Yates_Thompson_36
Miniature de Giovanni di Paolo (vers 1450) illustrant le Paradis — Manuscrit Yates Thompson 36, folio 179.

Huitième ciel • Ciel des étoiles fixes • Hymne des bienheureux à Dieu • Imprécation de Saint Pierre contre le pape • Mission pour Dante • Retour des bienheureux dans l’Empyrée • Regard sur la Terre • Montée au Neuvième ciel // Nature du Cristallin ou Premier Mobile • Béatrice dénonce la corruption générale des hommes.

“Au Père, au Fils, à l’Esprit Saint, 

gloire !”, entonna tout le paradis, 

si bien que le doux chant m’enivrait.1•3 

Ce que je voyais me semblait un rire 

de l’univers ; et l’ivresse me2

gagnait par l’ouïe et la vue.•6 

Ô joie! ô allégresse ineffable ! 

ô vie pleine d’amour et de paix ! 

ô richesse assurée sans ardent désir!3•9 

Devant mes yeux les quatre torches

flambaient, et la première venue 

commença à se faire plus vive,4 •12 

et telle devint son apparence, 

comme deviendrait Jupiter, si lui et Mars 

étaient des oiseaux et échangeaient leurs plumes.5•15 

La providence, qui ici assigne 

tâches et offices, dans le chœur bienheureux 

avait imposé le silence de toutes parts,•18 

quand j’entendis : « Si je change de couleur, 

ne t’étonne pas, car, te dis-je, 

tu verras changer de couleur tous ceux-ci.6•21 

Celui qui usurpe sur terre mon lieu, 

mon lieu, mon lieu qui est vacant 

de la présence du Fils de Dieu,7•24 

a fait de ma sépulture un cloaque8

de sang et de puanteur ; pour cela le pervers 

qui tomba du Ciel, en bas se plaît.»9•27 

De cette couleur, dont le soleil à leur opposé 

colore les nuages au soir et au matin, 

je vis alors tout le ciel teint.10•30 

Et comme dame honnête qui reste 

sûre d’elle-même, et qui, écoutant 

les fautes des autres, se fait timide,•33 

ainsi Béatrice apparut différente ;

et une telle éclipse fut dans le ciel, je crois, 

quand souffrit le supplice la suprême puissance.11c•36 

Puis ses paroles reprirent 

avec une voix transmutée à ce point 

que sa couleur ne changea pas plus:12•39 

« L’épouse du Christ ne fut pas élevée 

avec mon sang, ni avec celui de Lin ou de Clet, 

pour être employée à acquérir de l’or;13•42 

mais pour l’acquisition de ce gai vivre 

et Sixte et Pie et Calixte et Urbain 

versèrent leur sang après beaucoup de pleurs.14•45 

Ce ne fut pas notre intention qu’à main droite 

de nos successeurs s’assoit une partie 

du peuple chrétien et une partie de l’autre;15 •48 

ni que les clés qui me furent confiées, 

deviennent emblèmes sur un drapeau 

pour combattre des baptisés;16•51 

ni que mon image soit sur le sceau 

de privilèges vendus et menteurs,17 

de cela souvent je rougis et m’enflamme.•54 

En habit de pasteur, d’ici se voient 

des loups rapaces dans toutes les pâtures : 

ô secours de Dieu pourquoi dors-tu?18 •57 

À boire notre sang Cahorsins19 et Gascons20 

se préparent : ô bon principe, 

en quelle triste fin dois-tu tomber!.•60 

Mais la haute providence, qui avec Scipion 

défendit à Rome la gloire du monde, 

viendra bientôt au secours, à ce que je perçois;21•63 

et toi, fils, qui par le poids de ton corps mortel 

retournera sur terre, ouvre la bouche, 

et ne cache pas ce que je n’ai pas caché».22•66 

Et comme dans notre atmosphère 

tombe la neige, lorsque la corne 

de la chèvre du ciel touche le soleil,23•69 

je vis de même l’éther s’orner 

et s’enneiger des vapeurs triomphantes 

qui avaient séjourné auparavant avec nous.24•72 

Mon regard suivit leurs silhouettes, 

et les suivit jusqu’à ce que la distance 

ne l’empêche d’aller plus loin.•75 

Alors ma dame, qui me vit libéré 

de mon attention tournée vers le haut, dit: «Baisse 

ton regard et vois quel tour tu as fait».25•78 

Depuis le moment de mon premier regard 

je vis tout l’arc que j’avais parcouru, 

du centre à l’extrémité du premier climat;26•81 

je voyais au-delà de Gadès la course 

folle d’Ulysse,27 et en deçà près du rivage 

où Europe se fit doux fardeau.28•84 

Et j’aurai découvert plus avant le site 

de cette petite aire,29 mais sous mes pieds 

le soleil avançait, éloigné d’un signe et plus.30•87 

Mon esprit amoureux, qui toujours31 

se complaisait avec ma dame, plus que jamais 

brûlait de ramener les yeux sur elle;•90 

et si la nature ou l’art créait de beaux appâts 

pour nourrir les yeux, et conquérir le cœur, 

qu’ils soient de chair ou peintures,•93 

toutes ces beautés rassemblées ne seraient rien 

en comparaison du plaisir divin qui brillait devant moi 

quand je me tournai vers son visage riant.•96 

Et la force que le regard me donna, 

du beau nid de Léda m’arracha 

et dans le ciel rapidissime me propulsa.32.•99 

Ses régions proches comme lointaines 

sont si uniformes, que je ne saurais dire 

laquelle Béatrice me choisit comme lieu.33•102 

Mais elle, qui voyait mon désir 

commença, riant de tant de joie, 

que dans son visage Dieu semblait se réjouir:34•105 

« La nature du monde, qui retient 

le centre35 et meut tout le reste autour, 

a son origine ici comme de son principe;36•108 

et ce ciel n’a d’autre lieu 

que l’esprit divin où s’enflamment amour 

qui le tourne et vertu qui tombe en pluie.37•111 

Un cercle de lumière et d’amour le contient, 

lui comme les autres ; et seul celui 

qui entoure cette enceinte la gouverne.38•114 

Aucun autre ne détermine son mouvement, 

mais les autres sont mesurés par lui, 

comme dix par sa moitié et son cinquième;39•117 

et comment le temps étend dans un tel vase 

ses racines et dans les autres son feuillage, 

désormais cela peut t’être manifeste.40•120 

Oh cupidité, qui engloutit les mortels 

si profondément sous toi, que personne ne peut 

faire émerger ses yeux de tes ondes!41•123 

Le bon vouloir fleurit chez les hommes ; 

mais la pluie persistante transforme 

en fruits pourris les belles prunes.42•126 

Foi et innocence ne se trouvent 

que chez les petits enfants, puis elles fuient 

avant le premier duvet sur les joues.•129 

Tel, babillant encore, jeûne, 

pour ensuite, la langue libérée, dévorer 

n’importe quelle nourriture n’importe quand;.•132 

et tel, babillant, aime et écoute 

sa mère, puis son langage étant complet 

désire ensuite la voir morte.43•135 

Ainsi noircit la blanche peau 

à la première apparition de la belle fille 

de celui qui apporte le matin et laisse le soir.44•138 

Toi, ne t’étonnes pas, car pense 

que sur terre personne ne gouverne ; 

ainsi s’égare l’humaine famille.45•141 

Mais avant que janvier ne sorte tout entier de l’hiver 

pour cette centième négligée sur terre, 

ces cercles supérieurs rayonneront tant,46•144 

que la fortune tellement attendue, 

tournera les poupes où sont les proues, 

si bien que la flotte courra la route droite ; 

et bon fruit viendra après la fleur».47 •148    

Cielo ottavo • Cielo stellato • Inno dei beati a Dio • Invettiva di San Pietro contro il papa • Una missione a Dante • Ritorno dei beati all’Empireo • Sguardo alla Terra • Ascesa al Cielo nono // Natura del cielo Cristallino o Primo Mobile • Beatrice denuncia la corruzione generale degli uomini • Futuro rimedio atteso. 

“Al Padre, al Figlio, a lo Spirito Santo”,

cominciò, “gloria!”, tutto ’l paradiso,

sì che m’inebrïava il dolce canto.•3 

Ciò ch’io vedeva mi sembiava un riso

de l’universo; per che mia ebbrezza

intrava per l’udire e per lo viso.•6 

Oh gioia ! oh ineffabile allegrezza !

oh vita intègra d’amore e di pace !

oh sanza brama sicura ricchezza!•9 

Dinanzi a li occhi miei le quattro face

stavano accese, e quella che pria venne

incominciò a farsi più vivace,•12 

e tal ne la sembianza sua divenne,

qual diverrebbe Iove, s’elli e Marte

fossero augelli e cambiassersi penne.•15 

La provedenza, che quivi comparte

vice e officio, nel beato coro

silenzio posto avea da ogne parte,•18 

quand’ ïo udi’ : « Se io mi trascoloro,

non ti maravigliar, ché, dicend’ io,

vedrai trascolorar tutti costoro.•21 

Quelli ch’usurpa in terra il luogo mio,

il luogo mio, il luogo mio che vaca

ne la presenza del Figliuol di Dio,•24 

fatt’ ha del cimitero mio cloaca

del sangue e de la puzza ; onde ’l perverso

che cadde di qua sù, là giù si placa».•27 

Di quel color che per lo sole avverso

nube dipigne da sera e da mane,

vid’ ïo allora tutto ’l ciel cosperso.•30 

E come donna onesta che permane

di sé sicura, e per l’altrui fallanza,

pur ascoltando, timida si fane,•33 

così Beatrice trasmutò sembianza ;

e tale eclissi credo che ’n ciel fue

quando patì la supprema possanza.•36 

Poi procedetter le parole sue

con voce tanto da sé trasmutata,

che la sembianza non si mutò piùe:•39 

« Non fu la sposa di Cristo allevata

del sangue mio, di Lin, di quel di Cleto,

per essere ad acquisto d’oro usata;•42 

ma per acquisto d’esto viver lieto

e Sisto e Pïo e Calisto e Urbano

sparser lo sangue dopo molto fleto.•45 

Non fu nostra intenzion ch’a destra mano

d’i nostri successor parte sedesse,

parte da l’altra del popol cristiano;•48 

né che le chiavi che mi fuor concesse,

divenisser signaculo in vessillo

che contra battezzati combattesse;•51 

né ch’io fossi figura di sigillo

a privilegi venduti e mendaci,

ond’ io sovente arrosso e disfavillo.•54 

In vesta di pastor lupi rapaci

si veggion di qua sù per tutti i pasch i :

o difesa di Dio, perché pur giaci?•57 

Del sangue nostro Caorsini e Guaschi

s’apparecchian di bere : o buon principio,

a che vil fine convien che tu caschi!•60 

Ma l’alta provedenza, che con Scipio

difese a Roma la gloria del mondo,

soccorrà tosto, sì com’ io concipio;•63 

e tu, figliuol, che per lo mortal pondo

ancor giù tornerai, apri la bocca,

e non asconder quel ch’io non ascondo».•66 

Sì come di vapor gelati fiocca

in giuso l’aere nostro, quando ’l corno

de la capra del ciel col sol si tocca,•69 

in sù vid’ io così l’etera addorno

farsi e fioccar di vapor trïunfanti

che fatto avien con noi quivi soggiorno.•72 

Lo viso mio seguiva i suoi sembianti,

e seguì fin che ’l mezzo, per lo molto,

li tolse il trapassar del più avanti.•75 

Onde la donna, che mi vide assolto

de l’attendere in sù, mi disse : « Adima

il viso e guarda come tu se’ vòlto».•78 

Da l’ora ch’ïo avea guardato prima

i’ vidi mosso me per tutto l’arco

che fa dal mezzo al fine il primo clima;•81 

sì ch’io vedea di là da Gade il varco

folle d’Ulisse, e di qua presso il lito

nel qual si fece Europa dolce carco.•84 

E più mi fora discoverto il sito

di questa aiuola ; ma ’l sol procedea

sotto i mie’ piedi un segno e più partito.•87 

La mente innamorata, che donnea

con la mia donna sempre, di ridure

ad essa li occhi più che mai ardea;•90 

e se natura o arte fé pasture

da pigliare occhi, per aver la mente,

in carne umana o ne le sue pitture,•93 

tutte adunate, parrebber nïente

ver’ lo piacer divin che mi refulse,

quando mi volsi al suo viso ridente.•96 

E la virtù che lo sguardo m’indulse,

del bel nido di Leda mi divelse,

e nel ciel velocissimo m’impulse.•99 

Le parti sue vivissime ed eccelse

sì uniforme son, ch’i’ non so dire

qual Bëatrice per loco mi scelse.•102 

Ma ella, che vedëa ’l mio disire,

incominciò, ridendo tanto lieta,

che Dio parea nel suo volto gioire:•105 

« La natura del mondo, che quïeta

il mezzo e tutto l’altro intorno move,

quinci comincia come da sua meta;•108 

e questo cielo non ha altro dove

che la mente divina, in che s’accende

l’amor che ’l volge e la virtù ch’ei piove.•111 

Luce e amor d’un cerchio lui comprende,

sì come questo li altri ; e quel precinto

colui che ’l cinge solamente intende.•114 

Non è suo moto per altro distinto,

ma li altri son mensurati da questo,

sì come diece da mezzo e da quinto;•117 

e come il tempo tegna in cotal testo

le sue radici e ne li altri le fronde,

omai a te può esser manifesto.•120 

Oh cupidigia, che i mortali affonde

sì sotto te, che nessuno ha podere

di trarre li occhi fuor de le tue onde!•123 

Ben fiorisce ne li uomini il volere ;

ma la pioggia continüa converte

in bozzacchioni le sosine vere.•126 

Fede e innocenza son reperte

solo ne’ parvoletti; poi ciascuna

pria fugge che le guance sian coperte.•129 

Tale, balbuzïendo ancor, digiuna,

che poi divora, con la lingua sciolta,

qualunque cibo per qualunque luna;•132 

e tal, balbuzïendo, ama e ascolta

la madre sua, che, con loquela intera,

disïa poi di vederla sepolta.•135 

Così si fa la pelle bianca nera

nel primo aspetto de la bella figlia

di quel ch’apporta mane e lascia sera.•138 

Tu, perché non ti facci maraviglia,

pensa che ’n terra non è chi governi ;

onde sì svïa l’umana famiglia.•141 

Ma prima che gennaio tutto si sverni

per la centesma ch’è là giù negletta,

raggeran sì questi cerchi superni,•144 

che la fortuna che tanto s’aspetta,

le poppe volgerà u’ son le prore,

sì che la classe correrà diretta ; 

e vero frutto verrà dopo ’l fiore».•148