Le Purgatoire – Chant V
Roseaux au bord d’une rivière – Région de Nara, Japon – Photo: Marc Mentré
Antépurgatoire • Deuxième assise • Morts par violence et repentis de la dernière heure • Jacopo del Cassero • Buonconte da Montefeltro • La Pia.
Je m’étais déjà éloigné de ces ombres,
et suivais les traces de mon guide,
quand derrière moi, me montrant du doigt,•3
l’une cria : « Vois il semble que les rayons
ne brillent pas sur la gauche de celui d’en dessous,
et comme il se comporte il semble vivant.»•6
Je tournai les yeux au son de ces paroles,
et je les vis regarder avec émerveillement
seulement moi, seulement moi, et la lumière qui était brisée.•9
« Pourquoi ton esprit est-il tant embarrassé »,
dit le maître, « que ta marche en est ralentie ?
que t’importe que ceux-ci chuchotent entre eux?•12
Avance derrière moi, et laisse dire les gens :
sois solide comme une tour, dont la cime n’est jamais
ébranlée par le souffle des vents;•15
car toujours l’homme en qui une pensée naît
sur une autre pensée, s’éloigne de son but,
car la force de l’une affaiblit l’autre.»•18
Que pouvais-je répondre, sinon « Je viens » ?
Je le dis, légèrement couvert de cette couleur
qui fait quelquefois l’homme digne de pardon.•21
Et pendant ce temps par le travers de la côte
des gens venaient un peu devant nous,
chantant verset à verset “Miserere”.•24
Quand ils s’aperçurent que mon corps
ne laissait pas traverser les rayons du soleil
leur chant se changea en un « oh ! » long et rauque;•27
et deux d’entre eux, en guise de messagers,
coururent vers nous et demandèrent :
« Faites nous savoir votre condition.»•30
Et mon maître : « Vous pouvez aller
et rapporter à ceux qui vous ont envoyés
que le corps de celui-ci est de vraie chair.•33
Si pour voir son ombre ils se sont arrêtés,
comme je le pense, il leur est suffisamment répondu :
qu’ils lui fassent honneur, cela peut leur être utile.»•36
Je ne vis jamais vapeurs enflammées
ni, nuages d’août, au soleil couchant,
déchirer dès le début de la nuit le ciel serein,•39
aussi vite que ceux-ci remontèrent ;
et, arrivés là, avec les autres ils revinrent vers nous,
comme une troupe qui court sans frein.•42
« La foule qui se presse vers nous est nombreuse,
et vient te prier », dit le poète :
« mais continue, et écoute-les en marchant.»•45
« Ô âme qui va pour être bienheureuse
avec ce corps avec lequel tu es née »,
criaient-ils en venant, « arrête un peu tes pas.•48
Regarde si tu as déjà vu l’un de nous,
dont tu pourrais là-bas porter des nouvelles :
Je te prie, pourquoi t’en vas-tu? Pourquoi ne t’arrêtes-tu pas?•51
Nous sommes tous morts par violence,
et pécheurs jusqu’à la dernière heure ;
à ce moment la lumière du ciel nous éclaira,•54
si bien que, repentants et pardonnants,
nous quittâmes la vie en paix avec Dieu,
aussi le désir de le voir nous tourmente.»•57
Et moi : « Je regarde attentivement vos visages,
mais je n’en reconnais aucun ; mais si voulez
quelque chose que je puisse faire, esprits bien nés,•60
dites-le, je le ferais pour cette paix
que, sur les pas d’un tel guide,
on me fait chercher de monde en monde.»•63
Et l‘un commença : « Chacun de nous se fie
en ton bienfait sans que tu jures,
pourvu que l’impuissance n’altère pas ta volonté.•66
Aussi moi, qui seul devant les autres parle,
je te prie, si jamais tu vois ce pays
qui se trouve entre la Romagne et celui de Charles,•69
d’être courtois pour moi dans tes prières
à Fano, afin que pour moi on fasse des oraisons
pour que je puisse purger mes graves offenses.•72
Je fus de là ; mais les profondes blessures
par où sortit le sang dans lequel je logeais
me furent faites chez les Anténor,•75
là où je me croyais le plus en sécurité :
l’un des Este le fit faire, en colère contre moi
bien plus que la justice ne le voulait.•78
Mais si j’avais fui vers la Mira,
quand je fus surpris a Oriaco,
je serais encore là où l’on respire.•81
Je courus au marais, et les roseaux et la vase
m’entravèrent tant que je tombai ; et là je vis
se former à terre un lac de mon sang.»•84
Puis un autre dit : « Ah, que s’accomplisse
le désir qui t’entraîne par le haut mont,
et par bonne miséricorde aide le mien!•87
Je fus de Montefeltro, je suis Bonconte ;
Giovanna ou les autres n’ont pas soin de moi ;
pour cela je vais parmi ceux-là la tête basse.»•90
Et moi à lui : « Quelle force ou quel hasard
t’as entraîné si loin de Campaldino,
que ta sépulture ne fut jamais connue?»1•93
« Oh ! », répondit-il, « au pied du Casentino
passe une rivière qui a pour nom Archiano,
qui naît dans l’Appenin plus haut que l’Hermitage.•96
Là où son nom devient inutile,
j’arrivais la gorge trouée,
fuyant à pied et ensanglantant la plaine.•99
Là je perdis la vue et la parole ;
je finis dans le nom de Marie, et là
je tombai, et ma chair resta seule.•102
Je dis vrai et tu le rediras aux vivants :
l’ange de Dieu me prit, et celui de l’enfer
criait : “Ô toi du ciel, pourquoi me prives-tu?•105
Tu t’empares de la part éternelle de celui-ci
pour une larmichette qui me l’enlève ;
mais je ferai de l’autre part un autre traitement!”•108
Tu sais bien comment dans l’air s’accumule
cette vapeur humide qui redevient de l’eau,
sitôt qu’elle monte où le froid la saisit.•111
Il réunit son mal vouloir avec son intelligence
celui qui cherche le pur mal, et mut fumées et vents
par la vertu qu’il tient de sa nature•114
Alors quand le jour fut éteint, il couvrit
de nuées de la vallée de Pratomagno
à la montagne ; et le ciel au-dessus se couvrait encore,•117
tant que l’air lourd se changeait en eau ;
la pluie tomba, et les fossés se remplirent
de ce que la terre n’absorbait pas;•120
et comme elle rejoignait les grandes rivières,
dans le fleuve royal elle se jetait avec
tant de force, que rien ne la retenait.•123
L’Archiano impétueux trouva mon corps glacé
à son embouchure ; et jeta celui-ci
dans l’Arno, et la croix que je faisais sur ma poitrine•126
se défit quand la douleur me vint ;
il me roula sur les bords et sur le fond,
puis de son limon il m’entoura et me couvrit.»•129
« Je te prie, quand tu seras retourné dans le monde
et reposé du long chemin »,
enchaîna le troisième esprit après le second,•132
« souviens-toi de moi, qui suis la Pia ;
Sienne me fit, Maremme me défit ;
il le sait celui qui avant le mariage m’avait
offert l’anneau avec sa gemme.»•136
Antipurgatorio • Secondo Balzo • Negligenti, colti da morte violenta e pentisti in extremis • Iacopo del Cassero • Buonconte da Montefeltro • La Pia.
Io era già da quell’ ombre partito,
e seguitava l’orme del mio duca,
quando di retro a me, drizzando ’l dito,•3
una gridò : « Ve’ che non par che luca
lo raggio da sinistra a quel di sotto,
e come vivo par che si conduca!».•6
Li occhi rivolsi al suon di questo motto,
e vidile guardar per maraviglia
pur me, pur me, e ’l lume ch’era rotto.•9
« Perché l’animo tuo tanto s’impiglia »,
disse ’l maestro, « che l’andare allenti ?
che ti fa ciò che quivi si pispiglia?•12
Vien dietro a me, e lascia dir le genti :
sta come torre ferma, che non crolla
già mai la cima per soffiar di venti;•15
ché sempre l’omo in cui pensier rampolla
sovra pensier, da sé dilunga il segno,
perché la foga l’un de l’altro insolla».•18
Che potea io ridir, se non « Io vegno » ?
Dissilo, alquanto del color consperso
che fa l’uom di perdon talvolta degno.•21
E ’ntanto per la costa di traverso
venivan genti innanzi a noi un poco,
cantando “Miserere” a verso a verso.•24
Quando s’accorser ch’i’ non dava loco
per lo mio corpo al trapassar d’i raggi,
mutar lor canto in un « oh ! » lungo e roco;•27
e due di loro, in forma di messaggi,
corsero incontr’ a noi e dimandarne :
« Di vostra condizion fatene saggi».•30
E ’l mio maestro : « Voi potete andarne
e ritrarre a color che vi mandaro
che ’l corpo di costui è vera carne.•33
Se per veder la sua ombra restaro,
com’ io avviso, assai è lor risposto :
fàccianli onore, ed esser può lor caro».•36
Vapori accesi non vid’ io sì tosto
di prima notte mai fender sereno,
né, sol calando, nuvole d’agosto,•39
che color non tornasser suso in meno ;
e, giunti là, con li altri a noi dier volta,
come schiera che scorre sanza freno.•42
« Questa gente che preme a noi è molta,
e vegnonti a pregar », disse ’l poeta :
« però pur va, e in andando ascolta».•45
« O anima che vai per esser lieta
con quelle membra con le quai nascesti »,
venian gridando, « un poco il passo queta.•48
Guarda s’alcun di noi unqua vedesti,
sì che di lui di là novella porti :
deh, perché vai ? deh, perché non t’arresti?•51
Noi fummo tutti già per forza morti,
e peccatori infino a l’ultima ora ;
quivi lume del ciel ne fece accorti,•54
sì che, pentendo e perdonando, fora
di vita uscimmo a Dio pacificati,
che del disio di sé veder n’accora».•57
E io : « Perché ne’ vostri visi guati,
non riconosco alcun ; ma s’a voi piace
cosa ch’io possa, spiriti ben nati,•60
voi dite, e io farò per quella pace
che, dietro a’ piedi di sì fatta guida,
di mondo in mondo cercar mi si face».•63
E uno incominciò : « Ciascun si fida
del beneficio tuo sanza giurarlo,
pur che ’l voler nonpossa non ricida.•66
Ond’ io, che solo innanzi a li altri parlo,
ti priego, se mai vedi quel paese
che siede tra Romagna e quel di Carlo,•69
che tu mi sie di tuoi prieghi cortese
in Fano, sì che ben per me s’adori
pur ch’i’ possa purgar le gravi offese.•72
Quindi fu’ io ; ma li profondi fóri
ond’ uscì ’l sangue in sul quale io sedea,
fatti mi fuoro in grembo a li Antenori,•75
là dov’ io più sicuro esser credea :
quel da Esti il fé far, che m’avea in ira
assai più là che dritto non volea.•78
Ma s’io fosse fuggito inver’ la Mira,
quando fu’ sovragiunto ad Orïaco,
ancor sarei di là dove si spira.•81
Corsi al palude, e le cannucce e ’l braco
m’impigliar sì ch’i’ caddi ; e lì vid’ io
de le mie vene farsi in terra laco».•84
Poi disse un altro : « Deh, se quel disio
si compia che ti tragge a l’alto monte,
con buona pïetate aiuta il mio!•87
Io fui di Montefeltro, io son Bonconte ;
Giovanna o altri non ha di me cura ;
per ch’io vo tra costor con bassa fronte».•90
E io a lui : « Qual forza o qual ventura
ti travïò sì fuor di Campaldino,
che non si seppe mai tua sepultura?».•93
« Oh ! », rispuos’ elli, « a piè del Casentino
traversa un’acqua c’ha nome l’Archiano,
che sovra l’Ermo nasce in Apennino.•96
Là ’ve ’l vocabol suo diventa vano,
arriva’ io forato ne la gola,
fuggendo a piede e sanguinando il piano.•99
Quivi perdei la vista e la parola ;
nel nome di Maria fini’, e quivi
caddi, e rimase la mia carne sola.•102
Io dirò vero, e tu ’l ridì tra ’ vivi :
l’angel di Dio mi prese, e quel d’inferno
gridava : “O tu del ciel, perché mi privi?•105
Tu te ne porti di costui l’etterno
per una lagrimetta che ’l mi toglie ;
ma io farò de l’altro altro governo!”.•108
Ben sai come ne l’aere si raccoglie
quell’ umido vapor che in acqua riede,
tosto che sale dove ’l freddo il coglie.•111
Giunse quel mal voler che pur mal chiede
con lo ’ntelletto, e mosse il fummo e ’l vento
per la virtù che sua natura diede.•114
Indi la valle, come ’l dì fu spento,
da Pratomagno al gran giogo coperse
di nebbia ; e ’l ciel di sopra fece intento,•117
sì che ’l pregno aere in acqua si converse ;
la pioggia cadde, e a’ fossati venne
di lei ciò che la terra non sofferse;•120
e come ai rivi grandi si convenne,
ver’ lo fiume real tanto veloce
si ruinò, che nulla la ritenne.•123
Lo corpo mio gelato in su la foce
trovò l’Archian rubesto ; e quel sospinse
ne l’Arno, e sciolse al mio petto la croce•126
ch’i’ fe’ di me quando ’l dolor mi vinse ;
voltòmmi per le ripe e per lo fondo,
poi di sua preda mi coperse e cinse».•129
« Deh, quando tu sarai tornato al mondo
e riposato de la lunga via »,
seguitò ’l terzo spirito al secondo,•132
« ricorditi di me, che son la Pia ;
Siena mi fé, disfecemi Maremma :
salsi colui che ’nnanellata pria
disposando m’avea con la sua gemma».•136
Notes
[20] «Cette couleur…»
[15-18] «Une pensée naît sur une autre pensée…»
[24] Miserere
Oh Dieu ! Aie pitié de moi, dans ta bonté,
selon ta grande miséricorde efface mon péché,
lave-moi de toute malice,
de ma faute purifie-moi
Le Miserere est chanté «verso a verso» [traduit ici “verset à verset”], ce qui signifie en alternance, comme le faisait les moines, mais avec cette nuance qu’explique Francesco Ciabattoni: «Toutes les évidences mènent au fait que “verso a verso” signifie que ces âmes, alors qu’elles attendent d’entrer dans le Purgatoire, ne chantent que les versets du Psaume, les parties monophoniques qui étaient chantées par la foule des croyants à l’église»¹. La partie polyphonique —qui était la réponse— était chantée par des choristes professionnels.
Notes
- Dante’s Journey to Polyphony, par Francesco Ciabattoni, University of Toronto Press, Toronto, Canada, 2014
[37] «Je ne vis jamais vapeurs enflammés»
[52-57] «Nous sommes tous morts par violence… »
[69] «Entre la Romagne et le pays de Charles…»
Dante souvent utilise une périphrase pour désigner un pays. C’est le cas ici. La Marche d’Ancône [Marca Anconetana], correspond à l’actuelle province d’Ancône. Elle était bordée au nord par la Romagne et le royaume de Naples au sud, sur lequel régnait en 1300 Charles II d’Anjou.
[67 et suivants] «Aussi moi, qui seul devant les autres parle…»
Celui qui parle est Iacopo del Cassero da Fano est le premier des trois esprits à s’adresser à Dante. Descendant d’une noble et puissante famille guelfe de Fano, les Cassero (ou Cassaro), il était le fils d’Uguccione, Podestà de Macerata, en 1268, et le neveu du plus célèbre juriste du temps Martino del Cassero.
En 1288, Iacopo fut l’un des chefs guelfes qui vint au secours des Florentins dans leur expédition contre Arrezo. Vers 1296-1297, il fut Podestà de Bologne. C’est à ce moment qu’il se fâcha avec Azzo VIII d’Este, marquis de Ferrare. Il faut dire qu’il n’y serait pas allé avec le dos de la cuillère, accusant publiquement Azzo de traîtrise et de parricide [comme Dante l’indique clairement au Chant XII de l’Enfer, tercets 37-38]
Retourné à Fano, il fut appelé pour devenir Podestà de Milan en 1298. Prudent, il décida de contourner le territoire des Este en passant d’abord par la mer jusqu’à Venise. De là il ambitionnait de traverser le territoire padouan. Mais alors qu’il était seulement à une dizaine de kilomètres de Venise, à côté d’Oriago, que les tueurs du marquis d’Este le trouvèrent et l’assassinèrent.
[75] «Chez les Anténor»
Dante sous-entend ainsi que Jacopo del Cassero a été trahi.
[88-129] «Je fus de Montefeltro, je suis Bonconte…»
Buonconte (ou Bonconte) da Montefeltro est le fils de Guido de Montefeltro [rencontré au Chant XXVII de l’Enfer, parmi les “conseillers frauduleux”].
Né entre 1250 et 1255, e condottiere gibelin sera de toutes les batailles. En juin 1827, il participe à l’expulsion des guelfes d’Arezzo, un épisode qui marque le début de la guerre entre Florence et Arezzo. L’année suivante, il commande les Arétins (habitants d’Arezzo) lorsqu’ils défont les Siennois à la bataille de Pieve del Toppo [mentionnée au Chant XIII de l’Enfer, 120-121].
Le 11 juin 1289, il fait partie des commandants gibelins à la bataille de Campaldino. Les troupes gibelines furent battues par les guelfes de Florence [Dante y participa côté florentin]. C’est lors de cette bataille que Buonconto perdit la vie. Son corps ne fut jamais retrouvé.
Dante dans ce chant oppose le destin post mortem du père et du fils. Guido, qui avait renoncé à la carrière des armes et était devenu moine franciscain ne saura pas sauvé car il conseilla le pape Boniface VIII [«perché diede ‘l consiglio fraudulente» – “parce qu’il a donné le conseil de traîtrise” – Enfer, chant XXVII, 116], un des «neri cherubini» [« anges noirs”] arrachant son âme à saint François.
Tout autre est le destin de Buonconte, qui montre tous les signes de repentance au moment de mourir: il croise les bras sur sa poitrine et se confie à Marie. C’est cette «lagrimetta» qui lui permet d’être au Purgatoire.
[89] «Giovanna ou les autres n’ont pas soin de moi…»
[92] Campaldino
Dante participa à cette bataille comme feditore. Les feditore étaient des cavaliers, légèrement armés, volontaires, qui combattaient au premier rang et se trouvaient donc particulièrement exposés.
[94-97] «Au pied du Casentino passe une rivière qui a pour nom Archiano…»
[133-136] «Souviens-toi de moi, qui suis la Pia»
Après les longues et détaillées explications de Jacopo del Cassero et de Buonconte de Montefeltro sur les circonstances de leur mort, le récit de “la Pia » vient réveiller la fin de ce Chant V du Purgatoire comme un coup de fouet. Sa vie et sa mort sont contenues en un seul vers — Siena mi fé, disfecemi Maremma» [“Sienne me fit, Maremme me défit”], et les deux vers suivants accusent clairement celui qui l’avait épousée de l’avoir assassinée.
Derrière la briéveté du passage se cache une douloureuse histoire. Originaire de Sienne, Pia de Tolomei avait déjà deux fils issus d’un premier mariage avec Baldo di Ildobrandino de’ Tolomei, qui devait mourir en 1290.
Elle épousa en seconde noce Nello [ou Paganello] de’ Pannocchieschi, seigneur du château de Pietra dans la Maremme siennoise et chef de la Taglia guelfa (vers 1284). Il fut aussi Podestà de Volterra [vers 1277) et de Lucques (vers 1284).
Nello fit tuer son épouse —en 1295— en la faisant jeter d’une fenêtre de son château. Le motif est discuté : pour les uns il le fit par jalousie, pour d’autres parce qu’il voulait être libre pour épouser la belle Margherita Aldobrandeschi.
La mort de La Pia dut faire grand bruit à l’époque, car aujourd’hui encore un lieu-dit proche du château s’appelle Salto della Contessa.
Nello de’ Pannocchieschi vivait encore encore en 1322, l’année où il rédigea son testament.