Raimond Bérenger – Ramondo Beringhieri

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  • Le Paradis, Chant VI, 133-134
  • Illustration: Statue de Raimond Bérenger IV (détail), comte de Provence, Saint-Jean-de-Malte, Aix en Provence – CC – BY – SA 3.0

 

PAGE EN TRAVAUX

Raimond Bérenger IV était le petit-fils d’Alphonse II roi d’Aragon et le fils unique d’Alphonse II Bérenger, comte de Provence, et de Garsende (ou Gersende) comtesse de Forqualcier. Né vers 1198, il régna de 1209 jusqu’à sa mort en 1245. Il fut le dernier comte de Provence. En effet, il donna par testament ses possessions à sa dernière fille Béatrice, qui n’était alors pas mariée. Elle devait par la suite épouser Charles d’Anjou, faisant ainsi entrer le comté de Provence dans les possessions de la famille royale française.

L’enfance de Raimond se déroula loin de la Provence, en Aragon. Elle est marquée par la mort en 1209, à 27 ans, de son père Alphonse II (Bérenger) d’Aragon. Ce dernier accompagnait sa sœur Constance —veuve du roi de Hongrie— à son mariage avec le futur Frédéric II Hohestauffen. Après ce décès Raimond est alors placé sous la tutelle de son oncle Pierre II, roi d’Aragon. Las, celui-ci meurt à son tour à la bataille de Muret en 1213.1

Cette succession de décès faillit avoir de lourdes conséquences pour Raimond, et la Provence. Sa tutelle fut confiée à Sanche d’Aragon, l’oncle de Pierre II, qui lui-même confia la Provence à son neveu Nuno Sanche. Mais les chevaliers provençaux souhaitèrent secouer la tutelle aragonaise, et vont prendre parti pour Garsende. Le jeune héritier est placé sous sa tutelle, et ils créent un conseil de régence. Une décision d’autant plus important qu’en 1209, Garsende lui avait cédé le comté de Forcalquier en 1209, permettant la réunion des deux comtés. 

Mais il fallu encore quelques années à Raimond pour pouvoir retourner en Provence. Ce sera fait en 1216. Avec l’aide de Pierre Augier, d’Eyguières, les Provençaux réussirent alors à enlever le jeune Raimond à la semi-captivité où le maintenait le roi d’Aragon. Cet évènement devait achever la tutelle aragonaise.

En 1219 à sa majorité, il entreprit de reconquérir son comté, dans une situation politique complexe, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Il fit alors preuve d’une grande maturité en dépit de son jeune âge. Il est vrai qu’il était entouré de solides conseillers parmi lesquels Romieu de Villeneuve, que Dante évoque au Chant VI du Paradis. 

Pour “reconquérir” son comté Raimond Bérenger jouera de ses alliances, et en premier lieu celle du roi de France. En 1226, Louis VIII (sacré à Reims, trois ans auparavant) reprend le combat contre Raymond VII, comte de Toulouse. Les forces françaises soumirent Avignon, l’alliée du comte de Toulouse, après un siège de trois mois. Une première victoire pour Raimond Bérenger qui devait ensuite renforcer sa domination face sur des villes qui cherchaient leur indépendance comme Tarascon, puis Grasse et Nice (alors génoise), et dont certaines avaient institué des Podestà, à l’instar des villes du nord de l’Italie. 

Mais ces conquêtes risquèrent d’être remises en cause par le comte de Toulouse, dont certaines grandes villes provençales comme Marseille demeuraient l’allié. Le comte de Provence va alors de nouveau chercher un appui auprès du roi de France Louis VIII. Son émissaire négociera à cette occasion le mariage de la fille aînée de Raimond Bérenger, Marguerite, avec le futur Saint Louis. 

Il cherchera aussi de l’aide auprès de l’empereur Frédéric II, qui à cette date apparaît encore comme le protecteur de l’Église romaine. Par son intermédiaire, une trêve sera conclue en 1234 —à Entremont— entre les deux comtes. Elle sera très temporaire. 

Cette même année, la rupture est prononcée entre Frédéric II et le pape Grégoire IX. Les conséquences sont immédiates en Provence. L’empereur restitue ses droits sur le Comtat Venaissin2 au comte de Toulouse, Raimond VII en guerre larvée contre l’épiscopat méridional. Il n’en faut pas plus pour que les villes provençales, qui depuis des années cherchent à acquérir leur indépendances vis-à-vis de l’épiscopat se rangent sous sa bannière.

Inversement, Raimond Bérenger peut compter sur l’appui du pape et sur celui de l’épiscopat, et celui du roi de France, Louis IX. Son intervention au cours de l’été 1240 sera décisive. Raimond VII abandonne la partie et retournait en Languedoc vers de nouvelles aventures. 

Raimond Bérenger ne devait guère profiter de ses succés, il mourut en juin 1245. Il laissait à sa dernière fille, Béatrice, à qui il l’avait léguée, une Provence qui était alors l’un des États les mieux administrés de l’époque. Le comte avait mis en place une administration efficace, réduisant le pouvoir des évêques et remplaçant dans les villes les Podestà et autres consuls par des viguiers, qui étaient des officiers de sa cour. L’un des plus célèbres d’entre eux, Romée de Villeneuve, gouverna ainsi Nice.

Lui-même fut un homme courtois et poète, comme l’écrit Villani:

Le bon comte Raimond Bérenger de Provence fut un noble seigneur de bon lignage, et descendait de la maison d’Aragon et de celle des comtes de Toulouse (…) seigneur avisé et courtois, d’une grande noblesse, il fut habile, et durant son règne fit des actes honorables; à sa cour se pressaient de nombreux nobles de Provence, de France et de Catalogne en raison de sa courtoise et de sa noblesse, et il fit de nombreux coblas et canzoni provençaux de grande qualité.3

Il ne nous reste que deux coblas (des chants) et deux tensons, qui sont des joutes poétiques entre deux interlocuteurs. 

Ce comte poète a été marié à Béatrice de Savoie, dont le père Thomas 1er, comte de Savoie, régna de 1189 à 1233. Le mariage fut célébré en 1219, la marié avait alors vingt ans, le jeune promis achevant ses quatorze ans.

 

Sources: Dante Dictionnary, Paget Toynbee, Oxford, 1848; La Provence au Moyen Âge, Chapitre 3 Le temps des villes, par Martin Aurell, Jean-Paul Boyer, sous la direction de Noël Coulet, Presses Universitaires de Provence, Aix-en-Provence, 2017;  Bulletin de l’association Guillaume Budé, Béatrice de Savoie, Comtesse de Provence, mère de quatre reines (1198-1267), par Emmanuel Davin, année 1963, n°2,  pp. 176-189; Les Mélanges de l’École française de Rome – Moyen Âge, Celle par qui tout advint: Béatrice de Provence, comtesse de Provence, de Forcalquier et d’Anjou, reine de Sicile (1245-1267), par Thierry Pécout, n° 129-2, 2017; Treccani OnlineWikipedia.