Le Paradis – Chant XII
Saint Dominique – Détails de la fresque de Fra Angelico, “Dérision du Christ” (1440-1441)— Couvent de San Marco, Florence — Domaine public.
Quatrième Ciel • Ciel du Soleil • Apparition d’une seconde couronne d’esprits • Éloge de Saint Dominique par Saint Bonaventure • Reproches aux Franciscains indignes • Saint Bonaventure présente et nomme ses onze compagnons.
Aussitôt que la flamme bénie
eut prononcé la dernière parole
la sainte meule commença à tourner;1•3
et elle n’avait pas fini son tour
qu’une autre l’enveloppa de son cercle
s’accordant rythme à rythme et chant à chant;•6
le chant de ces douces voix2 l’emporte
sur celui de nos muses et de nos sirènes
comme l’éclat premier sur son reflet.•9
Comme s’arrondissent dans de légères nuées
deux arcs parallèles et de mêmes couleurs,
quand Junon à sa servante commanda,•12
celui de l’extérieur naissant de celui de l’intérieur,
à la manière du parler de cette errante
que l’amour consuma comme le soleil la brume,3•15
faisant qu’ici-bas les gens présagent,
du pacte que Dieu posa avec Noé,4
que plus jamais le monde ne sera submergé:•18
ainsi les deux guirlandes de ces roses
éternelles tournaient autour de nous
et ainsi la plus lointaine répondit à la plus proche.•21
Puis quand la danse et l’autre grande fête
—du chant et du flamboiement
des gaies lumières entre elles affectueuses—,•24
d’une commune volonté s’apaisèrent,5
comme les yeux au plaisir qu’ils goûtent
ensemble s’abaissent et se lèvent;•27
du cœur de l’une des lumières nouvelles
parvint une voix ; elle me fit, telle l’aiguille
vers l’étoile, me tourner vers elle;•30
et elle commença : « L’amour qui me fait belle
m’entraîne à parler de l’autre duc
par celle qui t’a parlé si bien du mien.6•33
Il est juste que, où est l’un, l’autre soit présenté :
pour que, comme ils ont combattu ensemble,
leur gloire resplendisse de même.•36
L’armée du Christ, qu’il coûta
si cher à réarmer, derrière son enseigne
s’avançait lente, soupçonneuse et clairsemée,7•39
quand l’empereur qui toujours règne
pourvut la troupe, qui était en péril,
par sa seule grâce, non qu’elle en fut digne;8•42
et, comme il a été dit, il secourut son épouse
avec deux champions, dont les actes et les paroles
firent se repentir le peuple dans l’erreur.9•45
Dans cette partie où Zéphyr se lève10.
pour ouvrir doucement les feuilles nouvelles
dont on voit Europe de nouveau se vêtir,•48
non loin de l’endroit où les vagues déferlent,
plus loin derrière, après sa longue course,
le soleil parfois se cache aux hommes,•51
se trouve la fortunée Calaruega
sous la protection du grand écu
où le lion domine et s’abrite:11•54
c’est là que naquit l’ardent amant
de la foi chrétienne, le saint lutteur
doux aux siens et dur à ses ennemis;12•57
et sitôt créé, son esprit
fut empli de si vives vertus, que, encore
dans le sein sa mère, il la fit prophète.13•60
Puis lorsque les fiançailles furent accomplies
sur les fonts baptismaux entre lui et la Foi,
ils se donnèrent un mutuel salut,14•63
la dame qui pour lui donna l’assentiment,
vit dans un songe le fruit merveilleux
qui devait sortir de lui et de ses héritiers;15•66
et pour qu’il fut de nom ce qu’il était,
du ciel vint l’esprit de le nommer
du possessif de celui qui est tout.16•69
Il fut dit Dominique ; et j’en parle
comme ce jardinier que le Christ
choisit pour l’aider dans son jardin.•72
Il se révéla familier et messager du Christ:
car le premier signe d’amour qu’il manifesta
fut pour le premier conseil que donna le Christ.17•75
Souvent, il fut trouvé à terre
par sa nourrice, silencieux et éveillé,
comme s’il disait : “Je suis venu pour cela”.18•78
Oh son père, vraiment Félix !
Oh sa mère, vraiment Jeanne,
si l’explication vaut ce qui est dit!19•81
Non pour ce monde, pour lequel aujourd’hui
on se fatigue derrière l’évêque d’Ostie20 et Thadée21
mais par amour de la vraie manne•84
en peu de temps il se fit grand docteur ;
tel qu’il se mit à surveiller la vigne
qui se flétrit rapidement, si le vigneron est mauvais.22•87
Et au siège qui auparavant fut doux
avec les pauvres pieux —non à lui,
mais à celui qui siège et qui déchoit—23•90
il demanda, non de distribuer deux ou trois pour six,
non le premier bénéfice vacant,
non decimas, quae sunt pauperum Dei,24•93
mais licence de combattre
contre le monde égaré, pour cette semence
dont vingt-quatre plantes t’entourent.25•96
Puis, avec doctrine et volonté réunies, avec l’autorité
conférée par le saint office apostolique il s’élance26
comme jaillit un torrent d’une haute source;•99
et dans son élan frappe les ronces
de l’hérésie, plus vivement là
où la résistance était plus forte.27•102
De lui naîtront ensuite plusieurs ruisseaux
où le jardin catholique se baigne,
faisant les arbrisseaux plus vifs.28•105
Et telle fut l’une des roues du char
avec lequel la Sainte Église se défendit
et gagna sur le champ de bataille sa guerre civile,•108
bien te devrait être manifeste
l’excellence de l’autre envers qui Thomas,
avant ma venue, fut si courtois.29•111
Mais le sillon qui fait la partie extérieure
de son orbe est à l’abandon,
si bien que la moisissure remplace le tartre.30•114
Sa famille, qui avançait droit
les pieds dans ses traces, a tant dévié,
que ceux de l’avant et ceux de l’arrière se heurtent;•117
et bientôt on verra la récolte
de la mauvaise culture, quand l’ivraie
se plaindra de voir le coffre lui être fermé.31•120
Je dis bien qu’en cherchant feuille à feuille
dans notre volume, on trouverait encore un feuillet
où on pourrait lire “Je suis celui qui était”;32•123
mais ni de Casale33 da Casale ni d’Acquasparta34
ne viendrait un tel lecteur de la règle,
car l’un la fuit et l’autre la durcit.•126
Je suis l’âme de Bonaventure35
de Bagnoregio, qui dans ses importantes charges
écarta toujours les soins terrestres.36•129
Illuminato37 et Augustin38 sont ici,
qui, parmi les premiers pauvres déchaussés,
devinrent, dans le cordon, amis avec Dieu.•132
Hugues de Saint-Victor39 est ici avec eux,
et Pierre le Mangeur40 et Pietro Ispano
qui brille dans le monde avec douze livres;41•135
Nathan prophète42 et le métropolite
Chrysostome43 et Anselme44 et ce Donato
qui au premier art jugea digne de mettre la main.45•138
Rabano est ici,46 et à côté brille
l’abbé calabrais Gioacchino
doué d’un esprit prophétique.47•141
À louer un tel paladin
me mut l’ardente courtoisie
de frère Thomas et son clair parler ;
et avec moi elle mut cette compagnie.»•145
Cielo quarto • Cielo del Sole • Apparizione di una seconda corona di spiriti • Elogio di San Domenico fatto da San Bonaventura • Rimproveri agli indegni francescani • San Bonventura presenta e nomina i suoi compagni.
Sì tosto come l’ultima parola
la benedetta fiamma per dir tolse,
a rotar cominciò la santa mola;•3
e nel suo giro tutta non si volse
prima ch’un’altra di cerchio la chiuse,
e moto a moto e canto a canto colse;•6
canto che tanto vince nostre muse,
nostre serene in quelle dolci tube,
quanto primo splendor quel ch’e’ refuse.•9
Come si volgon per tenera nube
due archi paralelli e concolori,
quando Iunone a sua ancella iube,•12
nascendo di quel d’entro quel di fori,
a guisa del parlar di quella vaga
ch’amor consunse come sol vapori,•15
e fanno qui la gente esser presaga,
per lo patto che Dio con Noè puose,
del mondo che già mai più non s’allaga:•18
così di quelle sempiterne rose
volgiensi circa noi le due ghirlande,
e sì l’estrema a l’intima rispuose.•21
Poi che ’l tripudio e l’altra festa grande,
sì del cantare e sì del fiammeggiarsi
luce con luce gaudïose e blande,•24
insieme a punto e a voler quetarsi,
pur come li occhi ch’al piacer che i move
conviene insieme chiudere e levarsi;•27
del cor de l’una de le luci nove
si mosse voce, che l’ago a la stella
parer mi fece in volgermi al suo dove;•30
e cominciò : « L’amor che mi fa bella
mi tragge a ragionar de l’altro duca
per cui del mio sì ben ci si favella.•33
Degno è che, dov’ è l’un, l’altro s’induca :
sì che, com’ elli ad una militaro,
così la gloria loro insieme luca.•36
L’essercito di Cristo, che sì caro
costò a rïarmar, dietro a la ’nsegna
si movea tardo, sospeccioso e raro,•39
quando lo ’mperador che sempre regna
provide a la milizia, ch’era in forse,
per sola grazia, non per esser degna;•42
e, come è detto, a sua sposa soccorse
con due campioni, al cui fare, al cui dire
lo popol disvïato si raccorse.•45
In quella parte ove surge ad aprire
Zefiro dolce le novelle fronde
di che si vede Europa rivestire,•48
non molto lungi al percuoter de l’onde
dietro a le quali, per la lunga foga,
lo sol talvolta ad ogne uom si nasconde,•51
siede la fortunata Calaroga
sotto la protezion del grande scudo
in che soggiace il leone e soggioga:•54
dentro vi nacque l’amoroso drudo
de la fede cristiana, il santo atleta
benigno a’ suoi e a’ nemici crudo;•57
e come fu creata, fu repleta
sì la sua mente di viva vertute,
che, ne la madre, lei fece profeta.•60
Poi che le sponsalizie fuor compiute
al sacro fonte intra lui e la Fede,
u’ si dotar di mutüa salute,•63
la donna che per lui l’assenso diede,
vide nel sonno il mirabile frutto
ch’uscir dovea di lui e de le rede;•66
e perché fosse qual era in costrutto,
quinci si mosse spirito a nomarlo
del possessivo di cui era tutto.•69
Domenico fu detto ; e io ne parlo
sì come de l’agricola che Cristo
elesse a l’orto suo per aiutarlo.•72
Ben parve messo e famigliar di Cristo :
ché ’l primo amor che ’n lui fu manifesto,
fu al primo consiglio che diè Cristo.•75
Spesse fïate fu tacito e desto
trovato in terra da la sua nutrice,
come dicesse : “Io son venuto a questo”.•78
Oh padre suo veramente Felice !
oh madre sua veramente Giovanna,
se, interpretata, val come si dice!•81
Non per lo mondo, per cui mo s’affanna
di retro ad Ostïense e a Taddeo,
ma per amor de la verace manna•84
in picciol tempo gran dottor si feo ;
tal che si mise a circüir la vigna
che tosto imbianca, se ’l vignaio è reo.•87
E a la sedia che fu già benigna
più a’ poveri giusti, non per lei,
ma per colui che siede, che traligna,•90
non dispensare o due o tre per sei,
non la fortuna di prima vacante,
non decimas, quae sunt pauperum Dei,•93
addimandò, ma contro al mondo errante
licenza di combatter per lo seme
del qual ti fascian ventiquattro piante.•96
Poi, con dottrina e con volere insieme,
con l’officio appostolico si mosse
quasi torrente ch’alta vena preme;•99
e ne li sterpi eretici percosse
l’impeto suo, più vivamente quivi
dove le resistenze eran più grosse.•102
Di lui si fecer poi diversi rivi
onde l’orto catolico si riga,
sì che i suoi arbuscelli stan più vivi.•105
Se tal fu l’una rota de la biga
in che la Santa Chiesa si difese
e vinse in campo la sua civil briga,•108
ben ti dovrebbe assai esser palese
l’eccellenza de l’altra, di cui Tomma
dinanzi al mio venir fu sì cortese.•111
Ma l’orbita che fé la parte somma
di sua circunferenza, è derelitta,
sì ch’è la muffa dov’ era la gromma.•114
La sua famiglia, che si mosse dritta
coi piedi a le sue orme, è tanto volta,
che quel dinanzi a quel di retro gitta;•117
e tosto si vedrà de la ricolta
de la mala coltura, quando il loglio
si lagnerà che l’arca li sia tolta.•120
Ben dico, chi cercasse a foglio a foglio
nostro volume, ancor troveria carta
u’ leggerebbe “I’ mi son quel ch’i’ soglio”;•123
ma non fia da Casal né d’Acquasparta,
là onde vegnon tali a la scrittura,
ch’uno la fugge e altro la coarta.•126
Io son la vita di Bonaventura
da Bagnoregio, che ne’ grandi offici
sempre pospuosi la sinistra cura.•129
Illuminato e Augustin son quici,
che fuor de’ primi scalzi poverelli
che nel capestro a Dio si fero amici.•132
Ugo da San Vittore è qui con elli,
e Pietro Mangiadore e Pietro Spano,
lo qual giù luce in dodici libelli;•135
Natàn profeta e ’l metropolitano
Crisostomo e Anselmo e quel Donato
ch’a la prim’ arte degnò porre mano.•138
Rabano è qui, e lucemi dallato
il calavrese abate Giovacchino
di spirito profetico dotato.•141
Ad inveggiar cotanto paladino
mi mosse l’infiammata cortesia
di fra Tommaso e ’l discreto latino ;
e mosse meco questa compagnia ».•145