Arbalète

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L’arbalète telle que la décrit Dante dans La Divine Comédie est —pour son époque— une arme relativement récente. Marco Scardigli indique qu’elle a sans doute été utilisée d’abord sur les bateaux «où les questions de transport et poids importaient peu, alors que la puissance et la précision de tir étaient essentielles pour frapper d’un bateau à l’autre». Conséquence inattendue, «les habitants des bords de mer devinrent d’excellents arbalétriers; pour donner un exemple, les tireurs génois furent des mercenaires longtemps demandés dans toute l’Europe.»

Assez rapidement, au début du XIIe siècle, l’arme s’imposera sur terre également, car elle permettait à des soldats peu formés de devenir d’efficaces combattants en raison de la précision et de la force du carreau ainsi que de la distance qu’il pouvait atteindre. Elle permettait de rééquilibrer les forces entre les fantassins et les cavaliers —souvent des nobles— lourdement armés.

L’interdit de l’Église

Ce déséquilibre (un carreau pouvait percer une armure) conduisit les nobles à faire pression sur l’Église pour obtenir l’interdiction de cette arme. Elle y prêtera une oreille attentive et l’interdira lors du IIe Concile du Latran en avril 1139. L’interdiction sera confirmée ultérieurement par le pape Innocent II, l’année de sa mort, en 1143. Mais cet interdit —valable pour les seuls combats entre chrétiens— ne sera que peu appliqué et rapidement les arbalétriers deviendront partie intégrante des armées communales et cela modifiera profondément « l’art de la guerre » dans le Nord de l’Italie à partir des XIIe et XIIIe siècles. 

En effet, explique Marco Scardigli, alors qu’au temps de l’Empereur Barberousse (1122-1190) de petits groupes de vingt ou trente cavaliers attaquaient les lignes adverses pur se replier immédiatement, au siècle suivant, «la formation principale devint la ligne qui avançait de manière rectiligne (…) suivie tout au plus d’une deuxième ou au maximum d’une troisième ligne.» Du caviar, pour les arbalétriers du camp d’en face, qui n’avaient qu’à ajuster leurs cibles.

La noix de l’arbalète: un mécanisme simple

Profitant de la qualité des artisans urbains, l’arme elle-même sera constamment améliorée, mais elle souffrira toujours de deux défauts: la lenteur de son rechargement (selon les modèles entre 30 secondes et 3 minutes) et son inutilité dans les combats rapprochés. 

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Fonctionnement d’une « noix » d’arbalète: 1/ Noix; 2/ Corde; 3/ Carreau; 4/ Gâchette Auteur:Christophe Dang Ngoc Chan – CC-A-SA 3.0

Techniquement, une arbalète est un arc, la seule différence étant que la tension de la corde est assurée par une pièce rigide, l’arbrier. Le mécanisme qui permet de libérer le carreau, appelé la “noix” (voir dessin ci-contre), est relativement simple et robuste. C’est à lui que fait allusion Dante au vers 24 du Chant II du Paradis, lorsqu’il écrit: «e forse in tanto in quanto un quadrel posa / e vola e da la noce si dischiava,» (“et peut-être aussi vite qu’un carreau s’arrête, / vole et se détache de (la noix) l’arbalète.”)

L’intérêt est multiple. L’arbalétrier, une fois la corde tendue n’a plus d’effort à fournir et peut donc se concentrer sur sa cible. Une différence essentielle avec l’archer qui lui est obligé de viser et de tendre son arc simultanément, ce qui oblige à une grande habileté. Autre avantage, l’arbalète permet le tir en position couchée, donc en théorie mieux abritée des coups de l’adversaire. Enfin la portée et la puissance du « carreau » permet d’atteindre des cibles plus lointaines.

  • Sources: Dictionnaire des papes, J. N. D. Kelly, Brepols, 1994; Wikipedia; Les citations sont tirées de Le Battaglie dei Cavalieri, Marco Scardigli, Mondadori, Milan, 2012, pp. 347-348.