Benoît de Nursie – Benedetto da Norcia

Saint_Benoit_Extase

Saint Benoît, fondateur de l’ordre des Bénédictins, est aussi considéré comme “le père des moines d’Occident”. La réalité de sa vie est mal connue, les deux seules sources dont nous disposons à son propos sont d’une part Les Dialogues de Grégoire Ier le Grand, rédigés en 593-594, soit une trentaine d’années après la mort de Benoît survenue en 547 (ou 560), et d’autre part la « règle » monastique dont il serait l’auteur.

Selon saint Grégoire, Benoît est né dans une famille de noblesse romaine à Nursie (aujourd’hui Norcia) dans l’Est de l’Ombrie vers 480. Envoyé dans sa jeunesse à Rome pour y suivre des études, il est horrifié par le comportement de ses compagnons. À l’âge de quatorze ans, il fuit la ville et part vivre en ermite. Il veut dans la solitude apprendre la «docte ignorance». 

D’abord une vie d’ermite

Après un séjour dans les environs de Palestrina, il s’établit dans une grotte, baptisée plus tard la Santo Speco. Benoît est complètement isolé, au milieu des montagnes qui surplombent la vallée de l’Aniene non loin de Subiaco. Après trois ans d’isolement, il va rejoindre une communauté monastique à Vicoravo. Les moines l’élisent comme leur abbé. Que s’est-il alors passé? Il semblerait que les moines aient tenté de l’empoisonner. Quoiqu’il en soit, il quitte ce monastère et retourne à la vie érémétique.

Cela dure peu. Sa renommée ne cesse de croître et nombre d’ermites veulent suivre son mode de vie. Il décide de fonder à Subiaco douze monastères, lui-même se chargeant dans une treizième maison de former les jeunes oblats. Parmi ces disciples deux deviendront célèbres: Maur et Placide.

On ignore également pour quelles raisons Benoît entra en conflit avec un prêtre de la région, Florent (Florentius). Celui-ci aurait aussi cherché à l’empoisonner.

Le temps des miracles

Tous ces épisodes de la vie de Benoît ont une part de réalité, mais ont aussi une dimension légendaire. Par exemple, Grégoire dans ses Dialogues rapportent plusieurs miracles comme celui du sauvetage de Placide. Alors qu’il était enfant, ce dernier tomba dans un lac. Benoît ordonna à Maur de courir pour le sauver, ce qui fit Maur: il courut sans toucher l’eau du lac et sauva Placide!

Autres miracles, ceux grâce auxquels il a déjoué les tentatives d’assassinat: à Vicoravo, il fit un signe de croix et le verre de vin empoisonné qu’il devait boire se brisa. À Subiaco, c’est un corbeau qui emporta au loin le pain empoisonné.

Après ce dernier épisode, Benoît part s’établir au Mont Cassin, sur les ruines d’un ancien temple d’Apollon. C’est là qu’une nuit il eut une « vision » miraculeuse au cours de laquelle il vit «le monde entier, comme ramassé dans un rayon de Soleil», et qui inspira sans doute les vers 128 et 129 du Chant XXII du Paradis (voir plus de détails ici).

Benoît restera dans l’abbaye du mont Cassin jusqu’à sa mort, un samedi le 21 mars 543 comme il est dit dans Les Dialogues. C’est là qu’il composera sa fameuse « règle”, qui est aussi le reflet de sa vie, comme l’explique Grégoire le Grand:

Il a écrit pour les religieux une règle d’une éminente sagesse et d’une lucidité parfaite. Voulez-vous connaître plus à fond le caractère et la vie de ce saint homme, vous trouverez dans les constitutions de cette règle toutes les actions de cet illustre maître, car il n’a pas pu nous léguer des enseignements en opposition avec sa vie.1

Une règle d’humilité et d’obéissance

Que dit cette règle composée de 73 courts chapitres, qui s’ouvre par la célèbre phrase «Écoute, ô mon fils, les préceptes du Maître, et prête l’oreille de ton cœur»? 

Elle s’adresse principalement, aux « cénobites », «qui militent dans un monastère sous une règle et un abbé», et non aux ermites. Elle porte sur l’organisation de la vie en communauté et en particulier sur le rôle de l’abbé qui est le pivot et l’âme de cette communauté.

On apprend dans cette règle comment il est possible d’atteindre la sainteté. Rien d’héroïque, il suffit de respecter l’obéissance car «le premier degré de l’humilité est l’obéissance sans délai», de respecter le silence car «s’il revient au maître de parler et d’instruire, il convient au disciple de se taire et d’écouter» et de rechercher l’humilité.

Tout lecteur de La Divine Comédie sera frappé par le fait que dans le Chant XXII du Paradis Benoît parle à Dante au pied de l’Échelle de Jacob. Or, à propos de l’humilité la règle dit ceci, qui mérite d’être cité en longueur:

si nous voulons atteindre le sommet suprême de l’humilité et si nous voulons parvenir rapidement à cette hauteur céleste où l’on monte par l’humilité de la vie présente, il nous faut dresser et gravir par nos actes cette échelle qui apparut en songe à Jacob, où il vit des anges descendre et monter. Sans nul doute, cette descente et cette montée ne signifient rien d’autre pour nous, sinon qu’on descend par l’élèvement et qu’on monte par l’humilité. Or cette échelle dressée, c’est notre vie en ce monde que le Seigneur dresse vers le ciel quand notre cœur s’humilie. Car à notre avis les montants de cette échelle sont notre corps et notre âme.

Un autoportrait de Benoît

La règle définit également un mode de vie, de manière relativement détaillée. Cela va du silence qu’il faut «cultiver, surtout aux heures de la  nuit», aux psaumes qu’il faut réciter.

Les moines doivent dormir habillés pour être prêts «à se lever sans retard» dans des dortoirs. Ils ne doivent rien posséder —«c’est surtout ce vice-là qu’il faut radicalement extirper»— et tous les biens doivent être communs, «comme le dit l’Écriture, afin que nul ne dise ou ne prétende qu’une chose est à lui.».

La nourriture —frugale— est aussi détaillée. Contrairement aux ermites, les moines ont la possibilité de boire du vin mais seulement «une hémine par jour», soit environ un quart de litre. Quant au travail il n’est pas oublié, puisque «l’oisiveté est l’ennemie de l’âme». Le travail doit s’entendre à la fois comme «manuel», mais aussi intellectuel, les moines devant aussi s’adonner «à la lecture des choses divines». 

De la lecture de cette règle, il en ressort effectivement un portrait en creux du moine qu’était Benoît: humble, aimant vivre, penser et travailler en collectivité, s’organisant pour éviter les conflits mais ne les fuyant pas s’ils surviennent (plusieurs chapitres de la règle sont consacrés à cette seule question). Bref, quelqu’un de rigoureusement organisé pour être au seul service de Dieu.