Priscien – Priscian

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  • L’Enfer, Chant XV, v. 109
  • Illustration: Lucas della Robia, Priscien ou la grammaire, (1437-1439). Panneau en marbre provenant de la façade nord, registre inférieur, du campanile de Florence.

Priscien (Priscianus Caesarienais) est un célèbre grammairien latin né au début du VIe siècle à Césarée en Cappadoce (dans l’actuelle Turquie). Il vécut à Constantinople où il enseigna la grammaire latine.

Il est connu pour son traité de grammaire latine Institutiones Grammaticae, qui constitua durant tout le Moyen Âge, et même au-delà, le fondement de l’enseignement du latin. Près d’un millier de manuscrits nous reste de cette œuvre montrant ainsi son immense popularité à cette époque.

Les seize premiers livres sont connus sous le nom de Priscianus major, les deux derniers sont appelés Priscinaus minor et contiennent trois traités mineurs. Il a aussi écrit deux poèmes, un court panégyrique, De laude Anastasii imperatoris, et une œuvre longue de onze cents hexamètres, la Periegeris.

Priscien, un inconnu célèbre

Voilà tout ce que l’on sait de Priscien. Cela suffit-il à le plonger dans le troisième giron du septième cercle parmi les Sodomites, comme le fait Dante dans la Divine Comédie? Disposait-il de sources qui depuis se sont perdues ?

D’anciens commentateurs comme Boccace ou l’Anonimo Fiorentino ont avancé que Priscien, comme tous les enseignants bénéficiant d’un certain prestige auprès de leurs élèves, avait tendance à en abuser; Voici ce qu’écrit l’Anonimo:

Bien que Priscien n’ait pas péché dans ce vice (la sodomie – Ndr), il semble que l’Auteur place Priscien ici parmi les professeurs qui enseignent la grammaire. Ils paraissent généralement être entachés par ce vice, peut-être par la commodité auprès des jeunes auxquels ils enseignent.

L’argument est ténu. Une autre hypothèse tient —entre autres— à un écrit de Uguccione da Pisa, un grammairien qui vécut au début du XIIIe siècle et auquel Dante put avoir accès. Uguccione évoque la thèse selon laquelle Priscien aurait été un prêtre défroqué par amour:

Prisciano, un prêtre, avait apostasié suite à « l’amour Iuliani », c’est-à-dire par amour charnel pour Julien. La personne de l’empereur était confondue par homonymie avec le consul et patricien auquel le grammairien adressait son ouvrage.

La thèse de l’apostasie littéraire

La messe n’était pas dite pour autant. André Pézard réfutait cette thèse, qui aurait vu nous dit-il «Priscien lui-même, d’abord chrétien, aurait renié Dieu pour faire sa cour au prince et rendre son nom célèbre».1

Il préfère suivre une autre piste —celle de l’apostasie littéraire— après une lecture minutieuse de l’œuvre de Priscien. Ses torts seraient d’admettre

sans discussion la supériorité des vieux rhéteurs et grammairiens grecs sur les premiers rhéteurs et grammairiens de sa nation. (…) Priscien n’imagine comme remède à cette prétendue décadence du latin que l’intrusion des règles et tournures grecques: ainsi il fait violence au génie de son idiome, sous prétexte que l’idiome voisin est plus beau et plus riche. S’il est licite et méritoire de perfectionner sa propre langue, encore faut-il en avoir pénétré la nature, et en respecter l’harmonie intime.2

Le blasphème de Priscien peut donc se résumer en deux lignes:

Un Latin sans vergogne (Priscien — Ndr) prosterne la littérature latine devant la littérature grecque, et la jette même sous les pieds des grammairiens et rhéteurs grecs.3 

Une thèse hardie mais qui rejoint une démonstration d’ensemble pour expliquer pour quelles raisons, Brunetto Latini, Priscien et deux autres personnages, le juriste Francesco d’Accorso et l’homme d’Église Andrea de’ Mozzi se trouvent tous quatre «d’un même péché souillé.»

Ce “péché” ce serait donc celui de blasphème, envers la langue familière pour Brunetto Latini, F d’Accorsoi envers la philosophie et la théologie, c’est-à-dire la parole divine, Andrea de’ Mozzi pour sa recherche d’une fausse gloire et donc Priscien pour avoir trahi la langue latine.