L’Enfer – Chant XXVII
Guido de Montefeltro recevant du Conseil des Anciens de Forli l’ordre de combattre l’armée du pape Martin IV — Fresque de Pompeo Randi (détail), salle du Conseil de l’ex-Palais de la Province de Forli (1870) — Domaine public.
Huitième cercle • Huitième bolge • Conseillers perfides • Guido da Montefeltro • Situation politique de la Romagne en 1830 • Le rôle de Boniface VIII • Saint François et un diable logicien.
Déjà la flamme était droite et tranquille
de ne plus parler, et déjà de nous elle s’éloignait
avec la permission du doux poète,•3
lorsqu’une autre, qui venait derrière elle,
nous fit tourner le regard vers sa cime
car un son confus en sortait.•6
Comme le taureau de Sicile, qui mugit la première fois
par les cris de celui, et ce fut juste,
qui l’avait façonné de sa lime,•9
mugissait de la voix du supplicié
d’une façon telle que, bien que fait d’airain,
il semblait transpercé de douleur;•12
ainsi, pour n’avoir, d’abord, ni passage
ni ouverture dans le feu, en son langage
se changeaient les paroles douloureuses.•15
Mais, lorsqu’elles purent monter
vers la pointe, frémissant de cette vibration
que leur avait données la langue lors de leur passage,•18
nous entendîmes : « Ô toi à qui ma voix
s’adresse et qui tantôt parlait lombard, disant :
“À présent va, je ne peux plus t’inciter à parler”,•21
bien que je vienne peut-être un peu tard,
qu’il ne te déplaise pas de t’attarder à parler avec moi ;
vois que cela ne me déplaît pas, et je brûle!•24
Si tu tombes à l’instant dans ce monde
aveugle venant de cette douce terre
latine d’où j’ai rapporté toute ma faute,•27
dis-moi si les Romagnols ont la paix ou la guerre ;
car je fus dans ces monts entre Urbino
et la crête d’où s’échappe le Tibre.»•30
J’étais encore incliné et attentif,
lorsque mon guide me toucha au côté,
disant : « Parle, toi ; celui-ci est latin.»•33
Et moi, qui tenais déjà la réponse prête,
sans retard je commençai à parler :
« Ô âme qui, là, dessous est cachée,•36
ta Romagne n’est, et ne fut jamais,
sans guerre dans le cœur de ses tyrans ;
mais d’ouverte aucune je n’ai laissée.•39
Ravenne est comme elle est depuis tant d’années ;
l’aigle de Polenta la couve,
recouvrant Cervia de ses ailes.•42
La terre qui soutint autrefois la longue épreuve
et des Français fit un amas sanglant,
se trouve toujours sous les griffes vertes;•45
et le vieux mâtin et le nouveau de Verrucchio,
qui firent à Montagna mauvais gouvernement,
là où tu sais leurs crocs déchirent encore.•48
La ville de Lamone et celle de Santerno
sont régies par le lionceau au nid blanc,
qui change de parti de l’été à l’hiver.•51
Et celle dont le Savio baigne le flanc,
comme elle est située entre la plaine et la montagne,
elle vit entre la tyrannie et la liberté.•54
Maintenant qui es-tu, je te prie de nous dire ;
ne sois pas plus dur que d’autres ont été,
afin que ton nom se conserve dans le monde.»•57
Après que le feu ait rugi quelque temps,
à sa manière, sa pointe aiguë s’agita
de-ci, de-là, et puis souffla ainsi:•60
« Si je croyais que ma réponse allât
à quelqu’un qui retourne jamais dans le monde,
cette flamme cesserait de se mouvoir;•63
mais puisque jamais de cette fosse
personne ne retourna vivant, si j’entends le vrai,
sans crainte d’infamie je te réponds.•66
Je fus homme d’armes, et puis je fus cordelier,
croyant, me ceignant ainsi, faire pénitence ;
et certes ma croyance était fondée,•69
n’eût été le grand prêtre, mal lui en prenne !,
qui me replongea dans mes premières fautes ;
et comment et pourquoi, je veux que tu m’entendes.•72
Tant que je fus formé des os et de la chair
que ma mère me donna, mes actes
ne furent pas ceux d’un lion, mais d’un renard.•75
Les ruses et les voies cachées,
je les sus toutes, et j’en pratiquais tant l’art,
que le bruit en parvint jusqu’au bout de la terre.•78
Quand j’arrivais à ce point
de mon âge où chacun devrait
carguer les voiles et rouler les cordages,•81
ce qui auparavant me plaisait, alors me déplut,
et repenti et confessé je me fis ; ah malheureux
que je suis ! Comme cela aurait été bénéfique.•84
Le prince des nouveaux Pharisiens,
faisait la guerre près du Latran,
et non contre les Sarrasins ou contre les Juifs,•87
car tous ses ennemis étaient chrétiens,
et aucun n’avait aidé à la prise d’Acre,
ou fait commerce dans la terre du Sultan,•90
ni au ministère suprême ni aux ordres sacrés
il n’eut d’égard, ni envers moi pour ce cordon
qui jadis amaigrissait ceux qui s’en ceignaient.•93
Mais comme Constantin appela Sylvestre
d’au dedans du Soratte pour guérir de la lèpre,
ainsi m’appela-t-il comme médecin,•96
pour guérir sa fièvre d’orgueil ;
il me demanda conseil, et je me tus
car ses paroles paraissait d’un homme ivre.•99
Et puis il redit : “Que ton cœur soit sans crainte ;
jusqu’à ce moment je t’absous, et toi enseigne-moi
comment jeter à bas Palestrina.•102
Je peux ouvrir et fermer le ciel,
comme tu sais ; car elles sont deux les clefs
dont mon prédécesseur n’a pas eu soin.”•105
Alors ces graves arguments me poussèrent
et pensant que le pire serait de me taire,
je dis : “Père, puisque tu me laves•108
de ce péché où je dois maintenant tomber,
longue promesse avec court effet
te fera triompher en ton haut siège.”•111
François vint ensuite, quand je fus mort,
me prendre ; mais un ange noir
lui dit : “Ne l’enlève pas, ne me fais pas tort.•114
Il doit venir en bas parmi mes esclaves
parce qu’il donna le conseil frauduleux,
et depuis je suis à ses trousses;•117
car ne peut être absous qui ne se repent,
ni repentir et vouloir ne se peuvent ensemble,
cette contradiction n’est pas consentie.”•120
Oh pauvre de moi ! comme je sursautai
lorsqu’il me prit, disant : “Peut-être,
ne pensais-tu pas que j’étais logicien!”•123
Il me porta devant Minos ; et celui-ci enroula
huit fois sa queue autour de son dos dur ;
et puis après se l’être mordue de rage,•126
dit : “Celui-ci est de ceux que le feu dérobe”;
c’est pourquoi là où tu me vois je suis perdu,
et ainsi vêtu, je vais, souffrant.»•129
Lorsqu’elle eut ainsi achevé son dire,
la flamme s’en alla gémissante,
tordant et agitant sa pointe aiguë.•132
Nous passâmes au-delà, et moi et mon guide,
par-dessus le rocher jusqu’à l’autre arche,
qui couvre la fosse où payent leur dette
ceux qui semant la discorde chargent leur âme.•136
Cerchio ottavo • Bolgia ottava • Consiglieri fraudolenti • Guido da Montefeltro • Situazione politica della Romagna nel 1300 • Il ruolo di Bonifacio VIII • San Francisco e un diavolo logico.
Già era dritta in sù la fiamma e queta
per non dir più, e già da noi sen gia
con la licenza del dolce poeta,•3
quand’ un’altra, che dietro a lei venìa,
ne fece volger li occhi a la sua cima
per un confuso suon che fuor n’uscia.•6
Come ’l bue cicilian che mugghiò prima
col pianto di colui, e ciò fu dritto,
che l’avea temperato con sua lima,•9
mugghiava con la voce de l’afflitto,
sì che, con tutto che fosse di rame,
pur el pareva dal dolor trafitto;•12
così, per non aver via né forame
dal principio nel foco, in suo linguaggio
si convertïan le parole grame.•15
Ma poscia ch’ebber colto lor vïaggio
su per la punta, dandole quel guizzo
che dato avea la lingua in lor passaggio,•18
udimmo dire : « O tu a cu’ io drizzo
la voce e che parlavi mo lombardo,
dicendo “Istra ten va, più non t’adizzo”,•21
perch’ io sia giunto forse alquanto tardo,
non t’incresca restare a parlar meco ;
vedi che non incresce a me, e ardo!•24
Se tu pur mo in questo mondo cieco
caduto se’ di quella dolce terra
latina ond’ io mia colpa tutta reco,•27
dimmi se Romagnuoli han pace o guerra ;
ch’io fui d’i monti là intra Orbino
e ’l giogo di che Tever si diserra».•30
Io era in giuso ancora attento e chino,
quando il mio duca mi tentò di costa,
dicendo : « Parla tu ; questi è latino».•33
E io, ch’avea già pronta la risposta,
sanza indugio a parlare incominciai :
« O anima che se’ là giù nascosta,•36
Romagna tua non è, e non fu mai,
sanza guerra ne’ cuor de’ suoi tiranni ;
ma ’n palese nessuna or vi lasciai.•39
Ravenna sta come stata è molt’ anni :
l’aguglia da Polenta la si cova,
sì che Cervia ricuopre co’ suoi vanni.•42
La terra che fé già la lunga prova
e di Franceschi sanguinoso mucchio,
sotto le branche verdi si ritrova.•45
E ’l mastin vecchio e ’l nuovo da Verrucchio,
che fecer di Montagna il mal governo,
là dove soglion fan d’i denti succhio.•48
Le città di Lamone e di Santerno
conduce il lïoncel dal nido bianco,
che muta parte da la state al verno.•51
E quella cu’ il Savio bagna il fianco,
così com’ ella sie’ tra ’l piano e ’l monte,
tra tirannia si vive e stato franco.•54
Ora chi se’, ti priego che ne conte ;
non esser duro più ch’altri sia stato,
se ’l nome tuo nel mondo tegna fronte».•57
Poscia che ’l foco alquanto ebbe rugghiato
al modo suo, l’aguta punta mosse
di qua, di là, e poi diè cotal fiato:•60
« S’i’ credesse che mia risposta fosse
a persona che mai tornasse al mondo,
questa fiamma staria sanza più scosse;•63
ma però che già mai di questo fondo
non tornò vivo alcun, s’i’ odo il vero,
sanza tema d’infamia ti rispondo.•66
Io fui uom d’arme, e poi fui cordigliero,
credendomi, sì cinto, fare ammenda ;
e certo il creder mio venìa intero,•69
se non fosse il gran prete, a cui mal prenda !,
che mi rimise ne le prime colpe ;
e come e quare, voglio che m’intenda.•72
Mentre ch’io forma fui d’ossa e di polpe
che la madre mi diè, l’opere mie
non furon leonine, ma di volpe.•75
Li accorgimenti e le coperte vie
io seppi tutte, e sì menai lor arte,
ch’al fine de la terra il suono uscie.•78
Quando mi vidi giunto in quella parte
di mia etade ove ciascun dovrebbe
calar le vele e raccoglier le sarte,•81
ciò che pria mi piacëa, allor m’increbbe,
e pentuto e confesso mi rendei ;
ahi miser lasso ! e giovato sarebbe.•84
Lo principe d’i novi Farisei,
avendo guerra presso a Laterano,
e non con Saracin né con Giudei,•87
ché ciascun suo nimico era Cristiano,
e nessun era stato a vincer Acri
né mercatante in terra di Soldano,•90
né sommo officio né ordini sacri
guardò in sé, né in me quel capestro
che solea fare i suoi cinti più macri.•93
Ma come Costantin chiese Silvestro
d’entro Siratti a guerir de la lebbre,
così mi chiese questi per maestro•96
a guerir de la sua superba febbre ;
domandommi consiglio, e io tacetti
perché le sue parole parver ebbre.•99
E’ poi ridisse : “Tuo cuor non sospetti ;
finor t’assolvo, e tu m’insegna fare
sì come Penestrino in terra getti.•102
Lo ciel poss’ io serrare e diserrare,
come tu sai ; però son due le chiavi
che ’l mio antecessor non ebbe care”.•105
Allor mi pinser li argomenti gravi
là ’ve ’l tacer mi fu avviso ’l peggio,
e dissi : “Padre, da che tu mi lavi•108
di quel peccato ov’ io mo cader deggio,
lunga promessa con l’attender corto
ti farà trïunfar ne l’alto seggio”.•111
Francesco venne poi, com’ io fu’ morto,
per me ; ma un d’i neri cherubini
li disse : “Non portar : non mi far torto.•114
Venir se ne dee giù tra ’ miei meschini
perché diede ’l consiglio frodolente,
dal quale in qua stato li sono a’ crini;•117
ch’assolver non si può chi non si pente,
né pentere e volere insieme puossi
per la contradizion che nol consente”.•120
Oh me dolente ! come mi riscossi
quando mi prese dicendomi : “Forse
tu non pensavi ch’io löico fossi!”.•123
A Minòs mi portò ; e quelli attorse
otto volte la coda al dosso duro ;
e poi che per gran rabbia la si morse,•126
disse : “Questi è d’i rei del foco furo” ;
per ch’io là dove vedi son perduto,
e sì vestito, andando, mi rancuro».•129
Quand’ elli ebbe ’l suo dir così compiuto,
la fiamma dolorando si partio,
torcendo e dibattendo ’l corno aguto.•132
Noi passamm’ oltre, e io e ’l duca mio,
su per lo scoglio infino in su l’altr’ arco
che cuopre ’l fosso in che si paga il fio
a quei che scommettendo acquistan carco.•136