Le Paradis – Chant XVII

Dante_exil_Frederic_Leighton
Dante en exil, par Frederic Leighton (vers 1864) – Domaine public.
Cinquième ciel • Ciel de Mars • Craintes de Dante et réconfort de Béatrice • Cacciaguida prédit à Dante son exil • Peines et réconforts • Il faut dire la vérité et il faudra tout dire.

Comme vint à Clymène, pour s’assurer

de ce qu’il avait entendu contre lui,

celui qui a fait les pères durs avec les fils;1•3

j’étais tel, et tel j’étais compris

par Béatrice et par la sainte lumière

qui, pour moi, avait changé de place.2•6

Aussi ma dame me dit : « Manifeste

la flamme de ton désir, afin qu’elle sorte

bien marquée de ton empreinte intérieure:•9

non pour que notre connaissance s’accroisse

de ton dire, mais pour que tu t’habitues

à dire ta soif, et qu’ainsi elle soit étanchée.»3•12

« Ô chère souche de ma lignée qui s’élève tant4

que, comme les esprits sur terre voient

que deux angles obtus ne peuvent tenir dans un triangle,5•15

tu vois les choses contingentes6

avant qu’elles ne surviennent, regardant le point

où tous les temps sont présents;7   •18

tandis que j’étais en compagnie de Virgile

sur le mont qui soigne les âmes

et descendant dans le monde des morts,•21

on me dit sur ma vie future

de pesantes paroles, au point que je me sentais

un tétragone face aux coups du destin;8•24

pour cela mon désir serait satisfait

d’entendre quelle fortune m’attend ;

afin que la flèche prévue vienne plus lentement.»9•27

Je dis ainsi à cette lumière

qui m’avait parlée auparavant ; et comme le voulait

Béatrice, mon désir fut confessé.•30

Non par charabia, en lequel la gent insensée

s’engluait jadis, avant que soit sacrifié

l’Agneau de Dieu qui ôte les péchés,10•33

mais par de claires paroles et un latin

précis cet amour paternel répondit,11

enveloppé et éclatant en son propre sourire:•36

« La contingence, qui ne dépasse pas

les limites de votre monde matériel,

est toute peinte dans la présence éternelle;•39

mais ici elle ne prend aucun caractère de nécessité

non plus que, dans les yeux où il se reflète

un navire qui descend le courant.12•42

De là, comme viendrait à l’oreille

la douce harmonie d’un orgue, vient

à ma vue le temps qui se prépare pour toi.13•45

Tel Hyppolyte partit d’Athènes

à cause de la cruelle et perfide marâtre

tel de Florence il te faudra partir.14•48

Cela se veut et cela déjà se cherche

et bientôt sera fait par ceux qui le pensent

là où du Christ tous les jours il est fait commerce.15•51

La clameur fera retomber la faute

sur la partie offensée, comme d’habitude;16

mais la vengeance attestera du vrai.17•54

Tu laisseras tout ce que tu aimes

le plus tendrement ; c’est la flèche

que l’arc de l’exil lance en premier.18•57

Tu sauras comme a saveur de sel 

le pain d’autrui, et comme est dur chemin

la descente et la montée des escaliers d’autrui.19•60

Et ce qui pèsera le plus sur tes épaules,

sera la compagnie mauvaise et stupide

avec laquelle tu tomberas dans cette vallée;•63

toute ingrate, insensée et cruelle

elle se mettra contre toi ; mais, peu après

elle aura, non toi, la tempe rougie.20•66

De sa bestialité sa conduite

fera la preuve ; et il sera beau pour toi

d’avoir fait un parti à toi seul.21•69

Ton premier refuge et premier accueil

sera la courtoisie du grand Lombard

qui sur l’échelle porte le saint oiseau;22•72  

pour toi il aura si doux égards,

que du faire et de la demande, entre vous deux,

viendra en premier ce qui entre les autres tarde.•75

Avec lui tu verras celui qui fut tant

marqué, en naissant, par cette forte étoile,

que cela rendra ses actions fameuses.23•78

Les gens ne s’en étaient pas encore aperçus

en raison de sa jeunesse, car ces sphères

avaient tournées autour de lui seulement neuf ans;24•81

mais avant que le Gascon trompe le grand Henri,25

des éclats de sa vertu apparaîtront

sans qu’il n’ait souci d’argent et de peine.•84

Sa magnificence sera alors

connue, si bien que même ses ennemis

ne pourront tenir leur langue muette.26•87

Repose toi sur lui et sur ses bienfaits ;

par lui le sort de nombreuses gens sera transformé,

riches et pauvres changeant de condition;27•90

et d’ici tu emporteras dans ta mémoire des écrits

sur lui, que tu ne diras pas » ; et il dit des choses

qui seront incroyables pour ceux qui les verront.28•93

Puis il ajouta : «Mon fils, ceci sont les explications

de ce qu’on t’a prédit ; voilà les embûches

qui sont cachées derrière peu de tours du soleil.•96

Je ne veux pas toutefois que tu envies

tes concitoyens, car ta vie s’enfuture

au-delà du seul châtiment de leur perfidie.»29•99

Puis, se taisant, comme si cette âme sainte

avait achevé de mettre la trame

dans cette toile que j’avais ourdie,•102

je commençai, comme celui qui, doutant,

désire ardemment le conseil d’une personne

qui voit et veut avec droiture, et aime:•105

« Je vois bien, mon père, comme le temps

pique des éperons contre moi, pour me donner un coup

tel, qu’il est plus grave à qui est plus insouciant;•108

pour cela il est bon que de prévoyance je m’arme, 

afin que, si le lieu le plus cher m’est ôté,

je ne perde pas les autres par mes poèmes.30•111

En bas par le monde d’une infinie amertume,

et par le mont à la belle cime d’où

m’ont enlevé les yeux de ma dame,•114

et puis par le ciel, de lumière en lumière,

j’ai appris, et si je le redis,

cela aura pour beaucoup une saveur très amère.31•117

et si je suis du vrai un ami timide,

je crains de ne pas vivre parmi ceux

qui appelleront ce temps-ci “ancien”.»32•120

La lumière en laquelle riait mon trésor

que je trouvai là, se fit d’abord étincelante,

comme un miroir d’or aux rayons du soleil;•123

puis elle répondit : « La conscience troublée

par la honte de soi ou celle d’autrui

trouvera ta parole brusque.•126

Mais néanmoins, écarte tout mensonge,

exprime ce que tu as vu tout entier ;

et laisse gratter là où est la gale.33•129

Car si ta voix sera désagréable

à la première bouchée, ensuite elle sera

une nourriture vitale une fois digérée.•132

Et ton cri fera comme le vent,34

qui frappe plus fort les plus hautes cimes ;

et ce ne sera pas un mince titre d’honneur.•135

C’est pourquoi te sont montrées dans ces sphères,

sur le mont et dans la vallée douloureuse

seulement des âmes fameuses,•138

car l’âme de celui qui écoute, ne s’arrête pas

ni ne raffermit sa foi avec un exemple

à la racine inconnue ou obscure

ni une autre preuve sans évidence.»•142

Cielo quinto • Cielo di Marte • Apprensioni di Dante e conforto di Beatrice • Cacciaguida annuncia il suo esilio a Dante • Guai e conforti • Devi dire la verità e devi dire tutto.
Qual venne a Climenè, per accertarsi

di ciò ch’avëa incontro a sé udito,

quei ch’ancor fa li padri ai figli scarsi;•3

tal era io, e tal era sentito

e da Beatrice e da la santa lampa

che pria per me avea mutato sito.•6

Per che mia donna « Manda fuor la vampa

del tuo disio», mi disse, «sì ch’ella esca

segnata bene de la interna stampa:•9

non perché nostra conoscenza cresca

per tuo parlare, ma perché t’ausi

a dir la sete, sì che l’uom ti mesca».•12

« O cara piota mia che sì t’insusi,

che, come veggion le terrene menti

non capere in trïangol due ottusi,•15

così vedi le cose contingenti

anzi che sieno in sé, mirando il punto

a cui tutti li tempi son presenti;•18

mentre ch’io era a Virgilio congiunto

su per lo monte che l’anime cura

e discendendo nel mondo defunto,•21

dette mi fuor di mia vita futura

parole gravi, avvegna ch’io mi senta

ben tetragono ai colpi di ventura;•24

per che la voglia mia saria contenta

d’intender qual fortuna mi s’appressa :

ché saetta previsa vien più lenta».•27

Così diss’ io a quella luce stessa

che pria m’avea parlato ; e come volle

Beatrice, fu la mia voglia confessa.•30

Né per ambage, in che la gente folle

già s’inviscava pria che fosse anciso

l’Agnel di Dio che le peccata tolle,•33

ma per chiare parole e con preciso

latin rispuose quello amor paterno,

chiuso e parvente del suo proprio riso:•36

« La contingenza, che fuor del quaderno

de la vostra matera non si stende,

tutta è dipinta nel cospetto etterno;•39

necessità però quindi non prende

se non come dal viso in che si specchia

nave che per torrente giù discende.•42

Da indi, sì come viene ad orecchia

dolce armonia da organo, mi viene

a vista il tempo che ti s’apparecchia.•45

Qual si partio Ipolito d’Atene

per la spietata e perfida noverca,

tal di Fiorenza partir ti convene.•48

Questo si vuole e questo già si cerca,

e tosto verrà fatto a chi ciò pensa

là dove Cristo tutto dì si merca.•51

La colpa seguirà la parte offensa

in grido, come suol ; ma la vendetta

fia testimonio al ver che la dispensa.•54

Tu lascerai ogne cosa diletta

più caramente ; e questo è quello strale

che l’arco de lo essilio pria saetta.•57

Tu proverai sì come sa di sale

lo pane altrui, e come è duro calle

lo scendere e ’l salir per l’altrui scale.•60

E quel che più ti graverà le spalle,

sarà la compagnia malvagia e scempia

con la qual tu cadrai in questa valle;•63

che tutta ingrata, tutta matta ed empia

si farà contr’ a te ; ma, poco appresso,

ella, non tu, n’avrà rossa la tempia.•66

Di sua bestialitate il suo processo

farà la prova ; sì ch’a te fia bello

averti fatta parte per te stesso.•69

Lo primo tuo refugio e ’l primo ostello

sarà la cortesia del gran Lombardo

che ’n su la scala porta il santo uccello;•72

ch’in te avrà sì benigno riguardo,

che del fare e del chieder, tra voi due,

fia primo quel che tra li altri è più tardo.•75

Con lui vedrai colui che ’mpresso fue,

nascendo, sì da questa stella forte,

che notabili fier l’opere sue.•78

Non se ne son le genti ancora accorte

per la novella età, ché pur nove anni

son queste rote intorno di lui torte;•81

ma pria che ’l Guasco l’alto Arrigo inganni,

parran faville de la sua virtute

in non curar d’argento né d’affanni.•84

Le sue magnificenze conosciute

saranno ancora, sì che ’ suoi nemici

non ne potran tener le lingue mute.•87

A lui t’aspetta e a’ suoi benefici ;

per lui fia trasmutata molta gente,

cambiando condizion ricchi e mendici;•90

e portera’ne scritto ne la mente

di lui, e nol dirai » ; e disse cose

incredibili a quei che fier presente.•93

Poi giunse : « Figlio, queste son le chiose

di quel che ti fu detto ; ecco le ’nsidie

che dietro a pochi giri son nascose.•96

Non vo’ però ch’a’ tuoi vicini invidie,

poscia che s’infutura la tua vita

vie più là che ’l punir di lor perfidie».•99

Poi che, tacendo, si mostrò spedita

l’anima santa di metter la trama

in quella tela ch’io le porsi ordita,•102

io cominciai, come colui che brama,

dubitando, consiglio da persona

che vede e vuol dirittamente e ama:•105

« Ben veggio, padre mio, sì come sprona

lo tempo verso me, per colpo darmi

tal, ch’è più grave a chi più s’abbandona;•108

per che di provedenza è buon ch’io m’armi,

sì che, se loco m’è tolto più caro,

io non perdessi li altri per miei carmi.•111

Giù per lo mondo sanza fine amaro,

e per lo monte del cui bel cacume

li occhi de la mia donna mi levaro,•114

e poscia per lo ciel, di lume in lume,

ho io appreso quel che s’io ridico,

a molti fia sapor di forte agrume;•117

e s’io al vero son timido amico,

temo di perder viver tra coloro

che questo tempo chiameranno antico».•120

La luce in che rideva il mio tesoro

ch’io trovai lì, si fé prima corusca,

quale a raggio di sole specchio d’oro;•123

indi rispuose : « Coscïenza fusca

o de la propria o de l’altrui vergogna

pur sentirà la tua parola brusca.•126

Ma nondimen, rimossa ogne menzogna,

tutta tua visïon fa manifesta ;

e lascia pur grattar dov’ è la rogna.•129

Ché se la voce tua sarà molesta

nel primo gusto, vital nodrimento

lascerà poi, quando sarà digesta.•132

Questo tuo grido farà come vento,

che le più alte cime più percuote ;

e ciò non fa d’onor poco argomento.•135

Però ti son mostrate in queste rote,

nel monte e ne la valle dolorosa

pur l’anime che son di fama note,•138

che l’animo di quel ch’ode, non posa

né ferma fede per essempro ch’aia

la sua radice incognita e ascosa,

né per altro argomento che non paia».•142