Le Paradis – Chant XVIII

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L’Aigle céleste par John Flaxman (1807) — Tate Galery — CC-BY-NC-ND 3.0
Cinquième ciel • Ciel de Mars • Les compagnons de Cacciaguida dans la croix de Mars • La montée au ciel de Jupiter // Sixième ciel • Ciel de Jupiter •  Les esprits bienheureux forment des lettres, puis une phrase biblique  • Le M devient lys, puis aigle • Imprécation contre l’avarice des papes.  

Déjà il se réjouissait seul en ses pensées1

ce bienheureux miroir,2 et je goûtais

les miennes, tempérant de douceur l’amertume;•3

et cette dame qui à Dieu m’amenait3

dit : « Change d’idée ; pense que je suis 

près de celui qui allège chaque tort».•6

Je me tournai aux paroles d’amour

de mon réconfort ; et ce que je vis alors

dans les saints yeux d’amour, je le laisse là:•9

non parce que je me défie de ma parole,

mais parce que la mémoire ne peut se retourner 

autant sur elle-même, sans être guidée.4•12

Je peux seulement redire de ce moment,

que, la regardant, mon cœur

fut libéré de tout autre désir,•15

tant le plaisir éternel, qui rayonnait

directement en Béatrice, me contentait

de son reflet dans le beau visage.•18

Me vainquant par la lumière d’un sourire,

elle me dit : « Tourne toi et écoute :

tout le paradis n’est pas dans mes yeux.».5•21

Comme cela se voit sur terre parfois

dans le regard le sentiment, quand il est

si grand, prend toute l’âme,•24

ainsi dans le flamboiement du saint feu,6

vers lequel je me tournai, je reconnus le désir

de me parler encore quelque peu.•27

Il commença : « En cette cinquième marche

de l’arbre qui prend vie de sa cime,

fructifie toujours et jamais ne perd ses feuilles,7•30

des esprits sont bienheureux ; en bas, avant

de venir au ciel, ils furent de si grand renom,

que toute muse en serait fortunée.•33

Regarde les bras de la croix :

ceux que je nommerai, feront

comme fait dans les nuages l’éclair rapide.»•36

Je vis la croix traversée d’une lumière

comme le nom de Josué était dit;8

je ne perçus pas le dire avant le fait.•39

Et au nom du noble Maccabée9

j’en vis tournoyer une autre,

et la joie était le fouet de la toupie.•42

Ainsi pour Charlemagne et Roland10

mon regard attentif en suivit deux,

comme l’œil suit son faucon volant.•45

Puis Guillaume11 et Rainouard12 

et le duc Godefroy13 tirèrent mon regard

vers cette croix, et Robert Guiscard.14•48

Donc, s’élevant et se mêlant aux autres lumières,

elle me montra, l’âme qui m’avait parlé,

quelle artiste elle était parmi les chanteurs du ciel.•51

Je me tournai sur ma droite

pour voir en Béatrice mon devoir,

par parole ou par acte, signifié;15•54

et je vis ses yeux d’un éclat si pur,

si joyeux, que son apparence l’emportait

sur toutes les autres et la plus récente.16•57

Et comme, pour sentir plus de joie

à faire le bien, l’homme de jour en jour

s’aperçoit qu’il progresse en vertu,•60

ainsi je m’aperçus que l’arc

de mon cercle avait grandi avec le ciel,

en voyant l’embellie de ce miracle.17•63

Et comme se transforme en un bref

laps de temps blanche dame, quand son visage

se libère du poids de la honte,•66

ainsi fut à mes yeux, quand je me tournai,

le blanc-argent de la sixième étoile

tempérée, qui m’avait recueilli en elle.18•69

Je vis dans ce jovien flambeau19

les étincelles de l’amour qui étaient là20

à peindre devant mes yeux notre langue.21•72

Et ainsi que des oiseaux s’envolant d’une rivière,

comme se congratulant de leur nourriture,

tracent des cercles ou autres signes,•75

les saintes créatures enveloppées de lumière

chantaient en voletant, et formaient

de leurs figures un D, un I, ou un L.22•78

D’abord, du chant elles épousaient le rythme ;

puis, devenant l’un de ces signes,

elles s’arrêtaient et se taisaient un peu.•81

Ô divine Pégasée qui rend les esprits

glorieux et leur donne longévité,

et fait tel avec les cités et les royaumes,23•84

illumine moi de toi, afin que je décrive

leurs figures comme je les ai saisies :

que paraisse ta puissance dans ces vers brefs!•87

Se montrèrent donc en cinq tours sept

voyelles et consonnes ; et je notai

les lettres dans l’ordre où elles m’apparurent.24•90

DILIGITE IUSTITIAM”, furent les premiers

verbe et nom de toute la peinture ;

QUI IUDICATIS TERRAM”, furent les derniers.25•93

Puis dans la lettre M du cinquième mot

elles demeurèrent ordonnées26; si bien que Jupiter

paraissait d’argent incrusté d’or.•96

Et je vis descendre d’autres lumières

de la cime du M, et s’arrêter

en chantant, je crois, le bien qui les attire.27•99

Puis, comme lorsque se percutent des tisons ardents

surgirent d’innombrables étincelles,

dont les idiots tirent leurs augures,28•102

plus de mille lumières semblèrent ressurgir

et monter, les unes très hauts, d’autres moins,

comme le soleil qui les enflamme en décide;•105

et quand chacune fut à sa place,

je vis la tête et le cou d’un aigle

représenté par ces feux distincts.•108

Celui qui peint là-haut, n’a pas de guide ;

mais il guide lui-même, et de lui dérive

cette vertu qui est la force qui forme les nids.29•111

Les autres bienheureux, qui semblaient

ravis de former un lys dans le M, 

en peu de mouvements achevèrent la figure.30•114

Ô douce étoile, combien ces belles gemmes

me montrèrent que notre justice

est un effet du ciel orné de tes gemmes!•117

Aussi je prie l’esprit en qui ton mouvement

et ta vertu trouvent leur origine, de considérer

d’où vient la fumée qui corrompt ton rayon;31•120

pour qu’une fois encore il se mette en colère

contre les marchands d’un temple

construit sur des miracles et des martyrs.32•123

Ô milice du ciel que je contemple,

prie pour ceux qui sont sur terre

égarés par le mauvais exemple!33•126

Avant on faisait la guerre avec l’épée ;

mais aujourd’hui elle se fait en retirant çà ou là le pain

que le Père miséricordieux ne refuse à personne.34•129

Mais toi qui n’écris que pour biffer ensuite,35

pense que Pierre et Paul, qui moururent

pour la vigne que tu ruines, sont encore vivants.•132

Tu pourrais bien répondre : « Je me suis arrêté

à celui qui voulait vivre seul

et qui pour des sauts fut conduit au martyr,

car je ne connais ni le pêcheur ni Polo.»36•136

Cielo quinto • Cielo di Marte • Compagni di Cacciaguida nella croce di Marte • Ascesa al cielo, di Giove // Cielo sesto • Cielo di Giove • Gli spiriti beati formano dei lettere, poi una sentenza biblica • La emme si transforma nell’aquila imperiale • Imprecazione contro l’avarizia dei papi. 

Già si godeva solo del suo verbo 

quello specchio beato, e io gustava

lo mio, temprando col dolce l’acerbo;•3

e quella donna ch’a Dio mi menava

disse : « Muta pensier ; pensa ch’i’ sono

presso a colui ch’ogne torto disgrava».•6

Io mi rivolsi a l’amoroso suono

del mio conforto ; e qual io allor vidi

ne li occhi santi amor, qui l’abbandono:•9

non perch’ io pur del mio parlar diffidi,

ma per la mente che non può redire

sovra sé tanto, s’altri non la guidi.•12

Tanto poss’ io di quel punto ridire,

che, rimirando lei, lo mio affetto

libero fu da ogne altro disire,•15

fin che ’l piacere etterno, che diretto

raggiava in Bëatrice, dal bel viso

mi contentava col secondo aspetto.•18

Vincendo me col lume d’un sorriso,

ella mi disse : « Volgiti e ascolta ;

ché non pur ne’ miei occhi è paradiso».•21

Come si vede qui alcuna volta

l’affetto ne la vista, s’elli è tanto,

che da lui sia tutta l’anima tolta,•24

così nel fiammeggiar del folgór santo,

a ch’io mi volsi, conobbi la voglia

in lui di ragionarmi ancora alquanto.•27

El cominciò : « In questa quinta soglia

de l’albero che vive de la cima

e frutta sempre e mai non perde foglia,•30

spiriti son beati, che giù, prima

che venissero al ciel, fuor di gran voce,

sì ch’ogne musa ne sarebbe opima.•33

Però mira ne’ corni de la croce :

quello ch’io nomerò, lì farà l’atto

che fa in nube il suo foco veloce».•36

Io vidi per la croce un lume tratto

dal nomar Iosuè, com’ el si feo ;

né mi fu noto il dir prima che ’l fatto.•39

E al nome de l’alto Macabeo

vidi moversi un altro roteando,

e letizia era ferza del paleo.•42

Così per Carlo Magno e per Orlando

due ne seguì lo mio attento sguardo,

com’ occhio segue suo falcon volando.•45

Poscia trasse Guiglielmo e Rinoardo

e ’l duca Gottifredi la mia vista

per quella croce, e Ruberto Guiscardo.•48

Indi, tra l’altre luci mota e mista,

mostrommi l’alma che m’avea parlato

qual era tra i cantor del cielo artista.•51

Io mi rivolsi dal mio destro lato

per vedere in Beatrice il mio dovere,

o per parlare o per atto, segnato;•54

e vidi le sue luci tanto mere,

tanto gioconde, che la sua sembianza

vinceva li altri e l’ultimo solere.•57

E come, per sentir più dilettanza

bene operando, l’uom di giorno in giorno

s’accorge che la sua virtute avanza,•60 

sì m’accors’ io che ’l mio girare intorno

col cielo insieme avea cresciuto l’arco,

veggendo quel miracol più addorno.•63

E qual è ’l trasmutare in picciol varco

di tempo in bianca donna, quando ’l volto

suo si discarchi di vergogna il carco,•66

tal fu ne li occhi miei, quando fui vòlto,

per lo candor de la temprata stella

sesta, che dentro a sé m’avea ricolto.•69

Io vidi in quella giovïal facella

lo sfavillar de l’amor che lì era

segnare a li occhi miei nostra favella.•72

E come augelli surti di rivera,

quasi congratulando a lor pasture,

fanno di sé or tonda or altra schiera,•75

sì dentro ai lumi sante creature

volitando cantavano, e faciensi

or D, or I, or L in sue figure.•78

Prima, cantando, a sua nota moviensi ;

poi, diventando l’un di questi segni,

un poco s’arrestavano e taciensi.•81

O diva Pegasëa che li ’ngegni

fai glorïosi e rendili longevi,

ed essi teco le cittadi e ’ regni,•84

illustrami di te, sì ch’io rilevi

le lor figure com’ io l’ho concette :

paia tua possa in questi versi brevi!•87

Mostrarsi dunque in cinque volte sette

vocali e consonanti ; e io notai

le parti sì, come mi parver dette.•90

“DILIGITE IUSTITIAM”, primai

fur verbo e nome di tutto ’l dipinto ;

“QUI IUDICATIS TERRAM”, fur sezzai.•93

Poscia ne l’emme del vocabol quinto

rimasero ordinate ; sì che Giove

pareva argento lì d’oro distinto.•96

E vidi scendere altre luci dove

era il colmo de l’emme, e lì quetarsi

cantando, credo, il ben ch’a sé le move.•99

Poi, come nel percuoter d’i ciocchi arsi

surgono innumerabili faville,

onde li stolti sogliono agurarsi,•102

resurger parver quindi più di mille

luci e salir, qual assai e qual poco,

sì come ’l sol che l’accende sortille;•105

e quïetata ciascuna in suo loco,

la testa e ’l collo d’un’aguglia vidi

rappresentare a quel distinto foco.•108

Quei che dipinge lì, non ha chi ’l guidi ;

ma esso guida, e da lui si rammenta

quella virtù ch’è forma per li nidi.•111

L’altra bëatitudo, che contenta

pareva prima d’ingigliarsi a l’emme,

con poco moto seguitò la ’mprenta.•114

O dolce stella, quali e quante gemme

mi dimostraro che nostra giustizia

effetto sia del ciel che tu ingemme!•117

Per ch’io prego la mente in che s’inizia

tuo moto e tua virtute, che rimiri

ond’ esce il fummo che ’l tuo raggio vizia;•120

sì ch’un’altra fïata omai s’adiri

del comperare e vender dentro al templo

che si murò di segni e di martìri.•123

O milizia del ciel cu’ io contemplo,

adora per color che sono in terra

tutti svïati dietro al malo essemplo!•126

Già si solea con le spade far guerra ;

ma or si fa togliendo or qui or quivi

lo pan che ’l pïo Padre a nessun serra.•129

Ma tu che sol per cancellare scrivi,

pensa che Pietro e Paulo, che moriro

per la vigna che guasti, ancor son vivi.•132

Ben puoi tu dire : « I’ ho fermo ’l disiro

sì a colui che volle viver solo

e che per salti fu tratto al martiro,

ch’io non conosco il pescator né Polo».•136