Le Paradis – Chant XXIII

Couronnement_Vierge_Marie_Fra_Angelico
Le Couronnement de la Vierge Marie, par Fra Angelico (1434-1435)
Huitième ciel • Ciel des étoiles fixes • Attente de Béatrice • Apparition des bienheureux avec le Christ triomphal • Il retourne à l’Empyrée • Sourire ineffable de Béatrice • Gloire et Ascension de Marie à l’Empirée • Hymne des bienheureux • Apparition de saint Pierre.

Comme l’oisel, sous le cher feuillage,

posé sur le nid des doux oisillons 

pendant la nuit qui nous cache les choses,•3 

qui, pour voir les formes désirées1

et trouver la becquée qui les nourrit,

avec cette lourde fatigue qui lui est agréable,2•6 

prévient le temps sur une branche à découvert,3  

et avec un ardent désir attend le soleil,

regardant fixement la naissance de l’aube; •9 

ainsi ma dame se tenait droite 

et attentive, tournée vers la contrée

où le soleil montrait le moins de hâte:4•12 

aussi, la voyant absorbée et préoccupée,

je devins comme celui qui désirant

ce qu’il n’a pas, en espérant s’apaise.•15 

Mais peu de temps passa entre l’un et l’autre, 

entre attendre, dis-je, et voir 

le ciel s’éclaircir de plus en plus;5•18 

et Béatrice dit : « Voici les troupes

du triomphe du Christ et tout le fruit

récolté par les sphères lors de leur rotation!».6 •21 

Il me sembla que tout son visage flamboyait, 

et elle avait les yeux si pleins de joie, 

qu’il me faut passer sans rien en dire.7•24 

Comme dans les pleines lunes sereines

Trivia rit en les nymphes éternelles8

qui ornent le ciel de toutes parts,•27 

je vis au dessus des mille lumières des âmes9

un soleil qui les enflammait toutes, 

comme le nôtre le fait des étoiles célestes;10•30 

et à travers cette vive lumière 

transparaissait la substance si éblouissante11 

que mon regard n’en soutint pas la clarté.•33 

Oh Béatrice, douce et chère guide!12

Elle me dit : « Ce qui te vainc 

est une force à laquelle rien ne résiste.13•36 

Ici est la sagesse et la puissance14 

qui ouvrit les voies entre le ciel et la terre,15 

dont il fut jadis si long désir.»•39 

Comme le feu s’échappe du nuage 

en se dilatant tant qu’il n’y tient plus, 

et contre sa nature est précipité à terre,16•42 

de même mon esprit, dans ce festin 

devint plus grand, sortit de lui-même, 

et ne se souvient pas de ce qu’il fit.•45 

« Ouvre les yeux et regarde comment je suis ; 

tu as vu des choses, qui t’ont donné 

la force de soutenir mon sourire».17•48 

J’étais comme celui qui essaie 

de se souvenir d’une vision oubliée 

et qui s’ingénie en vain à se la rappeler,•51 

quand j’entendis cette offre, digne18

de tant de gratitude, que jamais elle ne s’effacera 

du livre qui remet à l’esprit le passé.•54 

Si à présent sonnaient toutes ces langues 

que Polymnie et ses sœurs 

nourrirent de leur lait le plus doux,19•57 

pour m’aider, au millième du vrai 

on ne parviendrait pas, à chanter le saint sourire 

et combien il rendait le saint visage splendide;•60 

et ainsi, décrivant le paradis, 

mon poème sacré doit faire un saut, 

comme celui qui trouve son chemin coupé.20•63 

Mais qui pensera au poids de mon thème 

et que l’épaule d’un mortel le porte,

ne la blâmera pas si elle tremble sous lui:21•66 

ce n’est pas navigation pour barquerolle 

celle que, fendant l’eau, parcourt ma proue hardie,  

ni pour un nocher avare de ses forces.22 •69 

« Pourquoi es-tu tant de mon visage énamouré, 

que tu ne regardes pas le beau jardin 

qui sous les rayons du Christ fleurit?23•72 

Là est la rose en laquelle le verbe divin 

se fit chair ; là sont les lys ; 

à leur parfum se prit le bon chemin».24•75 

Ainsi dit Béatrice ; et moi, qui à ses conseils 

était prêt, revint encore 

à la bataille de mes faibles yeux.25•78 

Comme sous un rayon de soleil, qui perçait 

par une trouée du nuage, j’avais déjà, de mes yeux 

protégés par l’ombre, vu une prairie fleurie,•81 

je vis de même une profusion de splendeurs, 

illuminées d’en haut par des rayons ardents, 

sans voir l’origine de ces éclats.26•84 

Ô clémente vertu qui laisse de telles empreintes, 

tu t’es élevée pour faire large place 

à mes yeux incapables de soutenir ta vue.27•87 

Le nom de la belle fleur que toujours j’invoque 

matin et soir, fixa toute mon attention 

pour scruter le feu le plus flamboyant;28•90 

et à peine la lumière reflétait dans mes yeux 

la splendeur et la grandeur de l’étoile vive 

qui là-haut vainc, comme sur terre elle vainquit,29•93 

dans le ciel descendit une lumière ardente 

en forme de cercle à la manière d’un diadème, 

pour la ceindre et tourner autour d’elle.30•96 

La mélodie la plus douce qui résonne 

sur terre et qui le plus à soi tire l’âme, 

paraîtrait nuage déchiré par le tonnerre,•99 

comparé au chant de cette lyre31

qui couronnait le beau saphir 

dont le plus clair des cieux s’ensaphire.32•102 

« Je suis l’amour angélique, qui fait tourner33

la haute liesse qui souffle du ventre 

qui accueillit notre désir;34•105 

je tournerai, dame du ciel, tandis que 

tu suivras ton fils, et rendras plus divine 

la sphère suprême par ta présence.»•108 

Ainsi la mélodie tournoyante apposait  

son sceau, et toutes les autres lumières35 

faisaient résonner le nom de Marie.•111 

Le royal manteau de toutes les sphères 

du monde, qui s’embrase et se ravive le plus 

dans le souffle de Dieu et dans ses actions,36•114 

avait, au-dessus de nous, sa rive interne 

si éloignée, que son éclat 

là où j’étais, n’apparaissait pas encore:37•117 

mais mes yeux n’eurent pas la force suffisante 

pour suivre la flamme couronnée 

qui se leva derrière sa semence.38•120 

Et comme le bambin qui tend les bras 

vers sa maman, quand il a pris son lait, 

par la tendresse qui enfin au dehors s’enflamme,•123 

chacune de ces lumières se dressa 

par sa cîme, si bien que la haute affection 

qu’elles avaient pour Marie me fut manifeste.39•126 

Là elles restèrent dans ma vue, 

chantant “Regina cæli” si doucement, 

que jamais le plaisir ne m’a quitté.40•129 

Oh quelle fortune s’accumule 

dans ces arches richissimes qui furent, 

à semer ici bas, de si bons laboureurs!41•132 

Ici on vit et on jouit du trésor 

acquit en pleurant lors de l’exil 

à Babylone, où l’or fut délaissé.42•135 

Ici triomphe sous le haut fils 

de Dieu et de Marie, de sa victoire, 

et avec l’ancien et le nouveau concile, 

celui qui tient les clés de cette gloire.43•139

Cielo ottavo  • Cielo Stellato • Attesa di Beatrice • Apparizione dei beati con il Christo trionfante • Il Cristo risale all’Empireo • Riso ineffabile di Beatrice • Gloria di Maria • Ascesa di Maria all’Empireo •Inno dei beati a Maria • Apparizione di san Pietro.
Come l’augello, intra l’amate fronde, 

posato al nido de’ suoi dolci nati

la notte che le cose ci nasconde,•3 

che, per veder li aspetti disïati

e per trovar lo cibo onde li pasca,

in che gravi labor li sono aggrati,•6 

previene il tempo in su aperta frasca,

e con ardente affetto il sole aspetta,

fiso guardando pur che l’alba nasca;•9 

così la donna mïa stava eretta

e attenta, rivolta inver’ la plaga

sotto la quale il sol mostra men fretta:•12 

sì che, veggendola io sospesa e vaga,

fecimi qual è quei che disïando

altro vorria, e sperando s’appaga.•15 

Ma poco fu tra uno e altro quando,

del mio attender, dico, e del vedere

lo ciel venir più e più rischiarando;•18 

e Bëatrice disse : « Ecco le schiere

del trïunfo di Cristo e tutto ’l frutto

ricolto del girar di queste spere!».•21 

Pariemi che ’l suo viso ardesse tutto,

e li occhi avea di letizia sì pieni,

che passarmen convien sanza costrutto.•24 

Quale ne’ plenilunïi sereni

Trivïa ride tra le ninfe etterne

che dipingon lo ciel per tutti i seni,•27 

vid’ i’ sopra migliaia di lucerne

un sol che tutte quante l’accendea, 

come fa ’l nostro le viste superne;•30 

e per la viva luce trasparea

la lucente sustanza tanto chiara

nel viso mio, che non la sostenea.•33 

Oh Bëatrice, dolce guida e cara !

Ella mi disse : « Quel che ti sobranza

è virtù da cui nulla si ripara.•36 

Quivi è la sapïenza e la possanza

ch’aprì le strade tra ’l cielo e la terra,

onde fu già sì lunga disïanza».•39 

Come foco di nube si diserra

per dilatarsi sì che non vi cape,

e fuor di sua natura in giù s’atterra,•42 

la mente mia così, tra quelle dape

fatta più grande, di sé stessa uscìo,

e che si fesse rimembrar non sape.•45 

« Apri li occhi e riguarda qual son io;

tu hai vedute cose, che possente

se’ fatto a sostener lo riso mio».•48 

Io era come quei che si risente

di visïone oblita e che s’ingegna

indarno di ridurlasi a la mente,•51 

quand’ io udi’ questa proferta, degna

di tanto grato, che mai non si stingue

del libro che ’l preterito rassegna.•54 

Se mo sonasser tutte quelle lingue

che Polimnïa con le suore fero

del latte lor dolcissimo più pingue,•57 

per aiutarmi, al millesmo del vero

non si verria, cantando il santo riso

e quanto il santo aspetto facea mero;•60 

e così, figurando il paradiso,

convien saltar lo sacrato poema,

come chi trova suo cammin riciso.•63 

Ma chi pensasse il ponderoso tema

e l’omero mortal che se ne carca,

nol biasmerebbe se sott’ esso trema:•66 

non è pareggio da picciola barca

quel che fendendo va l’ardita prora,

né da nocchier ch’a sé medesmo parca.•69 

« Perché la faccia mia sì t’innamora,

che tu non ti rivolgi al bel giardino

che sotto i raggi di Cristo s’infiora?•72 

Quivi è la rosa in che ’l verbo divino

carne si fece ; quivi son li gigli

al cui odor si prese il buon cammino».•75 

Così Beatrice ; e io, che a’ suoi consigli

tutto era pronto, ancora mi rendei

a la battaglia de’ debili cigli.•78 

Come a raggio di sol, che puro mei

per fratta nube, già prato di fiori

vider, coverti d’ombra, li occhi miei;•81 

vid’ io così più turbe di splendori,

folgorate di sù da raggi ardenti,

sanza veder principio di folgóri.•84 

O benigna vertù che sì li ’mprenti,

sù t’essaltasti, per largirmi loco

a li occhi lì che non t’eran possenti.•87 

Il nome del bel fior ch’io sempre invoco

e mane e sera, tutto mi ristrinse

l’animo ad avvisar lo maggior foco;•90 

e come ambo le luci mi dipinse

il quale e il quanto de la viva stella

che là sù vince come qua giù vinse,•93 

per entro il cielo scese una facella,

formata in cerchio a guisa di corona,

e cinsela e girossi intorno ad ella.•96 

Qualunque melodia più dolce suona

qua giù e più a sé l’anima tira,

parrebbe nube che squarciata tona,•99 

comparata al sonar di quella lira

onde si coronava il bel zaffiro

del quale il ciel più chiaro s’inzaffira.•102 

« Io sono amore angelico, che giro

l’alta letizia che spira del ventre

che fu albergo del nostro disiro;•105 

e girerommi, donna del ciel, mentre

che seguirai tuo figlio, e farai dia

più la spera supprema perché lì entre».•108 

Così la circulata melodia

si sigillava, e tutti li altri lumi

facean sonare il nome di Maria.•111 

Lo real manto di tutti i volumi

del mondo, che più ferve e più s’avviva

ne l’alito di Dio e nei costumi,•114 

avea sopra di noi l’interna riva

tanto distante, che la sua parvenza,

là dov’ io era, ancor non appariva:•117 

però non ebber li occhi miei potenza

di seguitar la coronata fiamma

che si levò appresso sua semenza.•120 

E come fantolin che ’nver’ la mamma

tende le braccia, poi che ’l latte prese,

per l’animo che ’nfin di fuor s’infiamma;•123 

ciascun di quei candori in sù si stese

con la sua cima, sì che l’alto affetto

ch’elli avieno a Maria mi fu palese.•126 

Indi rimaser lì nel mio cospetto,

“Regina celi” cantando sì dolce,

che mai da me non si partì ’l diletto.•129 

Oh quanta è l’ubertà che si soffolce

in quelle arche ricchissime che fuoro

a seminar qua giù buone bobolce!•132 

Quivi si vive e gode del tesoro

che s’acquistò piangendo ne lo essilio

di Babillòn, ove si lasciò l’oro.•135 

Quivi trïunfa, sotto l’alto Filio

di Dio e di Maria, di sua vittoria,

e con l’antico e col novo concilio, 

colui che tien le chiavi di tal gloria.•139