Le Paradis – Chant XXXI

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L’Empyrée, par Gustave Doré

Dixième ciel • L’Empyrée • La Rose blanche • Les anges volants entre Dieu et la rose • Stupeur de Dante • Saint Bernard remplace Béatrice • Salut et prière de Dante à Béatrice • Conseils de St Bernard • Gloire de Marie. 

En forme donc de blanche rose1

m’apparaissait la sainte milice 

que dans son sang le Christ fit son épouse;2•3 

mais l’autre, qui volant voyait et chantait3 

la gloire de celui qui l’emplit d’amour 

et la bonté qui la fit si grande,4•6 

comme un essaim d’abeilles plonge 

sans cesse dans les fleurs et s’en retourne 

là où son travail prend sa saveur,•9 

descendait dans la grande fleur qui s’orne 

de tant de pétales, puis remontait 

là où son amour éternellement demeure.5•12 

La face de chacun était de flamme vive, 

les ailes d’or, et le reste si blanc 

qu’aucune neige ne parvient à cette fin.6•15 

Quand ils descendent dans la fleur, de rang en rang 

ils répandent de cette paix et de cette ardeur 

recueillies par leurs battements d’ailes.7 •18 

Qu’une telle multitude s’interpose, 

volant entre la sommité et la fleur, 

n’empêchait pas la vue et la splendeur:•21 

car la lumière divine pénètre 

l’univers selon comment en est digne chacun, 

de sorte que rien ne peut lui être obstacle.8•24 

Ce royaume serein et joyeux, 

peuplé d’anciens et de nouveaux bienheureux,9

a le regard et le cœur tout entier tourné vers un signe.10•27 

Ô trine lumière qui en une étoile unique11

scintillant dans leur regard les contente, 

regarde en bas notre péril!12•30 

Si les barbares, venant de cette contrée 

que chaque jour recouvre Hélice, 

tournant avec son fils qu’elle aime,13•33 

s’étonnèrent, voyant Rome 

et la majesté de ses monuments, que le Latran 

domine les œuvres des mortels;14•36 

moi, qui était venu de l’humain 

au divin, du temps à l’éternité, 

et de Florence au peuple juste et sain,•39 

de quelle stupeur devais-je être empli!15

Entre la joie et cela il me plaisait 

de ne rien entendre et de rester muet.16•42 

Et comme le pèlerin qui se réjouit 

en contemplant le temple de son vœu, 

et déjà espère raconter comment il était,17•45 

regardant par la vive lumière, 

je promenais mon regard sur les gradins, 

vers le haut, vers le bas et tout alentour.18•48 

Je vis des visages invitant à la charité, 

ornés de lumière divine et de leur propre rire, 

et d’attitudes toutes empreintes d’honnêteté.19•51 

La forme générale du paradis, 

mon regard l’avait déjà toute comprise, 

et ne s’était encore arrêté nulle part;•54 

et je me tournai avec un désir ré-enflammé 

pour questionner ma dame sur des choses 

dont mon esprit était préoccupé.20•57 

J’attendais un chose et la réponse fut une autre : 

je croyais voir Béatrice et je vis un patriarche  

vêtu comme les gens glorieux.21•60 

De ses yeux et de ses joues22  

émanait une joie douce, une attitude pieuse 

et compatissante qui convient à un tendre père.23•63 

Et « Où est-elle ? », dis-je tout de suite. 

Alors lui: « Pour satisfaire pleinement ton désir 

Béatrice m’a invité à quitter mon siège;24•66 

et si tu regardes là-haut au troisième rang 

en commençant par le plus élevé, tu la reverras 

sur le trône que ses mérites lui assignent».25•69 

Sans répondre, je levai les yeux, 

et la vis se faisant une couronne 

des rayons éternels réfléchis sur elle.26•72 

Des hautes régions où se forme le tonnerre 

aucun œil de mortel ne serait aussi distant, 

même s’il plongeait au fond de la mer,•75 

que n’était Béatrice de ma vue ; 

mais c’était sans importance, car son image 

venait à moi sans être mêlée au moindre milieu.27•78 

« Ô dame en qui mon espérance prend vigueur,28

et qui pour mon salut daigna 

laisser tes empreintes en enfer,29•81 

de tant de choses que j’ai vues, 

de ton pouvoir et de ta bonté 

je reconnais en avoir obtenu la grâce et la vertu.•84 

Tu m’as tiré de la servitude et libéré 

par toutes ces voies et par tous les moyens 

qui étaient en ton pouvoir.•87 

Garde en moi ta gloire, 

afin que mon âme, que tu as rendue pure, 

qu’il te plaise qu’elle se dénoue du corps».30•90 

Je priai ainsi ; et elle, aussi lointaine 

qu’elle parut, sourit et me regarda ; 

puis elle se tourna vers la source éternelle.31•93 

Et le saint vieillard dit : « Pour que 

tu achèves parfaitement ton chemin, 

par prière et saint amour j’ai été mandé,32•96 

et fais voler tes yeux par ce jardin ; 

car le voir préparera ton regard 

à monter le long du rayon divin.33•99 

Et la reine du Ciel, pour laquelle34 

je brûle d’amour, nous accordera toute grâce 

car je suis son fidèle Bernard.»35•102 

Tel celui qui peut-être de Croatie36

vient pour voir notre Véronique,37

et par ancien désir ne s’en satisfait pas,•105 

mais pense, tant qu’on la lui montre :

“Mon Seigneur Jésus Christ, Dieu vrai,

votre visage est ainsi fait ?”;38•108 

j’étais tel, regardant la vive 

charité de celui qui dans ce monde, 

par la contemplation, goûtait cette paix.•111 

« Fils de la grâce, cet état joyeux »,

commença-t-il, « tu ne pourras le connaître, 

si tu tiens tes yeux seulement vers le fond;•114 

mais regarde les cercles les plus éloignés, 

jusqu’à ce que tu voies siéger la reine 

à laquelle ce règne est soumis et dévoué».39•117 

Je levai les yeux ; et comme le matin 

la partie orientale de l’horizon 

surpasse celle où le soleil décline,•120 

ainsi, mon regard passant de la vallée 

au sommet, je vis une part, à l’extrémité, 

vaincre par sa lumière celles qui me faisaient front.40•123 

Et comme au point où s’attend le timon 

que guida mal Phaeton, l’air s’enflamme plus,41 

tandis qu’autour la lumière se fait moins intense,42•126 

ainsi cette pacifique oriflamme43 

par son milieu se ravivait, alors que de toutes parts 

de la même manière s’affaiblissait les flammes;•129 

et à ce point, les ailes ouvertes, 

je vis plus de mille anges se réjouir, 

chacun différent par son éclat et son art.44•132 

Je vis à leurs jeux et à leurs chants 

rire une beauté, qui était joie 

dans les yeux de tous les autres saints;45•135 

et si j’avais en mon dire autant de richesse 

que d’imagination, je n’oserais

tenter la moindre esquisse de son délice.•138 

Bernard, quand il vit mes yeux 

fixés et absorbés par la chaleur de son brûlant amour 

tourna les siens vers lui avec tant de désir, 

qu’il me fit encore plus ardent à le contempler.•142

 

 

Cielo decimo • Empireo • La candida rosa • Gli angeli volanti tra Dio e la rosa • Stupore di Dante • San Bernardo nel posto di Beatrice • Saluto et preghiera di Dante a Beatrice • Consigli di san Bernardo • Gloria di Maria.

In forma dunque di candida rosa

mi si mostrava la milizia santa

che nel suo sangue Cristo fece sposa;•3 

ma l’altra, che volando vede e canta

la gloria di colui che la ’nnamora

e la bontà che la fece cotanta,•6 

sì come schiera d’ape che s’infiora

una fïata e una si ritorna

là dove suo laboro s’insapora,•9 

nel gran fior discendeva che s’addorna

di tante foglie, e quindi risaliva

là dove ’l süo amor sempre soggiorna.•12 

Le facce tutte avean di fiamma viva

e l’ali d’oro, e l’altro tanto bianco,

che nulla neve a quel termine arriva.•15 

Quando scendean nel fior, di banco in banco

porgevan de la pace e de l’ardore

ch’elli acquistavan ventilando il fianco.•18 

Né l’interporsi tra ’l disopra e ’l fiore

di tanta moltitudine volante

impediva la vista e lo splendore:•21 

ché la luce divina è penetrante

per l’universo secondo ch’è degno,

sì che nulla le puote essere ostante.•24 

Questo sicuro e gaudïoso regno,

frequente in gente antica e in novella,

viso e amore avea tutto ad un segno.•27 

Oh trina luce che ’n unica stella

scintillando a lor vista, sì li appaga !

guarda qua giuso a la nostra procella!•30 

Se i barbari, venendo da tal plaga

che ciascun giorno d’Elice si cuopra,

rotante col suo figlio ond’ ella è vaga,•33 

veggendo Roma e l’ardüa sua opra,

stupefaciensi, quando Laterano

a le cose mortali andò di sopra;•36 

ïo, che al divino da l’umano,

a l’etterno dal tempo era venuto,

e di Fiorenza in popol giusto e sano,•39 

di che stupor dovea esser compiuto !

Certo tra esso e ’l gaudio mi facea

libito non udire e starmi muto.•42 

E quasi peregrin che si ricrea

nel tempio del suo voto riguardando,

e spera già ridir com’ ello stea,•45 

su per la viva luce passeggiando,

menava ïo li occhi per li gradi,

mo sù, mo giù e mo recirculando.•48 

Vedëa visi a carità süadi,

d’altrui lume fregiati e di suo riso,

e atti ornati di tutte onestadi.•51 

La forma general di paradiso

già tutta mïo sguardo avea compresa,

in nulla parte ancor fermato fiso;•54 

e volgeami con voglia rïaccesa

per domandar la mia donna di cose

di che la mente mia era sospesa.•57 

Uno intendëa, e altro mi rispuose :

credea veder Beatrice e vidi un sene

vestito con le genti glorïose.•60 

Diffuso era per li occhi e per le gene

di benigna letizia, in atto pio

quale a tenero padre si convene.•63 

E « Ov’ è ella ? », sùbito diss’ io.

Ond’ elli : « A terminar lo tuo disiro

mosse Beatrice me del loco mio;•66 

e se riguardi sù nel terzo giro

dal sommo grado, tu la rivedrai

nel trono che suoi merti le sortiro».•69 

Sanza risponder, li occhi sù levai,

e vidi lei che si facea corona

reflettendo da sé li etterni rai.•72 

Da quella regïon che più sù tona

occhio mortale alcun tanto non dista,

qualunque in mare più giù s’abbandona,•75 

quanto lì da Beatrice la mia vista;

ma nulla mi facea, ché süa effige

non discendëa a me per mezzo mista.•78 

« O donna in cui la mia speranza vige,

e che soffristi per la mia salute

in inferno lasciar le tue vestige,•81 

di tante cose quant’ i’ ho vedute,

dal tuo podere e da la tua bontate

riconosco la grazia e la virtute.•84 

Tu m’hai di servo tratto a libertate

per tutte quelle vie, per tutt’ i modi

che di ciò fare avei la potestate.•87 

La tua magnificenza in me custodi,

sì che l’anima mia, che fatt’ hai sana,

piacente a te dal corpo si disnodi».•90 

Così orai ; e quella, sì lontana

come parea, sorrise e riguardommi ;

poi si tornò a l’etterna fontana.•93 

E ’l santo sene : « Acciò che tu assommi

perfettamente », disse, « il tuo cammino,

a che priego e amor santo mandommi,•96 

vola con li occhi per questo giardino ;

ché veder lui t’acconcerà lo sguardo

più al montar per lo raggio divino.•99 

E la regina del cielo, ond’ ïo ardo

tutto d’amor, ne farà ogne grazia,

però ch’i’ sono il suo fedel Bernardo».•102 

Qual è colui che forse di Croazia

viene a veder la Veronica nostra,

che per l’antica fame non sen sazia,•105 

ma dice nel pensier, fin che si mostra :

“Segnor mio Iesù Cristo, Dio verace,

or fu sì fatta la sembianza vostra?”;•108 

tal era io mirando la vivace

carità di colui che ’n questo mondo,

contemplando, gustò di quella pace.•111 

« Figliuol di grazia, quest’ esser giocondo »,

cominciò elli, « non ti sarà noto,

tenendo li occhi pur qua giù al fondo;•114 

ma guarda i cerchi infino al più remoto,

tanto che veggi seder la regina

cui questo regno è suddito e devoto».•117 

Io levai li occhi ; e come da mattina

la parte orïental de l’orizzonte

soverchia quella dove ’l sol declina,•120 

così, quasi di valle andando a monte

con li occhi, vidi parte ne lo stremo

vincer di lume tutta l’altra fronte.•123 

E come quivi ove s’aspetta il temo

che mal guidò Fetonte, più s’infiamma,

e quinci e quindi il lume si fa scemo,•126 

così quella pacifica oriafiamma

nel mezzo s’avvivava, e d’ogne parte

per igual modo allentava la fiamma;•129 

e a quel mezzo, con le penne sparte,

vid’ io più di mille angeli festanti,

ciascun distinto di fulgore e d’arte.•132 

Vidi a lor giochi quivi e a lor canti

ridere una bellezza, che letizia

era ne li occhi a tutti li altri santi;•135 

e s’io avessi in dir tanta divizia

quanta ad imaginar, non ardirei

lo minimo tentar di sua delizia.•138 

Bernardo, come vide li occhi miei

nel caldo suo caler fissi e attenti,

li suoi con tanto affetto volse a lei, 

che ’ miei di rimirar fé più ardenti.•142