Le Paradis – Chant XXXIII
“Dell’alto lume parmevi tre giri, di tre colori e d’una continenza”, par John Flaxman, gravure de Tommaso Piroli (1793) – Cornell University Library.
« Vierge Marie, fille de ton fils,1
plus humble et élevée que la créature,2
terme arrêté de l’éternel décret,3•3
tu es celle qui ennoblit
l’humaine nature au point que son facteur
ne dédaigna pas de se faire sa créature.4•6
Dans ton ventre se ralluma l’amour,
par la chaleur duquel, dans la paix éternelle,
est ainsi éclose cette fleur.5•9
Ici tu es pour nous flamme ardente
de charité, et en bas, parmi les mortels,
tu es, d’espérance, l’inépuisable fontaine.6 •12
Dame, tu es si grande et si vaillante,7
que quiconque veut la grâce sans recourir à toi
pour atteindre son désir vole sans aile.•15
Ta bonté n’est pas seulement de secourir
qui demande, mais souvent,
librement, de devancer les prières.•18
En toi miséricorde, en toi piété,
en toi magnificence, en toi se recueille
tout ce qui en l’homme est de bonté.•21
Or celui-ci, qui depuis le plus
profond de l’univers a vu
les vies spirituelles une à une,8•24
te supplie, par ta grâce, d’avoir
si forte vertu, qu’il puisse élever
ses yeux jusqu’à l’ultime béatitude.9•27
Et moi, qui jamais ne brûlai de voir Dieu
plus que je ne le fais pour lui, je t’adresse
toutes mes prières, et prie qu’elles suffisent,•30
afin que tu disperses tout nuage
de sa condition de mortel par tes prières,
afin que la félicité suprême se révèle à lui.10•33
Encore te prie, reine, qui peux
ce que tu veux, qu’il conserve sains,
après une telle vision, ses désirs.11•36
Que ta protection l’emporte sur les passions humaines:
vois Béatrice et tant de bienheureux
qui à mes prières joignent leurs mains!»12•39
Les yeux, aimés et vénérés de Dieu,
fixés sur l’âme priante, montrèrent
combien cette pieuse oraison lui était agréable;•42
puis vers l’éternelle lumière ils se dressèrent,
et il ne faut pas penser que puisse y plonger
avec une même clarté l’œil d’une autre créature.13•45
Et alors que le terme de tous mes vœux
s’approchait, comme il se devait,
l’ardeur du désir en moi s’exalta.14•48
Bernard me faisait signe, en souriant,
de regarder vers le haut ; mais déjà j’étais
de moi-même, tel qu’il le voulait:15 •51
car ma vue, devenant pure,
de plus en plus s’enfonçait dans le rayon
de haute lumière qui est la vérité même.16•54
Dès ce moment ma vue surpassa
la parole, qui cède devant une telle vision,
comme cède la mémoire devant une telle profondeur.17•57
Tel celui qui voit en songe,
et en qui, après le rêve, demeure la sensation
éprouvée alors que le reste, à l’esprit, ne revient pas,•60
tel suis-je, avec presque toute évaporée
ma vision, alors que se répand encore
dans mon cœur la douceur qui en naquit.18•63
Ainsi la neige au soleil se dissipe ;
ainsi au vent sur les feuilles légères
se perdaient les sentences de la Sibylle.19•66
Ô lumière suprême qui tant t’élève20
au-dessus des pensées des mortels, à mon esprit
prête de nouveau un peu de ce qui m’apparut,•69
et fais ma langue si puissante,
qu’elle puisse laisser une étincelle de ta gloire
aux générations futures;•72
qu’un peu revienne à ma mémoire
et résonne dans ces vers,
ta victoire se concevra mieux.•75
Je crois, en raison de l’éclat aigu du rayon vivant
que je souffris, que je me serais perdu,
si mes yeux s’en étaient détournés.•78
Et je me rappelle que je fus pour cela
plus fort à le soutenir, jusqu’à unir
mon regard avec l’infinie valeur.21•81
Ô abondante grâce par qui j’ai présumé
fixer mon regard dans la lumière éternelle,
tant que que j’y consumai ma vue!22•84
Dans sa profondeur je vis se fondre,
lié par amour en un volume,
ce qui dans l’univers se fragmente:23•87
substances et accidents étaient comme fusionnés24
ensemble, avec leurs coutumes, d’une manière telle25
que ce que je dis en est un simple reflet. •90
La forme universelle de ce nœud
je crois que je la vis, car disant cela,
je sens en moi s’élargir la joie.26 •93
Un seul instant m’est plus grand oubli27
que vingt-cinq siècles à l’entreprise
qui fit Neptune admirer l’ombre d’Argos.28•96
Ainsi mon âme, toute entière saisie,
admirait fixe, immobile et attentive,
et à toujours plus admirer s’embrasait.29•99
À telle lumière on devient tel,
que s’en détourner pour autre chose
il est à jamais impossible d’y consentir.30•102
car le bien, objet de notre vouloir,,
est tout accueilli en elle, et hors de celle-ci
est déficient ce qui là est parfait.•105
Désormais mes paroles seront plus courtes,
même avec ce dont je me souviens, que celles
d’un enfant qui suce encore la mamelle.31 •108
Non que plus d’une seule figure
ait été dans la lumière vive que je contemplais,
et celle-ci était toujours telle qu’avant;32•111
mais alors que ma vue se fortifiait
à force de regarder, cette seule apparence,
tandis que je muais, pour moi se transformait.33•114
Dans la profonde et lumineuse substance
de la haute lumière m’apparurent trois orbes34
de trois couleurs et d’une même dimension;35•117
et l’un de l’autre, comme d’iris à iris,
paraissait le reflet, et le troisième paraissait de feu36
qui de celui-ci et celui-là procédait.37•120
Oh comme mon dire est court et faible
en regard de mon souvenir ! et lui, par rapport à ce que je vis,
est tel, que dire “peu” ne suffit pas.38•123
Ô lumière éternelle qui seule en toi siège,
seule te comprend, et de toi est comprise
et te comprenant t’aime et te souris!39•126
Dans ce cercle qui paraissait
créé de lumière réfléchie en lui,40
que mes yeux avaient un court moment scruté,41•129
notre image me parut peinte,
en son intérieur, de sa même couleur:42
si bien que mon regard était tout en lui.•132
Comme le géomètre entièrement concentré
à mesurer le cercle, et qui ne retrouve pas,
calculant, ce principe dont il a besoin,•135
tel j’étais devant cette nouvelle vision:43
je voulais voir comment s’ajuste
l’image au cercle et comment elle s’y trouve;44•138
mais ce n’était pas les ailes appropriées:
alors mon esprit fut frappé
par une fulgurance qui accomplit son désir.45•141
Ici la haute imagination manqua de force;46
mais déjà tournait mon désir et mon vouloir,
comme roue est également mue,
l’amour qui meut le soleil et les autres étoiles.47
Cielo decimo • Empireo • Orazione di san Bernardo a Maria • Intercessione di Maria • Dante guarda nella luce di Dio • Visione in Dio dell’ unità dell’universo • Trinità et unità divina • Il mistero dell’incarnazione • Estasi di Dante.
umile e alta più che creatura,
termine fisso d’etterno consiglio,•3
tu se’ colei che l’umana natura
nobilitasti sì, che ’l suo fattore
non disdegnò di farsi sua fattura.•6
Nel ventre tuo si raccese l’amore,
per lo cui caldo ne l’etterna pace
così è germinato questo fiore.•9
Qui se’ a noi meridïana face
di caritate, e giuso, intra ’ mortali,
se’ di speranza fontana vivace.•12
Donna, se’ tanto grande e tanto vali,
che qual vuol grazia e a te non ricorre,
sua disïanza vuol volar sanz’ ali.•15
La tua benignità non pur soccorre
a chi domanda, ma molte fïate
liberamente al dimandar precorre.•18
In te misericordia, in te pietate,
in te magnificenza, in te s’aduna
quantunque in creatura è di bontate.•21
Or questi, che da l’infima lacuna
de l’universo infin qui ha vedute
le vite spiritali ad una ad una,•24
supplica a te, per grazia, di virtute
tanto, che possa con li occhi levarsi
più alto verso l’ultima salute.•27
E io, che mai per mio veder non arsi
più ch’i’ fo per lo suo, tutti miei prieghi
ti porgo, e priego che non sieno scarsi,•30
perché tu ogne nube li disleghi
di sua mortalità co’ prieghi tuoi,
sì che ’l sommo piacer li si dispieghi.•33
Ancor ti priego, regina, che puoi
ciò che tu vuoli, che conservi sani,
dopo tanto veder, li affetti suoi.•36
Vinca tua guardia i movimenti umani :
vedi Beatrice con quanti beati
per li miei prieghi ti chiudon le mani!».•39
Li occhi da Dio diletti e venerati,
fissi ne l’orator, ne dimostraro
quanto i devoti prieghi le son grati;•42
indi a l’etterno lume s’addrizzaro,
nel qual non si dee creder che s’invii
per creatura l’occhio tanto chiaro.•45
E io ch’al fine di tutt’ i disii
appropinquava, sì com’ io dovea,
l’ardor del desiderio in me finii.•48
Bernardo m’accennava, e sorridea,
perch’ io guardassi suso ; ma io era
già per me stesso tal qual ei volea:•51
ché la mia vista, venendo sincera,
e più e più intrava per lo raggio
de l’alta luce che da sé è vera.•54
Da quinci innanzi il mio veder fu maggio
che ’l parlar mostra, ch’a tal vista cede,
e cede la memoria a tanto oltraggio.•57
Qual è colüi che sognando vede,
che dopo ’l sogno la passione impressa
rimane, e l’altro a la mente non riede,•60
cotal son io, ché quasi tutta cessa
mia visïone, e ancor mi distilla
nel core il dolce che nacque da essa.•63
Così la neve al sol si disigilla ;
così al vento ne le foglie levi
si perdea la sentenza di Sibilla.•66
O somma luce che tanto ti levi
da’ concetti mortali, a la mia mente
ripresta un poco di quel che parevi,•69
e fa la lingua mia tanto possente,
ch’una favilla sol de la tua gloria
possa lasciare a la futura gente;•72
ché, per tornare alquanto a mia memoria
e per sonare un poco in questi versi,
più si conceperà di tua vittoria.•75
Io credo, per l’acume ch’io soffersi
del vivo raggio, ch’i’ sarei smarrito,
se li occhi miei da lui fossero aversi.•78
E’ mi ricorda ch’io fui più ardito
per questo a sostener, tanto ch’i’ giunsi
l’aspetto mio col valore infinito.•81
Oh abbondante grazia ond’ io presunsi
ficcar lo viso per la luce etterna,
tanto che la veduta vi consunsi!•84
Nel suo profondo vidi che s’interna,
legato con amore in un volume,
ciò che per l’universo si squaderna:•87
sustanze e accidenti e lor costume
quasi conflati insieme, per tal modo
che ciò ch’i’ dico è un semplice lume.•90
La forma universal di questo nodo
credo ch’i’ vidi, perché più di largo,
dicendo questo, mi sento ch’i’ godo.•93
Un punto solo m’è maggior letargo
che venticinque secoli a la ’mpresa
che fé Nettuno ammirar l’ombra d’Argo.•96
Così la mente mia, tutta sospesa,
mirava fissa, immobile e attenta,
e sempre di mirar faceasi accesa.•99
A quella luce cotal si diventa,
che volgersi da lei per altro aspetto
è impossibil che mai si consenta;•102
però che ’l ben, ch’è del volere obietto,
tutto s’accoglie in lei, e fuor di quella
è defettivo ciò ch’è lì perfetto.•105
Omai sarà più corta mia favella,
pur a quel ch’io ricordo, che d’un fante
che bagni ancor la lingua a la mammella.•108
Non perché più ch’un semplice sembiante
fosse nel vivo lume ch’io mirava,
che tal è sempre qual s’era davante;•111
ma per la vista che s’avvalorava
in me guardando, una sola parvenza,
mutandom’ io, a me si travagliava.•114
Ne la profonda e chiara sussistenza
de l’alto lume parvermi tre giri
di tre colori e d’una contenenza;•117
e l’un da l’altro come iri da iri
parea reflesso, e ’l terzo parea foco
che quinci e quindi igualmente si spiri.•120
Oh quanto è corto il dire e come fioco
al mio concetto! e questo, a quel ch’i’ vidi,
è tanto, che non basta a dicer “poco”.•123
O luce etterna che sola in te sidi,
sola t’intendi, e da te intelletta
e intendente te ami e arridi!•126
Quella circulazion che sì concetta
pareva in te come lume reflesso,
da li occhi miei alquanto circunspetta,•129
dentro da sé, del suo colore stesso,
mi parve pinta de la nostra effige :
per che ’l mio viso in lei tutto era messo.•132
Qual è ’l geomètra che tutto s’affige
per misurar lo cerchio, e non ritrova,
pensando, quel principio ond’ elli indige,•135
tal era io a quella vista nova :
veder voleva come si convenne
l’imago al cerchio e come vi s’indova;•138
ma non eran da ciò le proprie penne :
se non che la mia mente fu percossa
da un fulgore in che sua voglia venne.•141
A l’alta fantasia qui mancò possa ;
ma già volgeva il mio disio e ’l velle,
sì come rota ch’igualmente è mossa,
l’amor che move il sole e l’altre stelle.•145