Le Purgatoire – Chant XXI
Myrte – Myrtus communis – CC BY Roger Culos – SA 3.0
Cinquième corniche • Avares et Prodigues • Rencontre avec Stace • Causes du tremblement de terre et du chant des âmes • Stace de Toulouse à Rome • Stace reconnaît Virgile.
La soif naturelle, qui jamais ne s’étanche
si ce n’est par l’eau dont l’humble femme
de Samarie demanda la grâce,•3
me tourmentait, et me cinglait de hâte
derrière mon guide, sur la voie encombrée,
partageant la douleur de la juste vengeance.•6
Or tout à coup, comme l’écrit Luc
apparut aux deux voyageurs le Christ,
qui avait surgi du sépulcre.•9
une ombre apparut, marchant derrière nous,
qui regardions à nos pieds la foule des gisants ;
nous ne l’avions pas remarquée, elle parla en premier,•12
et dit : « Oh mes frères, Dieu vous donne sa paix ».
Nous nous retournâmes aussitôt, et Virgile
lui rendit le geste de salut qui convenait.•15
Puis il commença : « Qu’au concile des bienheureux
te place en paix le tribunal infaillible
qui me relègue dans l’exil éternel.»•18
« Comment ! », dit-elle, et nous avancions vite :
« si vous êtes des ombres dont Dieu ne veut pas,
qui vous a escorté si haut par ses degrés?».•21
Et mon guide : « Si tu regardes les signes
que celui-ci porte et que l’ange dessina,
tu peux voir qu’il doit régner avec les élus•24
Mais parce que celle qui file jour et nuit
n’a pas encore tiré de la quenouille tout le lin
que Clotho pose et tisse pour chacun,•27
son âme, sœur de la tienne et de la mienne,
allant en haut, ne pouvait aller seule,
parce qu’il ne voit pas comme nous.•30
Je fus tiré hors de l’ample bouche
de l’enfer pour lui montrer, et lui montrerai encore,
autant que pourra le conduire mon savoir.•33
Mais dis-moi, si tu sais, pourquoi tantôt
le mont a été tant secoué, et pourquoi tout d’un bloc
il a semblé crier jusqu’à son pied humide.»•36
Par sa demande, il épousa exactement
mon désir, et par le seul espoir
fit ma soif moins aigüe.•39
L’ombre commença : « Ce n’est pas chose qui
peut éprouver la sainteté du mont
ou qui soit hors de sa règle.•42
Il est libre de toute altération :
la raison en est que le ciel peut recevoir
en lui ce qui vient de lui, et rien d’autre.•45
Car ni pluie, ni grêle, ni neige,
ni rosée, ni givre ne tombent plus haut
que le petit escalier de trois marches;•48
Il n’y a pas nuages épais ou rares,
ni d’éclair, ni la fille de Thamante,
qui là-bas change souvent de contrée;•51
la vapeur sèche ne se lève pas plus haut
que les trois marches dont je parlais,
où le vicaire de Pierre a les pieds posés.•54
Peut-être en-dessous tremble-t-il un peu ou beaucoup ;
mais un vent caché sous terre ne le fait jamais,
je ne sais comment, trembler au-dessus.•57
Il tremble quand une âme se sent
assez purifiée, pour se lever où pour monter
au sommet ; et ce cri l’accompagne.•60
La seule preuve de cette purification est la volonté,
en toute liberté, de changer d’assemblée, qui
surprend l’âme, et cette volonté la réjouit.•63
Avant elle le veut, mais la justice divine,
contre sa volonté, ne lui en laisse pas le désir,
alors elle se livre à la pénitence, comme elle le fut au péché.•66
Et moi, qui fut couché dans cette peine
cinq cent ans et plus, j’ai senti seulement maintenant
la libre volonté d’un ciel meilleur:•69
tu entendis alors le tremblement de terre et
par le mont les pieux esprits rendre louanges
à Dieu, afin que vite il les appelle au ciel.»•72
Ainsi dit-il ; et comme on se réjouit
d’autant plus de boire que sa soif a été grande
je ne saurais dire quel plaisir il me fit.•75
Et mon sage guide : « Désormais je vois le filet
qui vous tient ici et comment on s’en échappe,
pourquoi tremble le mont et de quoi vous vous réjouissez.•78
Maintenant plaise à toi que j’apprenne qui tu fus,
et pourquoi tu restas tant de siècles
gisant ici, fais le moi comprendre par tes paroles.»•81
« Au temps du valeureux Titus qui, avec l’aide
du roi suprême, vengea les blessures
d’où coula le sang vendu par Judas,•84
j’étais là », répondit cet esprit,
« avec le nom qui dure et honore le plus,
célèbre, mais encore sans la foi.•87
Mon chant poétique fut si doux,
que, Toulousain, Rome me tira à soi,
et j’y ornais mes tempes de myrthe.•90
les gens encore y savent mon nom, Stace ;
je chantais Thèbes, et le grand Achille ;
mais je tombais en chemin sous la seconde charge.•93
Les étincelles de la flamme divine
à laquelle plus de mille s’embrasèrent,
furent la semence de mon ardeur;•96
je parle de l’Énéide, qui fut ma
mère, et ma nourrice, en poésie ;
sans elle, ce que j’ai fait ne pèserait pas une drachme.•99
Et pour avoir été vivant quand
vécut Virgile, j’accepterais une année
de plus que je ne dois pour sortir d’exil.»•102
Virgile se tourna vers moi à ces paroles
et du regard, se taisant, dit “tais-toi” ;
mais la volonté ne peut tout;•105
car rires et pleurs épousent de si près
la passion dont chacun naît, que même
chez les hommes les plus sincères, ils échappent à la volonté.•108
Je souris cependant d’un bref clin d’œil ;
cela fit se taire l’ombre, qui me regarda
dans les yeux là où se montre le mieux nos faux-semblants;•111
et « mène à bonne fin tant de travail »,
dit-il, « mais pourquoi tantôt, ton visage m’a-t-il
montré, le temps d’un éclair, un rire?».•114
Maintenant je suis pris de part et d’autre ;
l’un me fait taire, l’autre me conjure
de parler ; aussi je soupirais, et je suis compris•117
de mon guide, et « ne crains pas
de parler » me dit-il ; mais parle et dis-lui
ce qu’il demande avec tant d’empressement.»•120
Alors moi : « Peut-être t’étonnes-tu
antique esprit, de mon rire ;
mais je veux que tu sois encore plus surpris.•123
Celui qui guide mon regard vers le ciel,
est ce Virgile dont tu as reçu
la force de chanter les hommes et les dieux.•126
Si tu as cru que mon rire avait une autre raison,
laisse-là pour fausse, et crois que ce sont
les paroles que tu as dites à propos de lui.»•129
Déjà il s’inclinait pour embrasser les pieds
de mon guide, mais celui-ci lui dit : « Frère,
ne fais pas cela, tu es ombre et tu vois une ombre.»•132
Et se levant: « tu peux comprendre
la quantité d’amour qui me brûle pour toi,
puisque j’en oublie notre vaine apparence,
traitant les ombres comme des corps solides.»•136
Girone quinto • Avari e Prodighi • Virgilio e Dante raggiunti dall’anima di Stazio • Spegazione sul terremoto e il canto delle anime • Stazio da Tolosa a Roma • Venerazione di Stazio per Virgilio.
La sete natural che mai non sazia
se non con l’acqua onde la femminetta
samaritana domandò la grazia,•3
mi travagliava, e pungeami la fretta
per la ’mpacciata via dietro al mio duca,
e condoleami a la giusta vendetta.•6
Ed ecco, sì come ne scrive Luca
che Cristo apparve a’ due ch’erano in via,
già surto fuor de la sepulcral buca,•9
ci apparve un’ombra, e dietro a noi venìa,
dal piè guardando la turba che giace ;
né ci addemmo di lei, sì parlò pria,•12
dicendo : « O frati miei, Dio vi dea pace ».
Noi ci volgemmo sùbiti, e Virgilio
rendéli ’l cenno ch’a ciò si conface.•15
Poi cominciò : « Nel beato concilio
ti ponga in pace la verace corte
che me rilega ne l’etterno essilio».•18
« Come ! », diss’ elli, e parte andavam forte :
« se voi siete ombre che Dio sù non degni,
chi v’ha per la sua scala tanto scorte?».•21
E ’l dottor mio : « Se tu riguardi a’ segni
che questi porta e che l’angel profila,
ben vedrai che coi buon convien ch’e’ regni.•24
Ma perché lei che dì e notte fila
non li avea tratta ancora la conocchia
che Cloto impone a ciascuno e compila,•27
l’anima sua, ch’è tua e mia serocchia,
venendo sù, non potea venir sola,
però ch’al nostro modo non adocchia.•30
Ond’ io fui tratto fuor de l’ampia gola
d’inferno per mostrarli, e mosterrolli
oltre, quanto ’l potrà menar mia scola.•33
Ma dimmi, se tu sai, perché tai crolli
diè dianzi ’l monte, e perché tutto ad una
parve gridare infino a’ suoi piè molli».•36
Sì mi diè, dimandando, per la cruna
del mio disio, che pur con la speranza
si fece la mia sete men digiuna.•39
Quei cominciò : « Cosa non è che sanza
ordine senta la religïone
de la montagna, o che sia fuor d’usanza.•42
Libero è qui da ogne alterazione :
di quel che ’l ciel da sé in sé riceve
esser ci puote, e non d’altro, cagione.•45
Per che non pioggia, non grando, non neve,
non rugiada, non brina più sù cade
che la scaletta di tre gradi breve;•48
nuvole spesse non paion né rade,
né coruscar, né figlia di Taumante,
che di là cangia sovente contrade;•51
secco vapor non surge più avante
ch’al sommo d’i tre gradi ch’io parlai,
dov’ ha ’l vicario di Pietro le piante.•54
Trema forse più giù poco o assai ;
ma per vento che ’n terra si nasconda,
non so come, qua sù non tremò mai.•57
Tremaci quando alcuna anima monda
sentesi, sì che surga o che si mova
per salir sù ; e tal grido seconda.•60
De la mondizia sol voler fa prova,
che, tutto libero a mutar convento,
l’alma sorprende, e di voler le giova.•63
Prima vuol ben, ma non lascia il talento
che divina giustizia, contra voglia,
come fu al peccar, pone al tormento.•66
E io, che son giaciuto a questa doglia
cinquecent’ anni e più, pur mo sentii
libera volontà di miglior soglia:•69
però sentisti il tremoto e li pii
spiriti per lo monte render lode
a quel Segnor, che tosto sù li ’nvii».•72
Così ne disse ; e però ch’el si gode
tanto del ber quant’ è grande la sete,
non saprei dir quant’ el mi fece prode.•75
E ’l savio duca : « Omai veggio la rete
che qui vi ’mpiglia e come si scalappia,
perché ci trema e di che congaudete.•78
Ora chi fosti, piacciati ch’io sappia,
e perché tanti secoli giaciuto
qui se’, ne le parole tue mi cappia».•81
« Nel tempo che ’l buon Tito, con l’aiuto
del sommo rege, vendicò le fóra
ond’ uscì ’l sangue per Giuda venduto,•84
col nome che più dura e più onora
era io di là », rispuose quello spirto,
« famoso assai, ma non con fede ancora.•87
Tanto fu dolce mio vocale spirto,
che, tolosano, a sé mi trasse Roma,
dove mertai le tempie ornar di mirto.•90
Stazio la gente ancor di là mi noma :
cantai di Tebe, e poi del grande Achille ;
ma caddi in via con la seconda soma.•93
Al mio ardor fuor seme le faville,
che mi scaldar, de la divina fiamma
onde sono allumati più di mille;•96
de l’Eneïda dico, la qual mamma
fummi, e fummi nutrice, poetando :
sanz’ essa non fermai peso di dramma.•99
E per esser vivuto di là quando
visse Virgilio, assentirei un sole
più che non deggio al mio uscir di bando».•102
Volser Virgilio a me queste parole
con viso che, tacendo, disse “Taci” ;
ma non può tutto la virtù che vuole;•105
ché riso e pianto son tanto seguaci
a la passion di che ciascun si spicca,
che men seguon voler ne’ più veraci.•108
Io pur sorrisi come l’uom ch’ammicca ;
per che l’ombra si tacque, e riguardommi
ne li occhi ove ’l sembiante più si ficca;•111
e « Se tanto labore in bene assommi »,
disse, « perché la tua faccia testeso
un lampeggiar di riso dimostrommi?».•114
Or son io d’una parte e d’altra preso :
l’una mi fa tacer, l’altra scongiura
ch’io dica ; ond’ io sospiro, e sono inteso•117
dal mio maestro, e « Non aver paura »,
mi dice, « di parlar ; ma parla e digli
quel ch’e’ dimanda con cotanta cura».•120
Ond’ io : « Forse che tu ti maravigli,
antico spirto, del rider ch’io fei ;
ma più d’ammirazion vo’ che ti pigli.•123
Questi che guida in alto li occhi miei,
è quel Virgilio dal qual tu togliesti
forte a cantar de li uomini e d’i dèi.•126
Se cagion altra al mio rider credesti,
lasciala per non vera, ed esser credi
quelle parole che di lui dicesti».•129
Già s’inchinava ad abbracciar li piedi
al mio dottor, ma el li disse : « Frate,
non far, ché tu se’ ombra e ombra vedi».•132
Ed ei surgendo : « Or puoi la quantitate
comprender de l’amor ch’a te mi scalda,
quand’ io dismento nostra vanitate,
trattando l’ombre come cosa salda».•136