La Divina Cometa est le nouveau film d’un réalisateur rare, Mimmo Paladino. Dans ce conte fantastique, un Dante silencieux rencontre les personnages de sa Divine Comédie et du presepe napolitain. Nous sommes allés le voir en salle à Milan le 11 mai 2023. 

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Scène extraite de la bande annonce du film La Divina Cometa

L’histoire commence ainsi: une mer transparente, un ciel immaculé et une barque qui traverse lentement l’écran. Une fanfare joue doucement la comptine enfantine Tu scendi delle stelle. À côté du mât, se détache, tout aussi roide que celui-ci,  la silhouette d’un homme vêtu d’une ample robe rouge.

Ainsi va Dante dans La Divina Cometa. Solitaire et muet il parcourt les cercles de l’Enfer et cherche «à revoir les étoiles». Il n’est pas seul dans cette quête. Il croise une famille de sans abri qui erre à la recherche d’un toit, cinq mages, un disciple de Pythagore, et aussi Francesca, Paolo et Ugolino, Giordano Bruno… 

Il faut se laisser porter par la beauté et la poésie du film

Le film de Mimmo Paladino est un rêve où se mélangent et se confondent la Divine Comédie et les personnages du presepe napolitain, cette crèche de la piété populaire où se revit la scène de l’adoration des mages dans une grotte dont l’entrée est surmontée d’une comète scintillante.

S’il faut chercher une histoire et une logique, le synopsis du film peut faire office de refuge:

Le comte Ugolino et Paolo et Francesca racontent leurs souffrances, au milieu d’anecdotes de l’histoire de la photographie et de la peinture, entre symboles et mots, entre Pontormo et Glenn Gould. Dante, sans voix, traverse les guerres, les blasphèmes et les misères, dans un voyage dans le temps et l’espace de la créativité et des idées les plus hérétiques.

Mais le monde de Mimmo Paladino n’est pas celui de Descartes et il est préférable de se laisser porter par la beauté et la poésie des images, le charme déroutant du napolitain archaïsant qui se frotte à l’italien classique. 

Un puzzle qui s’ordonne progressivement

À son début, le film est un pêle-mêle de scènes apparemment sans lien entre elles: quel est ce trio familial qui erre dans une ville? Pourquoi cherche-t-il le «vingt-cinq»? Que font-ils dans le salon d’une dame noble? Pourquoi Dante et cette famille se retrouvent-ils dans une église? Que font un âne et un bœuf dans cette église? 

Progressivement pourtant le puzzle s’ordonne, les lignes entre les histoires se tendent et se nouent. Les personnages de ce voyage à proprement parler “extraordinaire” se mettent en place. Nous sommes à la fois dans un passé lointain, celui vieux de sept siècles de la Divine Comédie et de la tradition du presepe née il y a huit cents ans mais aussi dans une actualité brûlante avec cette famille errante de sans abri. 

Mimmo Paladino n’est pas prisonnier de la tradition. Il se joue des codes. À l’image traditionnelle des trois mages censés apporter l’or, la myrrhe et l’encens, ce sont cinq mages que nous rencontrons dans La Divina Cometa: Le mage de la peinture, celui de la musique, celui de la poésie, celui du théâtre et «il maggio nulla» composent une petite troupe qui se rassemble doucement et qui jamais ne rejoindra le presepe. Mais était-ce réellement leur but? 

Mimmo Paladino est un artiste du Transavangerde 

La Divina Cometa est un film d’auteur au sens fort du terme. Il est à l’image de son réalisateur, Mimmo Paladino, l’un des plus importants représentants de ce mouvement artistique né dans les années 1970 en Italie, le Transavangarde. Il est tout à la fois un peintre, un sculpteur et un graveur reconnu et ses œuvres sont exposées à Bologne, à Naples ou à New York. 

La beauté plastique et formelle de La Divina Cometa doit beaucoup à cet héritage. Le choix des décors, une gare abandonnée, un stade, une cave, une fonderie, le sanctuaire de San Michele Archangelo lieu de pèlerinage ou encore Hortus Conculusus, une installation qu’il a créée en 1992 au Couvent San Domenico à Bénévent… composent autant de tableaux. Car c’est en peintre que Mimmo Paladino filme, même s’il s’en défend mollement:

J’ai toujours pensé qu’un film ne remplaçait pas la peinture, il ne se superposait pas à elle, c’était simplement autre chose. Mais en même temps, si on regarde dans l’objectif, dans le rectangle de l’appareil photo, on peut imaginer que c’est l’espace de la toile.1

Film réalisé sans grands moyens, La Divina Cometa réunit pourtant un casting étonnant. On y croise quelques-uns des plus grands acteurs italiens comme Toni Servillo qui endosse le rôle d’Ugolino, Francesco De Gregori, celui du mage de la musique, Nino D’Angelo qui est le mage de la poésie et Sergio Vitolo qui est Dante. Il est porté par une bande-son étonnante avec des chansons de Brian Eno et de Philip Glass mais aussi des Fratelli Mancuso, des chanteurs traditionnels siciliens. 

Bref, on a hâte de voir ce film sortir en France.