Marie Jaëll: Ce qu’on entend dans l’enfer, dans le purgatoire et dans le paradis

Marie Jaëll: Ce qu’on entend dans l’enfer, dans le purgatoire et dans le paradis

Marie Jaëll est une grande compositrice française du XIXe siècle. Son œuvre tombée dans l’oubli est actuellement redécouverte en particulier une pièce pour piano d’une grande maturité, le triptyque “Ce qu’on entend dans l’enfer”, “Ce qu’on entend dans le purgatoire” et “Ce qu’on entend dans le paradis”. Trois solistes, Cora Irsen, Viviane Goergen et la jeune pianiste française Célia Onesto Bensaïd s’en sont emparées et, par leurs interprétations, font revivre cette belle endormie, qui est un hommage à Dante Alighieri. 

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Marie Jaëll vers 1900. Bibliothèque Universitaire de Strasbourg

En 1894, la compositrice française Marie Jaëll publie chez l’éditeur Heugel dix-huit pièces pour piano. Elles sont regroupées —par six— en trois grandes parties, sobrement titrées, Ce qu’on entend dans l’enfer, Ce qu’on entend dans le purgatoire et Ce qu’on entend dans le paradis. La tripartition de la Divine Comédie en trois cantiques est donc parfaitement respectée. 

C’est cette œuvre que fait revivre la pianiste Viviane Goergen dans un CD qui vient de paraître, édité par le label Hänssler. Chacune des 18 pièces qui compose ce triptyque possède un titre évocateur que lui a donné Marie Jaëll.

Ce qu’on entend dans l’enfer” s’ouvre par Poursuite, un morceau rythmé, où l’on imagine bien Dante essayant d’échapper aux trois bêtes du Chant I. Raillerie, la pièce suivante offre une respiration grâce à sa musique légère. Une légèreté nécessaire, car Appel qui enchaîne est autrement plus noir. Ses notes sombres et son rythme obsédant, qui s’en va crescendo avant de s’alanguir sur le final, nous plongent dans la nuit d’un enfer où résonnent les cris de désespoir des damnés.

La cascade claire qui mime les flammes légères

Dans les flammes commence sur une tonalité presque guillerette, avec ses notes claires. On y voit les jambes parcourues de flammes du pape simoniaque Nicolas III s’agitant en vain sous le regard de Dante et de Virgile. Au fur et à mesure le contraste se creuse entre des notes de plus en plus graves —les souffrances du damné— et la cascade claire qui mime les flammes légères. Blasphèmes est sans doute un des plus beaux morceaux de ces 18 pièces, porté par la délicatesse de sa composition. Ce qu’on entend de l’enfer  s’achève ensuite par un Sabbat enlevé et presque joyeux. 

Ce qu’on entend dans le purgatoire ne cède en rien à la première partie. L’univers musical est plus apaisé et plus méditatif comme l’affirme par sa douceur la première pièce Pressentiments. Désirs impuissants qui suit est —peut-être— l’un des morceaux les plus subtils et complexes de l’ensemble de la composition, avec cette impression de vagues musicales qui se brisent sans cesse et sans fin. Alanguissement avec sa petite ritournelle et sa lenteur nous emmène sur la corniche des Paresseux, ces esprits coupables du péchè d’accidie. Cette douceur ne nous prépare pas  à la forte expressivité de Remords, sans doute le cœur de cette partie consacrée au Purgatoire.

De remords, il est sans doute question aussi dans Maintenant et jadis morceau construit sur une tension entre un temps présent, fait de pénitence et de regrets, aux notes fortes et graves, et de souvenirs qui coulent dans une douce et harmonieuse cascatelle. Peut-être faudrait-il d’ailleurs inverser ces propositions entre “temps présent” et  “passé”? À l’écoute chacun trouvera sa logique, car Marie Jaëll n’a pas laissé de clé d’interprétation. Obsession qui tourne dans une boucle répétitive et s’élargit progressivement en spirale marque la fin de ce Purgatoire. 

Trois enregistrements récents de l’œuvre

La musique de Ce qu’on entend dans le paradis est beaucoup plus élégiaque. Marie Jaëll essaie de retrouver l’harmonie céleste que décrit Dante dans la Divine Comédie. Dans les morceaux qui ont pour nom Apaisement, Voix célestes, Hymne ou encore Quiétude, Souvenance et Contemplation tout n’est que douceur et béatitude. À la pianiste qui joue ces morceaux de trouver la juste interprétation. 

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L’intégrale de l’œuvre pour piano de Marie Jaëll, interprétée par Cora Irsen

Car, chance incroyable pour une œuvre longtemps oubliée, nous avons aujourd’hui trois enregistrements récents et de qualité. L’interprétation de Vivianne Goergen, une soliste qui a déjà fait revivre des œuvres d’autres compositeurs et compositrices oubliées, est délicate et sensible. D’aucun pourront préférer celle plus fluide et enlevée de Célia Onesto Bensaïd chez Présence Compositrices (2022), ou encore celle lumineuse de Cora Irsen, qui a enregistré l’intégrale de l’œuvre pour piano de Marie Jaëll (Querstand, WDR, 2015). Le triptyque « Ce qu’on entend dans le…” se trouve sur le 2ème CD de cette intégrale.

L’histoire ne nous dit pas quand, ni dans quelles circonstances Marie Jaëll a lu la Divine Comédie, source de son inspiration. Peut-être auprès de son mari, le pianiste virtuose Alfred Jaëll, qui était né à Trieste. La ville était alors partie de l’Empire austro-hongrois, mais l’empreinte italienne y était forte. Peut-être lors de ses voyages en Italie, pendant sa carrière de concertiste, elle qui avait obtenu le premier prix du conservatoire de Paris à douze ans. Peut-être aussi auprès de Franz Liszt, le maître de Weimar, dont elle fut très proche, et qui composa une Dante-Symphonie et aussi une sonate Après une lecture de Dante

Les difficultés d’être compositrice pour une femme au XIXe siècle

L’histoire de cette composition perdue puis retrouvée nous dit beaucoup en revanche des difficultés pour une femme en cette deuxième moitié du XIXe siècle d’être concertiste puis compositrice. Ses parents, en particulier sa mère, son mari Alfred Jaëll, lui-même concertiste réputé, lui permirent par leur soutien constant d’affirmer ses multiples talents. La musicologue Florence Launy explique: 

Elle eut la chance de devenir la femme d’un artiste qui non seulement appréciait son talent, mais l’encourageait et l’associait au sien. Mariés en 1866, Marie et Alfred Jaëll donnèrent nombre de concerts ensemble avant que Marie n’entame en 1870 ses études de composition. La correspondance d’Alfred avec Franz Liszt atteste qu’il encouragea son épouse lorsqu’elle commença à s’intéresser à l’écriture. Le couple interpréta à plusieurs reprises en concert les Valses de Marie. Alfred joua l’Andante et le Scherzo de son Quatuor avec piano lors d’une tournée dans le Nord de la France en 1877.1 

Malheureusement, Alfred diabétique devait décéder en 1882. Cette disparition ne devait pourtant pas éteindre l’activité de compositrice de Marie. Elle bénéficiait d’un soutien de poids en la personne de Franz Liszt. Il lui écrit lorsqu’il l’invite en 1884: 

Ne manquer pas d’apporter à la Hofgaertnerei la partition et les parties d’orchestre de votre Concerto, œuvre maîtresse et géniale.2 

L’année suivante, Liszt la laissera terminer sa Mephisto Walz n°3, une œuvre pour piano extrêmement novatrice pour l’époque. Difficile d’imaginer plus grand signe de confiance!

Formée à la composition par Camille Saint-Saëns

Bien que Marie Jaëll ait composé une centaine de pièces de musique, qu’elle se soit formée à la composition auprès de Bernard Franck, puis de Camille Saint-Saëns, on sent à travers ses lettres une fragilité due peut-être à la difficulté à l’époque pour une femme de marier sphère publique et sphère privée. Florence Launay remarque: 

Outre ses fonctions de maîtresse de maison (même aidée de domestiques, c’est toujours l’épouse qui veille aux besoins du ménage), Marie Jaëll devait gagner sa vie par des concerts et des activités pédagogiques, (…)  Il lui fallait aussi, ainsi que toute femme de son époque, s’occuper de son apparence, pour des garde-robes complexes exigeant de nombreux essayages.3

Une fragilité peut-être aussi intérieure, témoin ce qu’elle écrivait en 1878 à son ami Édouard Schuré

À la femme, qu’elle soit douée ou non, l’homme prend à peu près toutes les choses dont il tire ses forces pour produire. Il lui prend la vie. Combien de fois me suis-je vue sombrer avec tous mes rêves dans ce seul fait. L’union de deux êtres peut, certes, être belle, splendide, merveilleuse ; mais, […] la femme doit-elle toujours succomber et faire le choix entre les ailes du corps et celles de l’âme, sacrifier les unes aux autres ? Ne peut-elle garder quatre ailes ? C’est un mystère dont j’ai voulu voir la fin ; le rêve était-il trop téméraire. 4

Marie_Jaelle_Partition_de_Daprès_la_lecture_de_Dante

La partition de “Ce qu’on entend après…” Document: BU Strasbourg

Quelque soit ses failles personnelles, et l’état de la société, en 1894, c’est en compositrice reconnue —elle a été admise en 1887 à la Société des compositeurs de musique— qu’elle présente son triptyque Ce qu’on entend dans…, une pièce maîtresse, qu’elle pense originale. D’ailleurs, signe de sa qualité, elle trouve immédiatement un éditeur. 

Pourtant l’accueil est frais, en particulier celui d’un homme qui compte énormément pour Marie Jaëll. C’est auprès de Camille Saint-Saëns qu’elle a pris des cours de composition. Elle en est très proche. Le compositeur français ne lui a-t-il pas dédié, à l’époque où elle était une concertiste reconnue, son Concerto n°1 (créé en 1862), elle-même n’a-t-elle pas composée, pour la mort d’un de ses fils, Am Grabe eines Kindes (Au tombeau d’un enfant), un chœur avec accompagnement d’orchestre, en 1879? 

Mais en 1894, elle n’a plus auprès d’elle ses deux fidèles soutiens, son mari Alfred Jaëll et Franz Liszt. Tous deux sont décédés. Est-ce cela qui la fera renoncer à la composition? En tout cas, le constat est là. À la suite de Ce qu’on entend dans l’enfer, le purgatoire et le paradis, Marie Jaëll renonce à composer des œuvres d’envergure. Elle se tourne définitivement vers l’enseignement et travaille sa méthode d’apprentissage du piano, qui fera longtemps sa renommée. 

Ce renoncement n’en donne qu’encore plus de valeur à ce triptyque qui est de facto son testament de compositrice. 

DANTE – From Inferno to Paradise, de Patrick Cassidy

DANTE – From Inferno to Paradise, de Patrick Cassidy

DANTE – From Inferno to Paradise est un très beau et très personnel opéra composé et écrit par Patrick Cassidy, un amoureux du poète florentin auquel il a emprunté les vers pour en écrire le livret. Cette œuvre a été créée à Hof, en Allemagne en juin 2024, dans une mise en scène contemporaine. 

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Dante (Minseok Kim) chante l’exil auquel il est destiné. Photo: Harold Dietz

Par un tweet sur X (ex Twitter) le 28 juin j’ai appris l’existence de DANTE – From Inferno to Paradise, l’opéra de Patrick Cassidy. Par le même tweet, j’ai su que le Théâtre de Hof accueillait cette création. Quelques jours plus tard, j’étais dans les rues de cette petite ville de Bavière, voisine de la prestigieuse Bayreuth. Un voyage en terre d’opéra donc. 

«Dante devait apparaître habillé en soldat dans la scène d’ouverture», explique Patrick Cassidy. Nous sommes loin du costume des feditori, ces jeunes cavaliers jettés au cœur des féroces batailles d’Italie au XIIIe siècle. C’est un Dante (Minseok Kim), austère, tout de noir vêtu qui apparaît au premier acte. La scène elle-même est sombre et les choristes vêtus d’un ample vêtement noir. 

Vide Cor Meum ouvre l’opéra

Béatrice est là. Sa longue robe rouge aux reflets moirés tranche. Impossible de ne pas reconnaître le thème musical, que Patrick Cassidy avait déjà esquissé en 2001 pour le film Hannibal. Les notes, le rythme et la mélodie de Vide Cor Meum se déploient dans toute leur majestueuse harmonie dans la salle du TheaterHof. 

Patrick Cassidy fait en effet débuter la narration de DANTE – From Inferno to Paradise par le rêve raconté dans la Vita Nuova:  Amour —Seigneur à l’apparence effrayante («di pauroso aspetto»)— tient Béatrice, seulement enveloppée d’un drap rouge, tandis qu’il brandit un cœur enflammé en disant à Dante «Vide cor Tuum» (Voici ton cœur). Cette scène devait inspirer au poète le célèbre sonnet A ciascun’alma presa e gentil core («À toutes âmes éprises et nobles cœurs»)5 et donc inspirer aussi quelques siècles plus tard un compositeur irlandais du comté de Mayo, Patrick Cassidy.

Le chant du désespoir de Dante

La scène suivante noue le —les— drames, qui poursuivront Dante toute sa vie. Béatrice meurt et sa chère Florence est occupée par des troupes brandissant le lys français. Au noir de la scène répond le noir de la musique. Le chant de Dante est celui du désespoir: «Il m’a semblé que le soleil s’était éteint et qu’une étoile était apparue»; celui de Béatrice de l’apaisement dans la mort: «Je suis en paix, Hosanna in excelsis

Dante prend le chemin de l’exil, obéissant à l’ordre impérieux que lui adresse le chœur: «Tu dois quitter Florence!» Une certaine Matelda le lui avait déjà annoncé: «Tu découvriras, le goût amer du pain étranger». Elle endosse ainsi dans la pièce le rôle prophétique du Cacciaguida de la Divine Comédie

Matelda dans l’opus complet a une présence autrement importante en particulier dans les scènes du Paradis. Mais Patrick Cassidy a dû retrancher —un crève-cœur— près de 40 minutes, car le théâtre de Hof voulait une pièce sans entracte, et de ce fait la durée ne devait pas dépasser une heure trente. Il a dû consentir également, alors que le livret de l’opéra est dans la langue de Dante, à un narratif en allemand sorte de guide de l’œuvre pour les spectateurs de Hof. Un ajout inutile pour qui connaît un tant soit peu l’œuvre de Dante, tant Patrick Cassidy en respecte la trame et en épouse les contours. 

Un choix guidé par la tessiture des voix

C’est, coiffée d’un casque de cheveux blancs brillants et appuyée sur une canne, “une” Virgile (Stefanie Rhaue) qui guide Dante dans les cercles de l’Enfer. Trouvaille étonnante de confier le rôle de Virgile à une femme. Un choix guidé par la tessiture des voix et qui se révèle une remarquable réussite tant celle de la mezzo soprano Stefanie Rhaue dialogue parfaitement avec celle du ténor Minesok Kim. 

Leurs chants vont ainsi se répondre lorsqu’ils croisent le chemin de Caron, le passeur de l’Achéron, de Paolo et Francesca, les deux amants unis pour l’éternité dans la tourmente infernale, quand ils s’approchent de Dis, et  rencontrent les trois furies aux cheveux de serpents qui gardent les remparts de la Cité. La pureté de leurs chants éclairent alors la noirceur de l’Enfer 

La musique, les chants de Dante et celui en contrepoint de Virgile, ceux d’Yvonne Prentki, qui endosse plusieurs rôles —Matelda, Francesca…—, la place essentielle du chœur donnent à l’opéra de Patrick Cassidy, dont la musique semble parfois nourrie de ses origines gaéliques une force et une profondeur singulière, qui ne serait pas sans rappeler par moment celle des grandes cérémonies liturgiques par leur ampleur mélodique. 

Une mise en scène d’une beauté sombre

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Patrick Cassidy: «Peut-être que Dieu est cela: la beauté. Qui sait?». Photo: Harold Dietz

Mais cette cérémonie liturgique —si tant est qu’elle en soit une— est aussi une comédie, retrouvant ainsi les racines de l’œuvre de Dante. C’est le cas, par exemple, lorsque l’on voit Nicolas III (Michal Rudziński), pape ridicule, traîner lui-même sur la scène son cercueil. «Je ne suis pas croyant comme l’était Dante, dit Patrick Cassidy. Les réponses étaient alors en “noir” ou “blanc”. Mais l’une des choses les plus fortes à propos de la croyance est qu’elle conduit à l’art et à la beauté. Et peut-être que Dieu est cela: juste la beauté, Qui sait?»

L’esthétique de la mise en scène —moderne— de Reinhardt Friese est délibérément sombre. Noirs sont les costumes des chanteurs et des chanteuses, à l’exception de quelques détails comme la chemise blanche de Virgile ou la robe rouge de Béatrice; noirs sont les vêtements des choristes, parfois éclairés d’un masque blanc; noirs sont les tenues des danseurs et des danseuses; noirs sont les décors qui s’ouvrent, en fond de scène, sur une large fenêtre lumineuse où s’affichent d’abord des visages grotesques et effrayants, des regards, des scènes sanglantes et qui au fur et à mesure que Dante progressera vers le Purgatoire, puis le Paradis s’éclairera.

Cette mise en scène proche de la science-fiction ou du fantastique, n’est pas pour déplaire à Patrick Cassidy, car, «oui dit-il, il s’agit de science-fiction, par exemple quand le comte Ugolino dévore le crâne». Cette scène, aux chants poignants, car s’y raconte l’histoire de la mort d’Ugolino et de ses enfants, est particulièrement réaliste. On y voit Ugolino brandir devant lui la tête ensanglantée de l’archevêque Ruggieri, dans un geste qui rappellera aux familiers de l’œuvre de Gustave Doré, celui de Bertrand de Born brandissant sa propre tête, dans un autre cercle de l’Enfer.

La joie de voir un rêve se concrétiser

Dante traverse donc l’Enfer jusqu’à cette scène dramatique de toute beauté, portée par le chœur, «Nous montons, lui le premier, moi le suivant, jusqu’à ce que je vois par un perthuis les belles choses du Ciel», qui voit Dante rencontrer Lucifer, le seigneur de l’Enfer aux trois visages, et quitter cet univers de bruit et de chaînes —symbole de la justice divine?— qui entravent et lient tous les damnés. 

Au Purgatoire, le décor s’éclaire progressivement au fur et à mesure que les “P”, ces «blessures», symboles des péchés, que l’ange a gravées sur le front de Dante s’effacent, après qu’il ait passé les «ombres (des orgueilleux) qui portent de lourds fardeaux», puis celles des envieux, puis… puis il rêve d’une sirène qui est chassée par Béatrice. 

Virgile s’efface. Nous sommes au Paradis. Dante et Virgile sont de nouveau réunis et montent vers les étoiles, le chœur entonnant «Et de ce cœur brûlant elle se nourrissait, craintif et humble» et Dante «Voici mon cœur»… l’opéra s’achève ainsi sur des notes apaisées reprenant le thème de Vide Cor Meum

L’espoir de revoir cet opéra en Italie ou en France

L’histoire de cet opéra est à la fois une grande joie pour Patrick Cassidy car il a vu après dix ans de travail, son rêve se concrétiser au TheaterHof en ces mois de juin-juillet 2024, avec une production de qualité, tant par les chanteurs, les choristes, les danseurs et l’orchestre. 

Mais, c’est aussi pour lui une grande douleur. En effet, Dante – From Inferno to Paradise, devait initialement être joué à Vérone (dans sa version longue), dans le cadre des festivités du 700e anniversaire de la mort de Dante en… 2021. Il fut malheureusement décommandé en raison de l’épidémie de Covid. Comble de malheur, Martha De Laurentiis (qui avait produit Hannibal avec son mari Dino de Laurentiis) la productrice du spectacle, devait s’éteindre en décembre 2021 compromettant un peu plus la création. 

Pour l’instant, cet opéra a connu seulement une quinzaine de représentations dans le seul TheaterHof. Il serait plus que dommage que l’aventure s’arrête là. Certes il n’est pas produit ou n’a pas été commandé par une institution comme l’Opéra de Paris, comme c’est le cas pour The Dante Project, le ballet de Wayne McGregor (partition de Thomas Adès), ou Il Viaggio Dante de Pascal Dusapin, ce qui rend plus difficile sa diffusion. Mais Patrick Cassidy souhaite qu’il soit de nouveau monté —dans sa version longue— en Italie et pourquoi pas en France, et travaille dans ce sens. 

En France, d’ailleurs, nous aurons peut-être bientôt la chance d’entendre The Mass, l’une des grandes œuvres de Patrick Cassidy dont nous ne connaissons ici que la version discographique interprétée par le London Symphonic Orchestra

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Le salut à la fin de la représentation par les interprètes de DANTE – From Inferno to Paradise. Photo: Marc Mentré

DANTE – From Inferno to Paradise 

  • Composition et livret de Patrick Cassidy, avec, dans la version donnée au TheaterHof, la participation de Lothar Krause pour le livret. 
  • Textes de Dante Alighieri tirés de Vita Nuova et de Divina Commedia
  • Mise en scène de Reinhardt Friese

Distribution

  • Dante, Minseok Kim
  • Béatrice, Inga Lisa Lehr
  • Virgile, Stefanie Rhaue
  • Matelda/Francesca/Sirène, Yvonne Prentki
  • Charon/Nicolas III, Michal Rudziński
  • Orchestre, Choeur et corps de ballet du TheaterHof

(Cet Opéra a été joué du 15 juin au 12 juillet)

  • Le site de Patrick Cassidy, très complet permet de retracer le parcours de ce compositeur irlandais et de découvrir ses principales compositions.
No Gravity: Divina Commedia, Dall’Inferno al Paradiso

No Gravity: Divina Commedia, Dall’Inferno al Paradiso

Il ne restait quasiment plus une place de libre dans la vaste salle du Teatro Olimpico de Rome ce 14 mai 2024 pour assister au spectacle de la compagnie No Gravity: Divina Commedia, Dall’Inferno al Paradiso. Dans ce ballet inspiré de la Divine Comédie, les danseuses et les danseurs, libérés des chaînes de la pesanteur, semblent flotter dans l’espace.

Divina Commedia, Dall'Inferno al Paradiso, échelle

La scène de l’échelle dans le spectacle de danse, Divina Commedia, Dall’Inferno al Paradiso, défie les lois de la gravité. Photo: No Gravity

Dans un noir d’encre, deux hommes tiennent chacun l’extrémité d’une barre. Rien ne semble les porter, ils sont comme en apesanteur. Sur cette barre, un danseur est en équilibre. Un —faux— faux pas et il tombe dans ce qui paraît le vide. Il se rattrape d’une main, remonte sur la barre. Le voilà rejoint par deux danseuses sorties du néant. Elles aussi tombent, remontent et retombent encore. Voilà que ceux qui soutenaient la barre rejoignent à leur tour les autres danseurs dans ce ballet irréel… 

Dall’Inferno  al Paradiso est un spectacle stupéfiant au sens propre du terme. Grâce à un dispositif scénique qu’il serait incongru de dévoiler, les danseuses et danseurs semblent flotter dans l’air donnant ainsi à leurs mouvements et à leurs gestes une force et une grâce étonnante. En regardant ce fantasmatique ballet, on ne peut que penser, aux vers de Dante décrivant la “nage” de Géryon dans le vide qui sépare les huitièmes et neuvièmes cercles de l’Enfer: 

Ella sen va notando lenta lenta ; 

rota e discende, ma non me n’accorgo 

se non che al viso e di sotto mi venta

(Elle (Géryon – Ndr) s’en va nageant doucement, doucement; / vire et descend, mais je ne m’en aperçois / que par le souffle sur mon visage et venant par dessous. — L’Enfer, Chant XVII, v. 115-117)

Avec cette poésie en tête, le spectateur voit se former une pyramide humaine à l’équilibre parfait et quasi surnaturel. ll regarde un danseur monter doucement, comme le ferait un plongeur rejoignant la surface de l’eau, déployant derrière lui une immense robe de dentelle blanche. Il découvre un cercle de corps comme posé à la verticale sur le fond noir de la scène, à l’intérieur duquel un homme marche et danse. Il suit le jeu des ballons et des danseurs qui font et défont des figures géométriques comme celle d’un kaléidoscope géant. Il admire le déploiement avec un claquement sec d’éventails au blanc éclatant. 

Ce spectacle, sous-titré Dall’Inferno al Paradiso est inspiré de la Divine Comédie de Dante et l’on peut s’amuser à raccorder chaque tableau à un chant célèbre de la Comédie. Par exemple, le cercle duquel le danseur ne peut s’échapper c’est bien sûr le(s) cercle(s) de l’Enfer dont aucune âme damnée ne s’évade. Et la musique rude et syncopée est là pour nous le rappeler. 

L’échelle patiemment assemblée sous nos yeux ne symbolise-t-elle pas la lente et difficile ascension du Purgatoire, de corniche en corniche, par les âmes pénitentes? Ce danseur à la longue robe blanche qui se déploie n’est-il pas un ange du Paradis ? À moins qu’il ne s’agisse de Béatrice… le tableau final où se déploient les éventails comme autant de pétales de fleur nous élève dans la rose céleste des derniers chants du Paradis. 

Divina Commedia, Dall'Inferno al Paradiso, le salut final

Divina Commedia, Dall’Inferno al Paradiso, le salut final de la troupe de No Gravity

Cette part d’incertitude qui subsiste n’est pas gênante et au contraire participe à une mise en scène spectaculaire qui se place dans la tradition baroque italienne du “théâtre des merveilles”. 

Divina Commedia, Dall’Inferno al Paradiso n’est pas le premier spectacle conçu et mis en scène par Emilio Pellisari et la danseuse et chorégraphe Marianna Porceddu. Leur compagnie, No Gravity,  a déjà réalisé de nombreux ballets, Aria, Exodus, Enfer… qui ont été vus dans de nombreux pays, dont la France en 2016 et 2019. Il se pourrait que la troupe revienne en 2025. Ce serait un grand bonheur.

Un poème planté, par Jacques Jouet

Un poème planté, par Jacques Jouet

Pour replanter des arbres aux bords d’une portion de la route départementale 606, les élus de Seine-et-Marne ont fait appel à un poète, Jacques Jouet. Son projet, inspiré de Dante et de la Divine Comédie, est contenu dans un court livre, “Un Poème planté”. On ne peut que souhaiter qu’il se concrétise.  

Illustration_Catarina_Bento. Dante_dans_les_arbres _de la RD_606

Dante dans les arbres de la RD 606. Illustration de Caterina Bento, publiée dans Un Poème planté.

On parle de 4,5 km environ, d’une route départementale sans histoire, quelque part entre Fontainebleau et Sens. En 2007, les élus du département de Seine-et-Marne décident l’abattage des 31 derniers érables sycomores qui la bordent. Ils sont atteints de sénescence. Dans l’hiver 2008-2009, ils sont coupés. Depuis cette portion de la RD 606 est nue. 

Quinze ans plus tard, il est question de replanter. Mais comment ? Quelles essences ? Quel espacement entre les arbres ? Toute une grammaire arboricole et paysagère est à réinventer. Les usages routiers ont évolué, la sécurité est devenue une question prégnante,  le changement climatique est là. D’hésitation en hésitation, le temps s’allonge, et la RD 606 reste orpheline. C’est alors que décision est prise: 

Il fallait un poète pour planter la RD 606

Ce défi, Jacques Jouet accepte de le relever en s’inspirant de Dante et de la Divine Comédie. Un Poème planté, illustré des délicats croquis et esquisses de Catarina Bento, constitue sa réponse. Il réunit tous les éléments permettant un plan d’action: choix des essences d’arbres (et critères de choix!), calendrier des plantations et de leur suivi par un série de rendez-vous. Le dernier est prévu en 2222. 

Un art “ploétique”

Pour traduire cette démarche inhabituelle, il fallait recourir à un nouveau vocabulaire tout comme Dante le fit dans sa Comédie. L’oulipien Jacques Jouet a donc créé le mot ploésie, qui allie la poésie à l’action de planter. Mais attention 

en ploésie, le choix des arbres et les rythmes de leur plantation s’effectuent à partir de raisons empruntées à la poésie. 

Un Poème planté se veut donc un manifeste d’art ploétique et le fait qu’il soit placé dans l’ombre du poète florentin ne laisse pas indifférent. 

La RD 606 est l’ancienne route royale Paris-Menton qui menait à l’Italie. De ses origines monarchiques, note Jacque Jouet, elle conserve «des emprises généreuses», laissant ainsi de la place pour planter, un «tracé très rectiligne», et elle «traverse le paysage avec un certain surplomb». Bref, la ligne des arbres se détachera nettement dans ce paysage plat. 

Ce “poème planté” utilisera la terza rima de Dante

Mais laissons la cartographie pour l’instant et faisons place à l’imagination et donc à un hypothétique voyage de Dante à Paris, il y a quelques siècles. Jacques Jouet s’empare de cette hypothèse fragile, discutée par les dantologues. La portion de route visée peut se diviser en trois séquences, et tout naturellement dit-il 

Mon poème planté se servira de Dante pour trouver sa forme. Il utilisera la formule rimique de Dante dans la Comédie. C’est la terza rima ou tierce rime: aba bcb cdc ded et ainsi de suite…

Concrètement, chacune des “séquences“ correspondra  à l’un des cantiques de la Comédie —Enfer, Purgatoire et Paradis—, chacune des rimes à une essence d’arbre différente, par exemple nous aurions sapin-citronnier-sapin, puis citronnier-hêtre-citronnier, et ensuite hêtre-araucaria-hêtre, etc. J. Jouet utilise d’ailleurs ces “rimes en arbres » dans son poème Dante sur la 606 qu’il a écrit pour le livre:

Si Dante, donc, est venu voir les chênes

de la forêt de Fontainebleau, il a dû passer par la RD 606, oubliant les pins

de sa Florence qui l’avait chassé sans ménagement dans le maquis des chênes

lièges. La 606 n’existait pas, mais les chemins suivent les chemins, comme les pins

sont remplacés par des poteaux électriques ou télégraphiques, là où l’érable

sain se subsitue si souvent à l’orme malade. En attendant les vacances sous les pins

Mais revenons à la route. Le choix des arbres sera plus complexe, car il dépendra des “séquences”. Que peut-on planter pour symboliser l’Enfer? Il est difficile de s’appuyer sur le poème, car Dante ne cite et ne décrit guère d’arbres dans son Enfer, il est vrai noyé dans l’ombre.

Il y a ceux de la peu engageante forêt du Chant I (mais nous ne sommes pas encore dans l’Enfer), qualifiée successivement d’oscura, selvaggia et aspra, ceux de “forêt des suicidés” du Chant XIII qui évoquent plutôt les taillis et buissons d’un maquis: 

Non fronda verde, ma di color fosco ; 

non rami schietti, ma nodosi e ’nvolti ; 

non pomi v’eran, ma stecchi con tòsco.

Non han sì aspri sterpi né sì folti 

(Pas de feuilles vertes, mais de couleur sombre; / pas de branches lisses, mais noueuses et tordues; / pas de fruits, mais des épines empoisonnées. / Pas de maquis aussi sauvages ni aussi épais… — L’Enfer, Chant I, v. 4-7)

En regard de ces rudes descriptions, la proposition de Jacques Jouet paraît presque douillette avec ses «saules pleureurs déchirants», ses «hêtres pourpres accablants» ou encore ses «cyprès mortifiants». 

Une nature peinte par les Impressionnistes

Pour le Purgatoire, le choix n’est guère plus simple, même si dans la vallée fleurie, ou vallée des Princes du Chant VII, Dante brosse une nature que l’on pourrait croire peinte par les impressionnistes: 

Oro e argento fine, cocco e biacca, 

indaco, legno lucido e sereno, 

fresco smeraldo in l’ora che si fiacca,•75 

da l’erba e da li fior, dentr’ a quel seno 

posti, ciascun saria di color vinto,

(Or et argent fin, carmin et céruse, / bois indigo sombre, et lumineux ; / fraîche émeraude au moment où elle se brise, / auprès de l’herbe et des fleurs, dans ce vallon, / leurs couleurs seraient fanées — Le Purgatoire, Chant VII, v. 73-77)

Il y a aussi l’arbre des Golosi (des gourmands ou gloutons) du Chant XXII chargé de fruits appétissants mais dont la forme empêche que l’on y grimpe: 

e come abete in alto si digrada 

di ramo in ramo, così quello in giuso, 

cred’ io, perché persona sù non vada

(et comme un sapin en haut se rétrécit / de branche en branche, ainsi celui-ci le faisait en bas, / afin, je crois, que personne n’y monte. — Le Purgatoire, Chant XXII, v. 133-135

Jacques Jouet privilégie pour cette séquence les arbres «qui malmènent les sens, l’odeur, le toucher…» avec cette idée admirable d’utiliser le tremble «car le nom d’un arbre est toujours plus évocateur». 

Des arbres de Paradis qui nourrissent l’imagination

Pinede_Ravenne

La pinède à Ravenne qui aurait inspiré Dante pour le paradis terrestre. Photo Marc Mentré

Pour la séquence Paradis (terrestre), il s’écarte de la représentation traditionnelle qui veut que Dante se soit inspiré de la forêt des odorants pins maritimes qui bordent la mer à Ravenne: 

la divina foresta spessa e viva, 

ch’a li occhi temperava il novo giorno

(la divine forêt épaisse et luxuriante, / qui tamisait pour les yeux le jour neuf — Le Purgatoire, Chant XXVIII, v. 2-3)

Les arbres  voulus par J. Jouet nourrissent l’imagination: sorbier des oiseleurs, cerisier du Tibet, magnolia de Fraser ou de Kobe, plaqueminier «et ses kakis fondants» sans parler de «l’arbre aux cloches d’argent, qui couvrent si bien le bruit des moteurs». 

Pris dans son élan, Jacques Jouet multiplie les propositions: la route sera renumérotée, nous dit-il, 666; des voies transversales —sécantes— seront aussi plantées mais selon des principes différents. Par exemple, pour la «rue de la Vallée», on utilisera le mode poétique de la terine emprunté au troubadour occitan Arnaut Daniel, celui qui, nous dit Dante, «fu miglior fabbro del parlar materno» (“fut meilleur ouvrier du parler maternel” – Le Purgatoire, Chant XXVI, v. 117). 

Près de cent essences d’arbres sont nécessaires

Pour étayer sa proposition, il propose aussi un vaste choix d’essences rangées dans chacune des séquences. Des listes dans lesquelles il suffira de puiser en jouant sur la taille, et la diversité infinie des arbres: 

Conifère persistant aux aiguilles vert sombres, bleutées ou dorées; feuillus caducs ou marcescents (…) Austérité chromatique monolithique ou bien explosion florale… (…) Écorce grise, brune, marron, blanche, rouge, verte, orange; qui se desquame, se fissure, se craquèle, s’exfolie ou bien, lisse; Port colonnaire, pleureur, érigé, rond. 

Cette variété est nécessaire, car pour respecter la ploétique du projet près de cent essences différentes seront nécessaires, écrit-il, «chaque arbre n’étant utilisé que six fois». Passons sur les règles de plantation, mais l’objectif est de conférer à la séquence de l’Enfer «un caractère un peu oppressant», lorsque les arbres auront atteint l’âge adulte, tandis que le Paradis aura «une certaine légèreté». 

Rendez-vous donc en 2025 pour la plantation (il faut ici faire confiance aux élus de Seine-et-Marne). Puis toutes les trentaines d’années environ, jusqu’en 2222, rendez-vous est donné pour regarder et juger l’évolution des arbres, corriger les éventuelles erreurs ou le cas échéant remplacer des arbres malades. Cette année-là, peut-être ceux qui chemineront sur la RD 666 croiseront-ils sans le savoir, l’esprit de Dante Alighieri. Sur cette route devenue à sens unique, il est condamné, «à relire sa Divine Comédie, vers à vers, à l’envers», s’il veut revenir de Paris à Florence, nous dit Jacques Jouet. 

Avec cette peine légère, mais peine quand même, ne place-t-il pas ainsi Dante au Purgatoire? À moins que ce ne soit au Paradis, puisqu’il le fait revenir dans sa ville natale, celle du baptistère San Giovanni, ce bel ovil auquel le cœur du poète florentin est toujours resté attaché. 

Notes

Couverture_Un_Poème_plantéUn Poème planté, esquisse pour allée d’arbres, de Jacques Jouet. Membre de l’Oulipo depuis 1983, il est poète de langue allemande depuis 2022

Cet ouvrage doit beaucoup aussi aux illustrations de Catarina Bento, diplômée de l’école nationale supérieure de paysage de Versailles. Pour le Poème planté elle a réalisé des aquarelles, des cartes, des silhouettes d’arbres qui permettent de se représenter ce que serait cette allée d’arbres rêvée par le poète. L’illustration d’ouverture de cet article est l’un de ses dessins. 

Un poème planté est paru aux Éditions du sabot rouge, Veneux-les-Sablons, en 2023. 

 

 

Dantedì: Flânerie dans les pas de Dante à Florence

Dantedì: Flânerie dans les pas de Dante à Florence

Quelques heures de liberté à Florence suffisent à mettre ses pas dans ceux de Dante Alighieri. Une flânerie à la recherche de quelques-unes des traces qu’il a laissées dans sa ville. Une promenade toujours inachevée mais qui prend toute sa saveur à la veille du Dantedì, la journée que les Italiens consacrent au Sommo poeta. 

Statue_Dante_Florence—Piazza_Santa_Croce_Enrico_Pazzi_1865

La statue de Dante, sur la place Santa Croce à Florence, est l’œuvre d’Enrico Pazzi. Elle fut inaugurée en 1865. Photo: Marc Mentré

Au fond de la place Santa Croce à Florence, sur le côté de l’église éponyme, se dresse un Dante gigantesque, couronné des lauriers du poète. Il est hissé sur un piédestal massif qui arbore fièrement en dédicace “A DANTE ALIGHIERI L’ITALIA” suivi d’une date en chiffres romains “ M DCCC LXV”. Quatre lions se dressent chacun à un coin de ce socle tenant une carapace de tortue. Sur chacune d’elle est gravé le titre aujourd’hui difficilement lisible d’une œuvre “mineure”: Vita Nuova, Convivio, De vulgari eloquentia et Monarchia

C’est Dante lui-même qui tient dans sa main droite un exemplaire de la Divine Comédie. Derrière, un aigle, symbole de l’Empire romain, semble veiller sur lui. Le poète ne paraît guère joyeux. On le sent soucieux, mais on lit sur son visage une grande détermination. 

L’inauguration du monument, le 14 mai 1865 par le roi Victor-Emmanuel II, et une foule venue de toute l’Italie, ne fut pas seulement l’occasion de fêter le 600e anniversaire de la mort du poète. C’était aussi le “père fondateur” de l’idée même d’Italie —et de sa langue— qui était célébré. 

Une machine à remonter le temps

En quittant la lumineuse piazza Santa Croce pour s’engager dans les rues étroites, le promeneur s’engage dans une machine à remonter le temps. Certes Florence à l’apparence d’une ville de la Renaissance, mais avec un peu d’attention, on décèle facilement les traces des constructions médiévales ne serait-ce que par ces murs et façades de gros moellons de pierre brune qui affleurent partout.

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La maison de Dante. Photo Marc Mentré

La maison de Dante est au cœur de ce vieux Florence, cœur historique de la ville. On la découvre au détour d’une ruelle, bâtisse austère de trois étages construite au bord d’une placette. Précisons d’emblée qu’il ne s’agit pas à proprement parler de LA maison où vécut le poète, mais d’une maison où l’on installa un musée à lui dédié pour le… 700e anniversaire de sa naissance ! Il a donc —logiquement— ouvert ses portes en 1965. 

Dans la Florence contemporaine, où l’expression “sur-tourisme” n’est pas vaine, ce musée apparaît comme un havre de paix. Pas de groupes menés par un guide brandissant son oriflamme, cette modeste bâtisse ne saurait les accueillir. On y croise des individus solitaires, des familles, des grands-mères qui expliquent à leurs petits-enfants la vie du poète… 

La sanglante bataille de Campaldino

Ce musée a été réaménagé il y a quelques années avec l’idée d’en rendre la visite plus interactive. Celui qui a connu l’ancien aménagement regrettera que l’immense plan en bois de la Florence médiévale et celui qui représentait la bataille de Campaldino aient disparu. 

Après avoir gravi un long escalier de pierre, le visiteur entre dans une pièce nue, où un panneau affiche les dates essentielles de la vie du poète. Derrière une tenture noire se cache une autre pièce où nous sommes censés revivre à grands coups de hennissements et de bruits de ferraille la sanglante bataille de Campaldino (1289) qui vit la victoire des troupes florentines et de leurs alliées contre celles d’Arezzo, scellant la victoire des guelfes sur les gibelins.

Le poète y participa au premier rang des feditori, les cavaliers chargés de recevoir la charge de la cavalerie arétine, les généraux florentins ayant choisi une stratégie défensive. Les cavaliers gibelins, au nombre de 300 environ, s’alignèrent sur deux ou trois rangs si serrés «que le vent ne devait pas passer entre les lances». Ils avancèrent d’abord doucement pour se lancer ensuite au grand galop au cri de «San Donato cavaliere!» et enfoncer les lignes guelfes. Par miracle, Dante sortit vivant de cette effroyable mêlée, mais les images de combat, les horribles blessures des combattants, les lâchetés de certains et le courage d’autres le hantèrent toute sa vie. Sa Comédie est aussi un récit de guerre.6 

Au même étage, on trouve des jeux qui permettent d’entrer dans l’histoire des arti, ces puissantes corporations qui faisaient à l’époque de Dante la politique de la ville. Bien sûr, on est particulièrement attentif à celle des Medici e Specializi (Médecins et pharmaciens) à laquelle appartint le poète et qui lui permit de jouer un important rôle politique dans la ville, jusqu’à être élu prieur de mi-juin à mi-août 1300. Une table interactive retrace aussi le conflit qui opposa les Guelfes et les Gibelins et qui ensanglanta pendant près d’un siècle les rues de la ville.

La douce polyphonie des récitants

Mais, l’essentiel, pour l’amoureux de Dante se trouve à l’étage supérieur consacré à la Divine Comédie. Le visiteur passe d’abord devant une bibliothèque qui occupe tout un mur et abrite d’innombrables éditions de la Divine Comédie dans toutes les éditions et traductions imaginables, sans doute pour dire que cette œuvre est devenue universelle. Puis on entre dans une pièce où sont projetées sur un mur d’immenses reproductions des illustrations de Gustave Doré, accompagnées d’une récitation d’extraits du poème. L’essentiel n’est pas dans ce dispositif. Il est de se trouver accompagné par d’autres visiteurs qui récitent à voix basse ces extraits, créant une douce polyphonie. 

Florence_13e siècle_Le_sestiere_de_Dante

Le cercle étroit de Florence au temps de Dante

Sortant de ce lieu apaisé, on se prend à chercher les traces de la Florence médiévale et de l’univers dantesque. Quelques pas et c’est fait. La piazza dei Donati est à côté, et si l’on avance un peu on tombe sur la rue dei Cerchi. On se souvient alors que les deux familles, ennemies mortelles lorsque s’affrontaient les guelfes blancs et les guelfes noirs, étaient voisines. Que toutes ces familles étaient du même quartier de Florence, le sestiere de la Porta san Pietro.

Remonter vers ce qui est aujourd’hui la Biblioteca delle Oblate, traverser la via Folco Portinari, nous rappellera que c’est peut-être là «che questa mirabile donna apparve a me vestita di colore bianchissimo». Merveilleuse apparition de Béatrice, alors âgée d’environ 18 ans, telle que Dante la raconte dans la Vita Nuova.7 Poursuivre un peu le long de cette rue nous mène devant l’hôpital Santa Maria Nuova, celui-là même qui fut fondé par Folco Portinari (le père de Béatrice) en 1286. Il entra en service deux années plus tard.8 

Une trentaine de plaques pour célèbrer le poète 

Pour accompagner cette recherche d’une Florence oubliée, en 1907, la commune avait décidé d’installer une cinquantaine de plaques commémoratives, sur les murs de la ville célébrant le poète et son œuvre.Il en reste une trentaine. Il en est une par exemple, via del Corso à deux pas de la maison du poète, où l’on peut lire un célèbre passage de l’Enfer, celui où le colérique Filippo Argenti, après avoir vainement essayé d’entraîner Dante dans les eaux bourbeuses du Styx, alors qu’il est poursuivi par les autres damnés, décide de se déchirer lui-même les chairs:

Tutti gridavano : «A Filippo Argenti !»

E ‘l Fiorentino spirito bizzaro 

in se’ medesmo si volgea co’ denti 9

Cette plaque est installée sur le mur d’une maison qui appartint à la puissante famille des Adimari, à laquelle F. Argenti était apparenté. Mais de la maison d’époque il ne reste rien. Elle fut saccagée et brûlée en 1343. 

Toutefois, toutes les constructions de l’époque ne furent pas détruites, même si nous ne pouvons qu’imaginer aujourd’hui la «forêt de tours» qu’était avant 1250 Florence. «Certaines hautes de 120 brasses (70 mètres), soit plus des deux tiers de la hauteur de la coupole de Brunelleschi», dit John Majemy.10. Leur hauteur était proportionnelle au niveau de richesse de chacune des familles. Outre cette marque de puissance, elles étaient aussi un moyen de se protéger à la moindre émeute. Les deux tours jumelles, l’Asinelli, pour la plus grande, et la Garisenda pour la plus petite, symboles de Bologne, donnent une idée concrète de la hauteur que pouvaient atteindre ces édifices. 

Des tours d’une hauteur limitée à 29 mètres

En 1250, le gouvernement du Primo popolo mit un frein à cette escalade, en ordonnant qu’aucune tour ne dépasse 50 brasses (29 mètres), et ne domine le nouveau Palazzo del popolo (l’actuel Bargello) construit à cette époque. Il s’agissait de mettre au pas les familles nobles de Florence, en les privant de ce qui était aussi un outil de guérilla urbaine. Mais même ainsi bridées, les Magnati de Florence ne renoncèrent pas pour autant à leurs tours.

Aujourd’hui, il est toujours possible d’en voir de quasiment intactes, comme la Torre della Castagna, même s’il lui manque les éléments extérieurs comme les escaliers et les balcons qui étaient en bois. Il est vrai que c’est dans cette tour —qui se trouve également à moins de 200 mètres de la maison de Dante— que se réunissaient les prieurs avant la construction de ce que l’on appelle aujourd’hui le Palazzo Vecchio. Peut-être est-ce en passant devant cette tour, que la conscience et l’ambition politique du poète sont nées…

Béatrice a épousé un banquier de la puissante famille Bardi. Celle-ci s’était installée Oltrarno, c’est-à-dire de l’autre côté du fleuve. Il faut alors emprunter le Ponte Vecchio pour s’y rendre.. 

 «Cosa fatta, capo ha!»

Difficile d’oublier que c’est ici, au milieu de ce pont que le jour de Pâques 1215,11, le jeune Buondelmonte tout vêtu de blanc, monté sur un cheval blanc et la tête couronnée d’une guirlande de fleurs allait inconscient vers son destin. Le malheureux (ou l’imbécile) avait décidé de son propre chef d’épouser une fanciulla Donati, alors que son mariage avec une Amadei était prévu et organisé. Ce faisant, il avait bousculé les usages, brisé une alliance qui devait réconcilier plusieurs familles, et aussi humilié les Amadei et leurs alliés. 

Ceux-ci s’étaient réunis la veille du crime et avaient scellé le sort du jeune impudent. C’est lors de cette réunion que Mosca dei Lamberti avait proposé de s’en débarrasser «et de mettre une pierre dessus», concluant d’une expression encore utilisée aujourd’hui « Cosa fatta, capo ha!». Elle signifie que lorsqu’un acte, quelqu’il soit, a été commis, il n’est pas possible de revenir en arrière et il faut en accepter les conséquences. 

Un violent coup de masse à la tête jeta Buondelmonte à terre. Les autres assaillants se jetèrent sur lui et lui tranchèrent la gorge. Il fut laissé pour mort et dit la chronique «son vêtement de soie blanche devint un horrible chiffon sanglant». L’émotion fut énorme et ce crime déclencha une terrible vendetta. C’est ainsi —dit-on— qu’à Florence commença l’affrontement entre Guelfes et Gibelins. 

Les vers de Dante pour se souvenir

De cet épisode, il nous reste aujourd’hui, les vers de Dante

Gridò : Ricorderaiti anche del Mosca, 

chi dissi, lasso “Capo ha cosa fatta

che fu il mal seme del gente tosca12

et une pierre gravée sur le Ponte Vecchio rappelant où se trouvait une statue romaine de Mars, le premier protecteur de Florence. Elle est alors installée sur le pont et c’est à ses pieds que Buondelmonte trouva la mort. La statue sera emportée par une crue en 1233. Aujourd’hui, il ne nous reste qu’une terzina du Paradis gravée sur une autre plaque installée “côté ville”, On peut lire: 

…Convienasi a quella pietra scema 

che guarda il ponte, che fiorenza fesse

vittima della sua pace postrema13

Et Béatrice? La maison des Bardi (il n’est pas mention de “tour” dans les chroniques) où, peut-être, elle est morte a disparu. Il reste une via dei Bardi que l’on emprunte en tournant à droite au débouché du Ponte Vecchio

Cette rue nous emmène via les jardins Bardini vers san Miniato al Monte d’où l’on peut découvrir toute la ville de Florence, avec en son centre Santa Maria del Fiore et à son côté, le Baptistère. Le jeune Durante Alighieri y reçut sans doute le sacrement du baptême en 1266. Il était d’usage alors de baptiser tous les nouveaux-nés de l’année dans une cérémonie collective le samedi saint. Au XIVe siècle, de 5500 à 6000 enfants étaient ainsi baptisés.14Mais pour parler de cela plus en détails, un autre voyage sera nécessaire en prenant, pourquoi pas, comme point de départ le Baptistère.

Baptistère_Florence

Le plafond du Baptistère, avec le Christ rédempteur au centre. Photo Marc Mentré

  • Illustration de première page: La Madonna della Misericordia (atelier de Bernardo Daddi) date de 1352. Elle est la plus ancienne représentation de Florence.
La Divina Commedia, Opera musical

La Divina Commedia, Opera musical

Depuis plusieurs années le spectacle, La Divina Commedia Opera musical tourne dans les plus grandes salles italiennes. Nous sommes allés voir ce spectacle musical total à Rome. C’est une magnifique réussite.

La troupe de La Divina Commedia Opera musical remercie les spectateurs du teatro Brancaccio à Rome.

«Bellissima!!» L’exclamation derrière nous ne trompe pas. La Divina Commedia Opera musical a ravi le public romain venu ce jeudi soir en nombre dans l’immense salle du teatro Brancaccio. 

Faire de la Divine Comédie une comédie musicale, l’idée peut paraître audacieuse, voire iconoclaste. Pour en rester à quelques questions : est-il possible d’adapter le texte de Dante à la scène? Les personnages qui peuplent le texte paraîtront-ils caricaturaux, voire grotesques? La poésie ne sera-t-elle pas trahie? Etc.

Ces interrogations sont balayées lorsque l’on assiste au spectacle. Certes, on pourra toujours pinailler sur tel ou tel point, se dire par exemple que le spectacle cède à la facilité car les scènes et les personnages retenus sont les plus connus: Francesca qui nous conte son malheur, Ugolino la faim qui le tue, Pierre de la Vigne son désespoir, Ulysse son naufrage… 

Un spectacle “total” de deux heures

Durant deux heures, ce musical entraîne tous les spectateurs. Elle s’ouvre par un vortex vertigineux dans le temps: partant d’une photo des rues bondées de Florence, il nous emmène d’étape en étape, de grand nom de l’Italie en grand nom —Léonard de Vinci, Michel Ange— dans l’intimité de l’atelier du poète. 

«Nel mezzo del cammin di nostra vita mi ritrovai…», les premiers mots de la Commedia dansent sur le rideau de scène. Le voyage proprement dit commence. Dante erre dans la selva selvaggia, au milieu de gigantesques branches nues et d’épines qui envahissent tout le plateau. Il chante son désespoir, la via smarrita, avant que n’apparaisse un Virgile d’abord lointain et évanescent («parea fioco»), puis de prendre plus d’épaisseur; appuyé sur son bâton de berger, il sera le guide du poète dans son voyage dans l’au-delà. 

Sans spoiler le spectacle, il faut souligner une mise en scène superbe et innovante avec un mélange d’effets spéciaux 3D et de ressources plus classiques. Nous voyons la barque de Charon se construire sous nos yeux, les esprits embarqués de force avant d’être éblouis par un violent éclair et tétanisés d’un violent coup de tonnerre, celui qui fait tomber Dante «come l’uom cui sonno piglia».

La scène devient la mer du naufrage d’Ulysse

Sans nous laisser reprendre notre souffle, nous voici dans le cercle où tournent, pris dans une tornade, les “Luxurieux”. Francesca et Paolo s’en détachent à la rencontre de  Dante. La scène se joue alors sur plusieurs plans: devant se chante le drame, tandis qu’en arrière, se danse le pas de deux de la séduction, avec sur le côté, posé sur un meuble, un livre qui n’est autre que «Galeotto fu ‘l libro e chi lo scrisse».

Magnifique aussi la cité de Dité et ses murailles de feu avec l’apparition des trois Erinyes aux longs cheveux de serpent, ou encore le récit d’Ulysse dont le bateau s’engloutit dans un drap bleu devenu la tempête du naufrage, ou encore celui d’Ugolino prisonnier d’un labyrinthe d’escaliers dans sa tour de la faim …  

La Divina Commedia Opera musical ne s’arrête pas à l’Enfer, elle nous emmène aussi au Purgatoire sur la plage duquel nous rencontrons un Caton plus général romain incorruptible que jamais, puis plus haut sur le mont dans le “feu des poètes” Guido Guinizelli et Arnaut Daniel, avant que Virgile ne quitte Dante dans une scène touchante.

Déjà nous voici avec Matelda au Paradis terrestre, puis avec Béatrice elle-même. Le spectacle se déploie alors dans la salle, parmi les spectateurs, pour les scènes finales qui nous emmènent au Paradis céleste. 

Les mots du poète

Au Paradis nous le sommes d’autant plus que nous avons reconnu les mots du poète de la celebrissime Preghiera alla Vergine qui ouvre le Chant XXXIII du Paradis, comme ce fut le cas auparavant lors du chant d’Ulysse et dans tant d’autres passages. 

Peut-être faut-il redire que ce spectacle est une comédie musicale où l’on chante et l’on danse et où la musique tient une place essentielle. Celle-ci a été composée par un prêtre italien, Mgr Marco Prisina. 

En 2007, celui qui est déjà l’auteur de nombreuses compositions musicales religieuses, s’est attelé à une transposition musicale du poème de Dante, concentrant cette œuvre immense en un “opéra théâtral” de deux heures, avec le scénariste et prêtre Gianmario Pagano.

Cet opéra après avoir été mis en scène à plusieurs reprises est devenu à l’occasion du 700e anniversaire de la mort du poète florentin ce spectacle “kolossal” comme aime à le dire la presse italienne, grâce aux jeux de lumière, changements de costume multiples, chorégraphies soignées et jeu des acteurs-chanteurs. 

Un “musical” proche de l’Opéra

Et s’il convient de dire “comédie musicals”, nous ne sommes toutefois très proche de l’opéra grâce, en particulier, aux interprètes. Antonio Angiolillo (Dante), Andrea Ortis (Virgile) et Myriam Soma (Béatrice) se partagent les rôles principaux. Il ne faut pas oublier également Leonardo di Minno qui est successivement Ulysse, Caton et Guido Guinizelli, Gipeto qui endosse les rôles de Charon, Ugolino, César et saint Bernard, Valentina Gullace, qui compose une délicate Francesca et une séduisante Matelda, Antonio Sorrentino qui est un poignant Pierre de la Vigne et un fier Arnaut Daniel et enfin Sonia Caselli, douce Pia De’ Tolomei. 

Tous sont de magnifiques artistes qui donnent corps et vie à leurs personnages dans un spectacle que les danseuses et les danseurs transforment en spectacle total. 

Cet “Opera musical” continue de tourner en Italie comme c’est le cas depuis quatre ans maintenant. Mais il faut se dépêcher, il n’y a plus que deux dates prévues en 2024: Turin dans le Piémont du 29 février au 3 mars et Catanzaro en Calabre du 7 au 9 mars.