Depuis plusieurs années le spectacle, La Divina Commedia Opera musical tourne dans les plus grandes salles italiennes. Nous sommes allés voir ce spectacle musical total à Rome. C’est une magnifique réussite.
«Bellissima!!» L’exclamation derrière nous ne trompe pas. La Divina Commedia Opera musical a ravi le public romain venu ce jeudi soir en nombre dans l’immense salle du teatro Brancaccio.
Faire de la Divine Comédie une comédie musicale, l’idée peut paraître audacieuse, voire iconoclaste. Pour en rester à quelques questions : est-il possible d’adapter le texte de Dante à la scène? Les personnages qui peuplent le texte paraîtront-ils caricaturaux, voire grotesques? La poésie ne sera-t-elle pas trahie? Etc.
Ces interrogations sont balayées lorsque l’on assiste au spectacle. Certes, on pourra toujours pinailler sur tel ou tel point, se dire par exemple que le spectacle cède à la facilité car les scènes et les personnages retenus sont les plus connus: Francesca qui nous conte son malheur, Ugolino la faim qui le tue, Pierre de la Vigne son désespoir, Ulysse son naufrage…
Un spectacle “total” de deux heures
Durant deux heures, ce musical entraîne tous les spectateurs. Elle s’ouvre par un vortex vertigineux dans le temps: partant d’une photo des rues bondées de Florence, il nous emmène d’étape en étape, de grand nom de l’Italie en grand nom —Léonard de Vinci, Michel Ange— dans l’intimité de l’atelier du poète.
«Nel mezzo del cammin di nostra vita mi ritrovai…», les premiers mots de la Commedia dansent sur le rideau de scène. Le voyage proprement dit commence. Dante erre dans la selva selvaggia, au milieu de gigantesques branches nues et d’épines qui envahissent tout le plateau. Il chante son désespoir, la via smarrita, avant que n’apparaisse un Virgile d’abord lointain et évanescent («parea fioco»), puis de prendre plus d’épaisseur; appuyé sur son bâton de berger, il sera le guide du poète dans son voyage dans l’au-delà.
Sans spoiler le spectacle, il faut souligner une mise en scène superbe et innovante avec un mélange d’effets spéciaux 3D et de ressources plus classiques. Nous voyons la barque de Charon se construire sous nos yeux, les esprits embarqués de force avant d’être éblouis par un violent éclair et tétanisés d’un violent coup de tonnerre, celui qui fait tomber Dante «come l’uom cui sonno piglia».
La scène devient la mer du naufrage d’Ulysse
Sans nous laisser reprendre notre souffle, nous voici dans le cercle où tournent, pris dans une tornade, les “Luxurieux”. Francesca et Paolo s’en détachent à la rencontre de Dante. La scène se joue alors sur plusieurs plans: devant se chante le drame, tandis qu’en arrière, se danse le pas de deux de la séduction, avec sur le côté, posé sur un meuble, un livre qui n’est autre que «Galeotto fu ‘l libro e chi lo scrisse».
Magnifique aussi la cité de Dité et ses murailles de feu avec l’apparition des trois Erinyes aux longs cheveux de serpent, ou encore le récit d’Ulysse dont le bateau s’engloutit dans un drap bleu devenu la tempête du naufrage, ou encore celui d’Ugolino prisonnier d’un labyrinthe d’escaliers dans sa tour de la faim …
La Divina Commedia Opera musical ne s’arrête pas à l’Enfer, elle nous emmène aussi au Purgatoire sur la plage duquel nous rencontrons un Caton plus général romain incorruptible que jamais, puis plus haut sur le mont dans le “feu des poètes” Guido Guinizelli et Arnaut Daniel, avant que Virgile ne quitte Dante dans une scène touchante.
Déjà nous voici avec Matelda au Paradis terrestre, puis avec Béatrice elle-même. Le spectacle se déploie alors dans la salle, parmi les spectateurs, pour les scènes finales qui nous emmènent au Paradis céleste.
Les mots du poète
Au Paradis nous le sommes d’autant plus que nous avons reconnu les mots du poète de la celebrissime Preghiera alla Vergine qui ouvre le Chant XXXIII du Paradis, comme ce fut le cas auparavant lors du chant d’Ulysse et dans tant d’autres passages.
Peut-être faut-il redire que ce spectacle est une comédie musicale où l’on chante et l’on danse et où la musique tient une place essentielle. Celle-ci a été composée par un prêtre italien, Mgr Marco Prisina.
En 2007, celui qui est déjà l’auteur de nombreuses compositions musicales religieuses, s’est attelé à une transposition musicale du poème de Dante, concentrant cette œuvre immense en un “opéra théâtral” de deux heures, avec le scénariste et prêtre Gianmario Pagano.
Cet opéra après avoir été mis en scène à plusieurs reprises est devenu à l’occasion du 700e anniversaire de la mort du poète florentin ce spectacle “kolossal” comme aime à le dire la presse italienne, grâce aux jeux de lumière, changements de costume multiples, chorégraphies soignées et jeu des acteurs-chanteurs.
Un “musical” proche de l’Opéra
Et s’il convient de dire “comédie musicals”, nous ne sommes toutefois très proche de l’opéra grâce, en particulier, aux interprètes. Antonio Angiolillo (Dante), Andrea Ortis (Virgile) et Myriam Soma (Béatrice) se partagent les rôles principaux. Il ne faut pas oublier également Leonardo di Minno qui est successivement Ulysse, Caton et Guido Guinizelli, Gipeto qui endosse les rôles de Charon, Ugolino, César et saint Bernard, Valentina Gullace, qui compose une délicate Francesca et une séduisante Matelda, Antonio Sorrentino qui est un poignant Pierre de la Vigne et un fier Arnaut Daniel et enfin Sonia Caselli, douce Pia De’ Tolomei.
Tous sont de magnifiques artistes qui donnent corps et vie à leurs personnages dans un spectacle que les danseuses et les danseurs transforment en spectacle total.
Cet “Opera musical” continue de tourner en Italie comme c’est le cas depuis quatre ans maintenant. Mais il faut se dépêcher, il n’y a plus que deux dates prévues en 2024: Turin dans le Piémont du 29 février au 3 mars et Catanzaro en Calabre du 7 au 9 mars.
- Le site de La Divina musica Opera musical