Agapet – Agapito

Agapet Ier ne sera pape qu’une dizaine de mois (du 13 mai 535 au 22 avril 536). Cet homme cultivé, qui entretenait une bibliothèque patristique1 projetait la création d’une université chrétienne à Rome sur le modèle de l’académie d’Alexandrie.

Lors de son accession au trône, l’Italie était gouvernée par les Ostrogoths, dont la cour était installée à Ravenne. Ce royaume —Regnum Italiæ— était sous la suzeraineté toute théorique de Byzance. Le roi Théodoric le Grand, qui avait régné trente ans, était mort quelques années auparavant (en 526).

Sa fille Amalasonte devait exercer une régence de fait. En effet, de part sa condition féminine elle ne pouvait pas commander l’armée. Elle s’abritera pour ce faire derrière son fils Althalaric. Veuve d’un premier mari, elle sera contrainte d’épouser (en 534) son rival Théodat, un neveu de Théodoric. Le mariage ne durera guère. Théodat la fait d’abord emprisonner avant de la faire assassiner un an plus tard en 535.

Ces conflits à la cour de Ravenne n’échappaient pas à l’Empereur Justinien qui voulait réunifier l’Empire, et donc y réincorporer ce royaume « germanique ». Il y vit une occasion de matérialiser ce rêve et ce d’autant plus qu’avant de mourir, Alamasonte, qui entretenait des relations cordiales avec Constantinople, lui avait demandé son aide.

C’est dans ce contexte que Théodat, inquiet, demanda à Agapet de partir pour Constantinople pour y convaincre Justinien de renoncer à son projet de reconquête. 

Pour financer son voyage, le pape dut gager des vases sacrés, tant les finances de l’Église étaient dégradées. Il partit donc au cœur de l’hiver, pour arriver, accompagné d’une délégation de cinq évêques, à Constantinople en février 536. Sur le plan politique, cette ambassade fut un échec, l’armée byzantine ayant déjà débarqué en Sicile avec à sa tête Bélisaire. 

En revanche, il en sera autrement sur le plan théologique et c’est à cela que fait allusion Justinien au Chant VI du Paradis (v. 16-18) : «ma ’l benedetto Agapito, che fue / sommo pastore, a la fede sincera / mi dirizzò con le parole sue» (“le béni Agapet, qui fut pasteur suprême, / vers la vraie foi / me dirigea par ses paroles”). 

Il semble que Justinien lui-même n’avait pas de positions hétérodoxes. En revanche, c’était le cas de son épouse Théodora. Agapet va devoir affronter le favori de celle-ci le patriarche Anthime  ouvertement monophysite2. Le pape va lui refuser la communion sous un prétexte spécieux: il a été transféré du siège de Trébizonde à celui Constantinople d’une manière contraire au droit canonique.

Ce refus va contrarier Justinien qui menacera de renvoyer à Rome Agapet. Ce dernier lui répondra avec fermeté:« C’est impatiemment que j’étais venu contempler Justinien, l’empereur Très-Chrétien. Je trouve à sa place un Dioclétien3 dont les menaces, cependant, ne me font pas peur.» 

Lors d’un débat public avec Anthime, Agapet réussit à convaincre Justinien de la double nature du Christ et qu’Anthime était hérétique. 

Peut-être Dante s’est-il inspiré pour cette anecdote du Trésor de son ami Brunetto Latino: 

Et jà soit ce que cist Justinien fust au commencement en l’error deshereges, en la fin reconnut il son error par le conseil Agapite, qui lors estoit apostoiles.4

Agapet, après être tombé malade, devait s’éteindre à Constantinople le 22 avril 536 et son corps rapatrié à Rome dans un cercueil de plomb, où il sera inhumé le 20 septembre. 

  • Sources: Dictionnaire des Papes, par J.N.D Kelly, Brepols Publishers, 1994; Dante Dictionnary, Oxford, 1848, Paget Toynbee; Catholic Encyclopedia; Wikipedia.