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- L’Enfer, Chant XXIII, v. 103
- Illustration: Plaque commémorative, installée via Port Rossa à Florence, indiquant que « dans cette endroit qui appartint à l’Arte du Calimara (Corporation des Lainiers), Roderigo et Catalano frères godenti et bolognais appelèrent ici à la paix…” – Photo Sailko – CC BY SA 3.0
L’Ordre des Chevaliers de la Mère de Dieu, de son nom latin Ordo Militiae Mariae Gloriosae, était un ordre religieux militaire (un peu sur le modèle de Templiers). L’ancêtre de cet ordre avait été créé en 1233 —à l’époque de la croisade contre les Albigeois— par le dominicain Bartolomeo da Vicenza à Parme, sous le nom de Milice de Jésus Christ (Milizia di Gesù Christo)
Il sera refondé en 1260 par Loderingo degli Andalò et quelques autres nobles, avec comme intention la protection de la veuve et de l’orphelin et avec l’objectif de ramener la paix et la tranquillité dans une cité déchirée par les guerres intestines. La règle en sera approuvée par le pape Clément IV en 1261 par la bulle Sol ille Verus.
Giovani Villani, chroniqueur de la vie de Florence dans sa Nuova Cronica, décrit ainsi ainsi l’habit de ses moines d’un type particulier et explique comme le nom « frères joyeux » correspond à la manière dont ils se comportaient, très loin de ce pourquoi l’ordre avait été créé:
«Les frères joyeux étaient appelés chevaliers de Sainte Marie, et chevaliers se sont-ils faits lorsqu’ils ont pris cet habit, dont la robe était blanche et un manteau gris, et leur arme était un champ blanc et la croix rouge avec deux étoiles, et ils devaient défendre la veuve et l’orphelin, et s’entremettre pour la paix (…) Mais il est facile en comparant leur nom avec leurs actes, de comprendre joyeux plus qu’autre chose.»(VII, 13)
Jacopo della Lana, l’un des tous premiers commentateurs de La Divine Comédie, était né à Bologne. Il donne dans son commentaire l’origine du surnom de l’ordre:
«Tels et tels sont faits frères et ont pris l’habit au service de Notre-Dame. Certains disent: bien joué, cette vie sera méritoire; d’autres disent: ce seront des frères jouisseurs1, ils l’ont fait pour ne pas aller dans l’armée, ni pour recevoir ni supporter de charges de la Ville; ce (dernier) propos s’est tellement amplifié qu’on les a appelés les frères joyeux.2»
Il est possible que leur surnom provienne d’un jeu de mot sur leur nom initial (chevaliers de la Mère de Dieu) et les sept joies de Marie3 qui se disent en italien, le sette Gaudi di Maria. Elles constituent la base du rosaire franciscain, lequel se dit aussi Misteri Gaudiosi (“les mystères joyeux”).
La règle de l’Ordre, qui fut rédigée par un moine franciscain, Rufino Gorgone, présentait plusieurs particularités: les frères devaient suivre la règle de Saint Augustin mais ils pouvaient être dispensés de la vie en communauté; ils pouvaient se marier, mais devaient faire vœu de chasteté; par ailleurs, il leur était interdit d’exercer des charges publiques.
Cette dernière règle ne fut jamais appliquée, car l’Ordre était constitué de nobles engagés dans l’action publique. Les deux frères joyeux, Loderingo degli Andalò et Catalano (dei Catalini) dei Malavolti, que cite Dante au Chant XXIII de l’Enfer dans la bolge des hypocrites en sont la meilleure illustration.
Le seul investissement connu de cet Ordre —ce qui est étonnant en regard de la richesse de ses membres, tous nobles— est un ermitage sur la colline de Ronzano à proximité de Bologne. Il fut fondé par Loderingo degli Andalò et cinq autres frères. Il y construisit outre l’ermitage proprement dit, une chapelle. Il semblerait que quelques épouses aient rejoint leur mari sur le lieu de l’hermitage. Par exemple, Sismonda da Leolino, l’épouse de Catalino dei Catalini, rédigea son testament en 1269, à Ronzano,
L’Ordre des Frati Gaudenti compta dans ses rangs le poète toscan-provençal Guittone d’Arezzo. Il en devint membre vers 1265 jusqu’à son décès vers 1294. Il écrivit un poème dans lequel il défendait vigoureusement son entrée dans l’Ordre au prix de l’abandon de son épouse et de ses trois jeunes enfants. Il commence ainsi:
O cari frati miei, con malamente
bendata hane la mente
nostro peccato e tolto hane ragione!
(Oh mes chers frères, par la méchanceté / notre péché a aveuglé l’esprit / et usurpé l’esprit!)4
L’ordre sera dissous par le pape Sixte V en 1559.
- Sources: Dante Alighieri, La Divine Commedia, Inferno, commentaire d’Anna Maria Chiavacci Leonardi, Mondadori, Milan, 2012, p. 700; Dante Dictionnary, Oxford, 1848, Paget Toynbee; Cronaca di Ronzano e memorie di Loderingo d’Anadalò, frate gaudente, par Giovanni Gozzadini, Società tipografica bolognese, 1851; Treccani Online; Wikipedia