La France demande l’aide de Dante Alighieri

La France demande l’aide de Dante Alighieri

L’image est spectaculaire: Dante, appuyé sur une colonne basse, regarde grave et attentif le drapeau français qui flotte dans un ciel d’un bleu immaculé. Ce dont il est question derrière cette image? De la création de la Société Dantesque de France. 

Celle-ci est née à la suite des attentats de 2015, à ce moment de grandes souffrances où, dit Bruno Pinchard, son président et fondateur, «nous cherchions tous une perspective pour espérer (…) et j’ai pensé que Dante pourrait nous aider.» 

En France, la culture dantesque ne s’est pas développée avant 1789. «Pendant la Révolution française le peuple français a découvert des moments de crise et aussi de passion politique qu’il n’avait pas connus auparavant, au temps de la monarchie.» Quel était le mythe organisateur des forces qui avaient permis que la Révolution ait lieu? Il faudra attendre quelques temps avant d’avoir des éléments de réponse. 

Les premiers à trouver la clé seront des amis de l’Italie, le peintre Delacroix et Honoré de Balzac, dont la Comédie Humaine est la réponse à la Comédie de Dante, tout comme Charles Baudelaire: «Un poète capable de peindre le mal c’est un cadeau dantesque». C’est pourquoi, nous avons en France, résume Bruno Pinchard «une culture romantique infernale de Dante»

Aujourd’hui donc, est lancée cette entreprise nouvelle qu’est la Société Dantesque de France, imaginée sur le modèle de la Società Dantesca Italiana di Firenze, avec l’aide et le support de la Sorbonne, de la villa Finaly et de nombreuses autres institutions françaises. Elle doit permettre de construire «un nouveau mythe dantesque pour un temps totalement terrible».

Asia Argento, d’amour et de deuil

Asia Argento, d’amour et de deuil

Comment exprimer son amour et en même temps sa détresse? L’actrice Asia Argento a choisi de publier un bref passage de la Divine Comédie pour afficher le terrible deuil qu’elle vit et montrer la force de son amour à ceux qui la harcèlent sur les réseaux sociaux. 

La photo, prise à Florence, sans doute le 27 mai, montre l’actrice et son ami, le chef Anthony Bourdain. Moment de romantisme à l’italienne, pour ce couple de célébrités installé dans une décapotable rouge, un parapluie fermement tenu par Bourdain pour s’abriter du soleil. Sans doute un de leurs derniers instants de bonheur. Le 8 juin c’est le drame: le corps d’Anthony Bourdain est retrouvé dans un hôtel en Alsace, où il préparait une émission de télévision. L’enquête de police conclut au suicide. 

Asia Argento a donc choisi pour légender cette photo, publiée sur Instagram, le passage du Chant V de l’Enfer où Francesca répond à Dante qui lui demandait comment «amour permit [aux deux amants] de connaître les incertains désirs?»

La réponse de Francesca est poignante: 

Il n’est nulle douleur plus grande

que de se souvenir des temps heureux

dans la misère ; et cela ton guide le sait. 

Mais comme tu as si grand désir de connaître 

la première racine de notre amour,

je te le dirai en pleurant et en parlant. [v. 119-126]

Tous ceux qui ont lu la Divine Comédie savent que l’amour et la peine de Francesca et Paolo sont éternels, car c’est éternellement qu’ils tourbillonneront dans l’infernale tempête où se trouvent ceux qui ont soumis «la raison à la passion»; éternellement, qu’ils se souviendront des «temps heureux», de ce moment où leur amour pris «racine»; éternellement, que ce souvenir sera aussi l’aiguillon de leur douleur. 

Repose en paix Anthony Bourdain. Asia Argentino vient de t’envoyer, «en pleurant et en parlant», le plus beau des messages d’amour.

La musique dissonante de Quivi sospiri

La musique dissonante de Quivi sospiri

Le 9 juin, à la Basilique San Francisco de Ravenne, l’ensemble vocal Voces Suaves 1 donnait un concert, Quivi Sospiri, inspiré du voyage de Dante en Enfer, au Purgatoire et au Paradis. Un parcours qui menait les spectateurs au travers les œuvres de compositeurs du XVIe siècle, comme  Luzzasco Luzzaschi, Pietro Vinci, Philippe Verdelot ou Jacques Arcadelt, avec une incursion dans la musique contemporaine grâce à la compositrice américaine Joanne Metcalf.

Ce concert chanté par un des plus beaux ensembles vocaux contemporains, spécialisé dans l’interprétation d’œuvres du répertoire de la musique baroque et de la Renaissance fut on peut le supposer magnifique2. Il fut sans nul doute chargé d’émotion, car il eut lieu dans la Basilique où furent célébrées, en 1321, les funérailles de Dante. Mais ce dernier aurait sans doute été surpris des choix musicaux censés illustrer son voyage initiatique et lui rendre hommage.

Peu de compositeurs de la Renaissance ont mis en musique l’Enfer 

Comme le note RavennaNotizie.it en rendant compte du concert, «L’ensemble vocal Voces Suaves a essayé d’étudier l’influence de la Divine Comédie sur la musique polyphonique italienne du XVIe siècle: apparemment, il n’était pas facile de trouver des compositeurs de l’époque qui mettaient les terzine dantesques en musique.» C’est pour cette raison qu’ils ont arrêté leur choix sur Luzzasco Luzzaschi qui a consacré un madrigal à quelques vers du Chant III de l’Enfer (22-30) :  «sospiri, pianti et alti guai,/ risonavan per l’aere sanza stelle, /per ch’io al cominciar ne lagrimai. / Diverse lingue horribili favelle / parole di dolore accenti d’ira…» [“Là soupirs, plaintes et hurlements de douleurs / retentissaient dans l’air sans étoile, / ce qui me fit pleurer pour commencer. / Langues diverses, accents horribles, / paroles de douleur, accents de colère…”].

Le nom de ce madrigal ? Quivi Sospiri 

Il ne faut pas s’étonner de la rareté des compositions musicales en particulier sur l’Enfer. «L’Enfer est le règne du mal, la mort de l’âme et le domaine de la chair, le chaos: esthétiquement c’est le laid [il écrit “è il brutto”]. Disons que le laid ne permet pas l’art et que l’art est la représentation du beau.», écrira plus tard Francesco De Sanctis 3.

Cette «laideur» Dante la représente au sens propre dans l’Enfer: en fait de musique on n’entend —à la première lecture du poème que cacophonie et dissonances. L’harmonie et la polyphonie nous ne le rencontrerons qu’au Paradis. Ce qui accompagne  le lecteur tout au long des 34 chants du premier cantique, ce qui fait son « paysage musical », c’est la “rumore infernale”. C’est une dissonance majeure, voulue, dans cet ensemble que constitue la Divine Comédie, comme l’écrit Adriana Sabato:

L’Enfer, qui se veut lieu du désordre et de la rébellion, du bruit et de la dissonance, se pose en nette antithèse de l’harmonie des autres deux cantiques, créant un contraste qui met encore plus en évidence la beauté de l’ensemble du poème.4 (…) 

Luth

Luth, ‘ud’ à six chœurs

Pourtant, la musique et le chant sont présents tout au long de l’Enfer, mais il ne faut pas s’arrêter à la seule cacophonie des pleurs et des lamentations, analyse Francesco Ciabattoni, faute de quoi «nous manquons les nombreuses références musicales qui se trouvent dans la fumée et les pleurs du sombre monde de Dante»5.

Il y a bien sûr les mentions d’instruments musicaux, très souvent présentés de manière dégradée, les plus spectaculaires étant sans doute la scène où le démon Molacoda fait «de son cul une trompette» [“Ed elli avea del cul fatto trombetta”, Chant XXI, vers 139], l’autre étant celle où Maître Adam, falsificateur de monnaie, est décrit «en forme de luth» [“Io vidi un, fatto a guisa di lëuto”, Chant XXX, 49]. Un luth qui résonne: quelques vers plus loin, ne supportant pas de se faire traiter de «perfide Sinon» [« falso Sinon”, vers 98], celui-ci donne un grand coup sur la panse gonflée de Me Adam qui “sonna comme un tambour” [“Quella sono come fosse un tamburo”, vers 103]. On aura trouvé manière plus harmonieuse de faire de la musique avec un luth!

L’Enfer, pour Dante est d’abord un spectacle sonore

Mais ces discordances, ces bruits, ces plaintes, dans un lieu mal éclairé où l’on distingue mal, sont autant de guides précieux pour Dante. C’est à l’oreille qu’il devine ce qui l’attend, car avant de voir, il entend. Et par exemple, lorsque juste après avoir passé la porte de l’Enfer, au Chant III, lorsque Virgile lui prenant la main, le « fait entrer dans les choses secrètes », c’est d’abord un spectacle sonore qui se présente à son ouïe, que la poésie de Dante rend visible: 

les crissements du lieu, la dissonance, en antithèse avec l’harmonie que crée l’ordre universel, est mis en évidence par la progression, d’abord ascendante (soupirs, plaintes, hurlements de douleurs) comparable à un crescendo symphonique, puis descendante (langues, paroles, accents, voix)[notes]in La partitura infernale, par Vincenzo Incenzo, Fonopoli, Roma 2003 – cité par Adriana Sabato, opus cité, p. 40[/note]

Or ce tumulte, remarque Francesco Ciabattoni, est «senza tempo» [vers 29]. Ce qui lui fait écrire: «L’absence de structure musicale et rythmique suggère que ce chœur est une version parodique des chœurs parfaitement harmonisés du Paradis.»6

C’est de ces dissonances, de ces mots employés par Dante, que Luzzasco Luzzaschi fit un madrigal ; le voici interprété par Profeti della Quinta. 

Notes

Dante il primo tifoso dell’Inter

Dante il primo tifoso dell’Inter

Utiliser la Divine Comédie pour animer sa campagne de réabonnement 2018-2019, pour un club de foot, c’est osé! C’est pourtant ce que fait actuellement, l’Inter de Milan, un prestigieux club italien avec sa campagne baptisée “A riveder le stelle”. Une référence directe à sa prochaine saison qui verra l’équipe renouer avec la plus prestigieuse compétition européenne: la Ligue des champions de l’Uefa. 

Cette campagne s’appuie sur une image créée par le photographe espagnol Joan Garrigosa [ci-dessus]. Il a photographié par petits groupes cent tifosi de l’Inter, âgé de deux mois et demi à 92 ans, recrutés lors d’un casting organisé au stade San Siro. Le club distribuera un audioguide qui détaillera les messages cachés dans l’image; ils font référence à l’histoire du club Nerazzurri 7 et contiennent aussi des allégories qui renvoient à des chefs d’œuvre de la Renaissance. 

Un clip-vidéo constitue le deuxième élément fort de la campagne. Il raconte l’entrée dans le stade d’un tifoso accompagné de son fils de cinq ans qui va voir pour la première fois jouer l’Inter jouer en Ligue des Chanpions. Pendant que les deux personnages montent la rampe d’accès, une voix déclame les derniers vers du Chant XXXIV: «per quel cammino ascoso / intrammo a ritornar nel chiaro mondo ; / e sanza cura aver d’alcun riposo, / salimmo sù, el primo e io secondo, / tanto ch’i’ vidi de le cose belle / che porta ‘l ciel, per un pertugio tondo. / E quindi uscimmo a riveder le stelle.»

Notes

Une plongée interactive dans l’Enfer

Une plongée interactive dans l’Enfer

Génial! Il n’y a pas d’autre mot pour qualifier Inferno, le site interactif créé par Alpaca8une coopérative de designers graphiques et Molotro9, un studio graphique, sous le patronage La Sociétà Dante Alighieri10. Le projet date de 2016, mais il n’a pas pris une ride. 

La Divine Comédie est d’un abord difficile: une langue belle mais parfois ardue, une foule de personnages dans laquelle il est facile de se perdre, un plan —celui de l’Enfer— certes évident si l’on a lu avec attention le Chant XI où Virgile donne les clés— mais qui peut se brouiller avec le temps… L’approche de ce chef d’œuvre de la littérature peut donc être rébarbative. C’est le génie de l’équipe pluridisciplinaire11qui est derrière le projet Inferno d’avoir su utiliser les ressources qu’offrent aujourd’hui l’interactivité et le graphisme moderne pour renouveler l’approche du texte de Dante. 

Tous les lecteurs de la Comédie ont en mémoire un certain nombre d’images, qui traduisent et représentent l’imaginaire du poète. Ce seront les sombres gravures Gustave Doré, les peintures délicates et lumineuses de William Blake, ou dans une période plus proche de nous les peintures tranchantes et magnifiques de Salvador Dali. À ces visions superbes mais figées, Giulia Bonora12, l’illustratrice d’Inferno, apporte par son dessin proche de la littérature enfantine une fraîcheur qui restitue au terme de « Comédie” son sens premier. Surtout son dessin est au service d’un projet qui se veut didactique et de son interactivité.

Inferno-interactivité

L’interactivité d’Inferno est particulièrement soignée. Très agréable et efficace.

Car dans Inferno, l’interactivité est au cœur du projet. Elle joue sur trois niveaux distincts:

  • le dessin lui-même, où chaque scène, chaque personnage, est cliquable et permet d’avoir accès directement aux vers et au Chant où il question de la scène ou du personnage.
  • en haut de la page, un menu avec trois onglets:
    • le premier donne accès à un menu déroulant —et interactif— donnant accès à chacun des cercles, girons et bolges de l’enfer;
    • le deuxième au menu des 34 chants de l’Enfer, sachant que pour chaque chant, nous aurons un rappel du lieu où se déroule l’action (la forêt, la lande, etc.), les principaux personnages et un un agrandissement du dessin qui permet ainsi de se repérer par rapport à l’ensemble;
    • le troisième donne accès à l’ensemble des personnages.13
  • sur la droite un menu —interactif— reprend la liste de tous les péchés, permettant ainsi de retrouver dans quel Chant il est question, par exemple, des « traîtres à la patrie » ou des « hérétiques ».

Pour terminer: le projet a remporté en 2017 le prestigieux « Grand prix » et le prix de la catégorie « didactique » des IIIDawards, un compétition internationale organisée par l’International Institute for Information Design

Notes

  • Dessins de Giulia Bonora
Ravenne: des noms sortis de l’oubli

Ravenne: des noms sortis de l’oubli

Ce sont dix noms. Certains sont ceux de personnalités qui fréquentèrent Dante de son vivant et qui sont aujourd’hui méconnus; d’autres sont de ceux de personnages mal connus qui permirent de sauver la dépouille du poète de la disparition. À ces dix, il faut ajouter les prénoms de ses trois enfants qui l’avaient accompagné dans son exil. C’est à tous que la ville de Ravenne veut rendre hommage en donnant leur nom à des rues ou des espaces verts.  

Chi va piano, va sano e va lontano… La célèbre locution s’applique parfaitement au projet en cours à Ravenne de création d’un parc littéraire dédié à Dante Alighieri. Cette idée née en 2014 d’une suggestion conjointe de la Società Dante Alighieri di Roma et de Paesaggio Culturale Italiano a trouvé un écho favorable dans la ville où décéda le poète. 

Concrètement cela se traduit par deux initiatives qui se se croisent, se complètent, et peuvent se développer indépendamment l’une de l’autre. Le premier est un parc littéraire virtuel qui embrasse la Toscane et l’Émilie-Romagne, et dont un site, Le Terre di Dante, recense les initiatives et les événements. 

La deuxième initiative consiste à réfléchir à une nouvelle toponymie des lieux à Ravenne. Une commission ad hoc réunissant plusieurs associations locales 14 s’est mise en place pour réfléchir à une nouvelle toponymie des rues et des lieux. Le projet devrait être formalisé au cours du mois d’août auprès de la mairie de Ravenne, mais a déjà reçu l’accord unanime de tous les partis politiques représentés.

Les noms retenus par cette commission sont pour certains peu connus, mais chacun a sa manière a joué un rôle important nous permettant de connaître l’œuvre du poète ou plus modestement prenant soin et protégeant ses restes. Ce sont —entre autres— trois de ses enfants (Pietro, Jacopo, et Antonia), trois poètes qui rédigèrent une épitaphe pour rendre honneur au poète après son décès (Menghino Mezzani, Giovanni del Virgilio et Bernardo Canaccio), le protecteur de Dante, le conte Guido Novello da Polenta, et… mais partons à leur découverte. 

Pietro Alighieri, probablement le fils aîné de Dante Alighieri et de son épouse Gemma. Il étudia le droit à Bologne, et entrepris une carrière de juge à Vérone. Il est probable qu’il connaissait Pétrarque. Il eut sept enfants; il nomma un garçon Dante et une fille Gemma. Il est l’auteur de trois commentaires successifs —en latin— de La Divine Comédie.

Jacopo Alighieri, est né lui aussi avant 1300. Il put retourner à Florence en 1325. Il entra dans les ordres mineurs, devint chanoine à Vérone et obtint des bénéfices à Valpolicella. il est probablement mort à Florence, pendant l’épidémie de peste de 1348. Il eut deux enfants (illégitimes) avec Jacopa di Biliotto; il nomma Alighiero le garçon et Alighiera la fille. Il est l’auteur d’un commentaire en « vulgaire » de l’Enfer, rédigé en 1322, ce qui en fait le premier commentateur de la Comédie. 

Antonia Alighieri devint très probablement moniale, à la mort de son père, sous le nom de sœur Beatrice au monastère de San Stefano de Ravenne. 

Pino della Tosa était un condottiere florentin. Il se serait opposé avec succès à la volonté de Bertrando del Poggetto (Bertrand du Pouget), légat du pape Jean XXII, qui voulait disperser et brûler les restes de Dante. Plusieurs indices concourent à établir la véracité de cette histoire. D’une part, on sait que Pino della Tosa était à Bologne en 1328, et qu’il y a rencontré Bertrando del Poggetto, alors Signore generale de la ville. D’autre part, Boccace 15 confirme la présence de della Tosa à Bologne et rapporte que le légat avait fait brûler en public l’ouvrage de Dante, De Monarchia. 

Anastasio Matteucci. C’est grâce à cet étudiant alors âgé d’une vingtaine d’années que les ossements de Dante ne furent pas jetés dans une fosse commune en 1865. Lors de travaux effectués à l’occasion du 600e anniversaire de la naissance du poète en 1865, un ouvrier retrouva une cassette contenant des restes humains à l’extérieur du cloître de Braccioforte. La chance voulu qu’Anastasio Matteucci puisse lire l’inscription sur le sarcophage qui commençait par «Ossa Dantis», sauvant ainsi de la destruction les ossements de Dante. 

Antonio Fusconi qui fut pendant 46 ans (de 1920 à 1966) le gardien de la Tombe de Dante à Ravenne.  

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Dante Alighieri lisant la Divine Comédie à la cour de Guido Novello à Ravenne – Andrea Pierini, 1850 .

Menghino Mezzani, vécu de 1295 à 1375/76. Ce notaire fut un ami de Pétrarque et de Boccace. Par Boccace, on sait qu’il connut Dante alors en exil à Ravenne. Il est l’auteur de l’épitaphe Inclinata fama pour la Tombe de Dante16

Giovanni del Virgilio est né à Bologne avant 1300. Il devait son surnom « del Virgilio” au culte qu’il vouait au grand poète latin. Entré en contact avec Dante, alors l’hôte de Guido Novello da Polenta, il commença avec lui, les Églogues, un échange de quatre poèmes en latin. Il répondit comme Menghino Mezzani au « concours » lancé par Guido Novello et proposa une épitaphe qui commence par Théologus Dantes, nullius dogmatis expert17

Bernardo Canaccio, né en 1297,était le fils de Arpinello detto Canaccio de la famille degli Scannabecchi. Il est probable qu’Arpinello exilé à Vérone connu Dante qui résida dans cette villee de 1313 à 1319. Bernardo fut très certainement un ami et un disciple de Dante lorsque celui-ci résidait à Ravenne. On lui attribue l’épitaphe gravée sur le sépulcre qui se trouve dans la tombe de Dante et encore visible aujourd’hui, Iura monarchie…18

Dino Perini est le Mélibée [Melibœus] de la première églogue de Dante, ces poèmes bucoliques échangés avec Giovanni del Virgilio. D. Perini était un notaire florentin qui fit de nombreux séjours à Ravenne et qui se lia d’amitié avec Dante. Boccace le décrit ainsi:

Notre concitoyen et homme de bon entendement, selon ce qui en était dit, était autant qu’il est possibile familier de Dante.

Fiduccio de’ Milotti est l’Alphésibée [Alfisebeo] de la seconde Églogue de Dante. Ce médecin et philosophe habitait Ravenne où il enseignait. Riche et puissant, il fut le beau-père de Giovanni da Polenta, le frère de Guido Novello. 

Piero Giardini était notaire (ou son frère Tura) à Ravenne. Il aurait, selon Boccace, contribué à retrouver les treize derniers chants de la Divine Comédie. Voici le récit qu’en fait Boccace:

Une nuit, vers l’heure que nous appelons « matutino« , Iacopo [Alighieri] est entré dans la maison d’un brave homme de Ravenne, nommé Piero Giardino, disciple de longue date de Dante, huit mois après la mort de son maître. Juste avant cette heure, il avait vu dans son sommeil son père, vêtu de vêtements d’un blanc immaculé, son visage brillant d’une lumière inhabituelle venir vers lui […]. Pour cette raison, alors que la nuit était loin d’être terminée, ils partirent ensemble, et se rendirent à l’endroit indiqué, et là ils ont trouvé une tenture pendue au mur qui était légèrement soulevée. Ils ont alors remarqué dans le mur une petite fenêtre qu’aucun d’entre eux n’avait jamais vu, ni su qu’elle était là. À l’intérieur de celle-ci, ils trouvèrent des écrits, moisis en raison de l’humidité du mur, et près de se décomposer, s’ils étaient restés plus longtemps. Après les avoir délicatement nettoyés de la moisissure, ils ont vu les treize chants qu’ils cherchaient tant.

Guido Novello da Polenta, noble poète romagnolo, fut aussi un poète. Il fut podestà de la cité de Ravenne à partir de 1316 et en sera chassé par son cousin Ostasio Ier en 1322. Admirateur de Dante, il le fit venir à sa cour à partir de 1318/1319 et sera son mécène et son protecteur ainsi que celui de sa famille. Politiquement, Guido Novello recherchait aussi la paix avec les voisins de Ravenne. C’est sans doute pour cela qu’il confia une mission diplomatique à Dante, auprès de la République de Venise. C’est au retour de cette mission que Dante devait contracter une maladie mortelle. Très affecté par ce décès subi, Guido Novello fit des funérailles solennelles au poète et promit l’érection d’un monument funéraire pour célébrer sa mémoire. C’est dans ce cadre qu’il demanda aux plus grands poètes de rédiger des épitaphes célébrant Dante. Las, chassé du pouvoir par son frère, il ne ne put tenir ses promesses. Le monument ne sera pas construit, et les épitaphes ne seront gravées sur le sarcophage contenant la dépouille du corps que dans la deuxième moitié du XIVe siècle. 

Notes