Pour la troisième fois, La Divina Commedia Opera Musical est jouée. Cette œuvre, inspirée de celle de Dante a été créée, il y a plus de dix ans, en 2007. Elle avait déjà été reprise une première fois en 2010-2011 avant donc cette troisième saison.
La Divine Comédie est un opéra de la vie, de l’histoire, de l’amour divin et charnel, riche de personnages inoubliables. Le transformer en un « véritable » opéra pourrait sembler un jeu d’enfant. Il n’en est rien. Tout est piège dans une adaptation. Par exemple, quelles scènes retenir dans une poésie qui en compte tant? Comment respecter la progression d’une histoire qui se déroule dans trois « règnes » successifs, l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis? Quels personnages clés choisir par le millier que compte l’œuvre de Dante? Et puis il y a le texte; sa seule lecture demande plus de 24 heures. Comment le respecter dans un spectacle de deux heures?
Mais difficile ne veut pas dire impossible. Tous ceux qui ont lu le poème ont été touchés par certaines figures, comme Francesca et son impossibile amour avec Paolo, Ulysse le voyageur qui périt après avoir défié la volonté divine, Caton l’intransigeant gardien de l’entrée du Purgatoire, ou encore Pier delle Vigne, le conseiller de l’empereur Frédéric II que le suicide a transformé pour l’éternité en buisson harcelé par les harpies.Sans oublier les trois « guides » de Dante tout au long de son voyage: Virgile, Béatrice et Saint Bernard. Autant de figures qui sont autant de scènes mémorables. Qui n’a jamais imaginé cette forêt « âpre et sauvage » sur laquelle s’ouvre la Comédie où erre Dante, qui a perdu « la voie droite » ? Ou encore ce château où la « Pia » perdit la vie?
Le scénographe et auteur italien Gianmario Pagano s’est inspiré du texte de Dante pour écrire le livret de cet Opéra, la musique étant l’œuvre de Marco Frisina, un prêtre auteur de nombreuses musiques religieuses.
La vidéo de promotion, ci-dessous, donne une idée du spectacle.
Pour plus de détails voir le siteLa Divina Commedia Opera Musical. On y trouve en particulier les dates des représentations, sachant qu’après Rome (en janvier) cet opéra sera à Naples en février, puis à Milan et Bari en mars.
L’escalier est étroit et raide. En bas à droite, une porte blanche donne sur la minuscule salle de spectacle. Nous sommes une petite cinquantaine de spectateurs à nous asseoir sur des chaises dépareillées et des fauteuils fatigués disposés en carré autour de la scène. Elle est fermée d’un mur blanc qui fera office d’écran. Nous nous trouvons à Londres, dans le Barons Court Theatre, installé dans le sous-sol du Curtains Up, un vaste pub du tranquille quartier d’Hammersmith. Au programme ce soir: Dante’s Divine Comedy.
Disons le tout de suite: ce spectacle n’est pas destiné aux puristes. Douglas Baker, l’auteur et metteur en scène de la pièce, propose en effet une réécriture de la Comédie originale qu’il a transposé dans le monde contemporain. Si la trame de l’œuvre est préservée, puisque l’on retrouve l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis, que Dante croise Virgile, Béatrice, Lucifer, Charon, Caton… les transformations et aménagements sont nombreux, car il s’agit de transformer un poème du 14e siècle, long de 14.233 vers, en une pièce de théâtre contemporaine de 90 minutes.
Dante, joué par Axel Chard, est plus proche de la vingtaine que du «mezzo del cammin di nostra vita». Chemise à carreau ouverte sur un T-shirt blanc, on est loin de l’image traditionnelle du Sommo Poeta vêtu de sa longue robe rouge et coiffé de sa couronne de laurier. Nous sommes au XXIe siècle est si Dante est perdu il l’est car Béatrice vient de mourir et qu’il est au bord du suicide. Virgile, Jack Blackburn, vient à son secours et se propose d’être son guide vers le Paradis, où se trouve Béatrice.
Francesca et Paolo chantent de nouveau leur amour éternel
Dante’s Divine Comedy
La traversée de l’Enfer est sans aucun doute la partie la plus réussie de la pièce, en dépit —ou grâce— d’une grande économie de moyen. Une chœur de quatre jeunes filles, quelques jeux de lumière et voilà que Francesca et Paolo chantent de nouveau leur amour éternel, que Cerbère et ses trois têtes en ombre chinoise est prêt à dévorer les âmes maudites, que Bertrand de Born apparaît portant sa tête comme un fanal… Rien de grand-guignol dans tout cela, mais beaucoup de grâce et de précision, comme l’est la longue escalade des écailles qui couvrent le corps de Lucifer par Dante et Virgile.
Le Purgatoire ressemble étrangement à l’Enfer [nous serions dans le métro de Londres], et curieusement Dante y devient « le guide » de Virgile, et se sent abandonné dans le long dialogue final où Virgile tente d’expliquer à Dante qu’il lui est impossible d’entrer au Paradis, car né avant le christianisme. Mais lui assure-t-il Béatrice l’y attendra.
L’arrivée sur scène de celle-ci scelle l’entrée au Paradis. Pour autant Dante lui-même n’est pas au Paradis! Les quatre actrices qui composent le chœur abandonnent leur candide tenue blanche, endossent un veste de chantier floquée chacune du nom d’un Saint (Saint Pierre, etc.) et se transforment en accusatrices féroces. Les lecteurs de la version originale de la Comédie auront reconnu les premiers chants du Paradis ou Dante doute de sa foi, mais ici foin de délicatesse; « c’est du brutal ». Quand à Béatrice elle apparaît glaciale et détachée face à un Dante toujours éperdument d’amour pour elle.
L’écriture, la mise en scène, les jeux de lumière, le dynamisme et l’engagement de la troupe de jeunes acteurs font de Dante’s Divine Comedy en dépit de quelques faiblesses inhérentes à ce mode de production, un superbe spectacle qui mérite de s’enfoncer dans les sous-sols des pubs londoniens. Et si la lettre des terzine du poète florentin n’est pas respectée, en revanche son esprit est présent: n’est-il pas question d’un voyage d’amour, de foi et de passions?
Dante’s Divine Comedy se joue au Barons Court Theatre, 28a Comeragh Road W14 9 à Londres jusqu’au 30 septembre 2017.
La Divine Comédie est musique: celle de la langue magnifique de Dante, celle des sphères qui tournent dans le ciel du Paradis, celle encore des chants religieux qui portent les ombres des pécheurs du Purgatoire, et aussi la cacophonie bruyante et désordonnée de l’Enfer.
L’œuvre, nourrie de la musique des troubadours provençaux et de la force des chants religieux, devait inspirer de nombreux compositeurs au fil des siècles. Puisant dans cet immense répertoire, les organisateurs du MA Festival —Early Music— de Bruges, se sont attachés à construire un “parcours musical” cohérent, qui a mené les spectateurs “de l’Enfer au Paradis”, du vendredi 4 au dimanche 13 août 2017.
Pour conserver une trace de cette intéressante programmation, voici un aperçu de ce parcours musical (avec d’autres interprètes!), de l’esprit dans lequel les œuvres musicales sont jouées, et des compagnies qui les interprètent.
L’Orfeo de Monteverdi a ouvert le 4 août, ce pèlerinage musical. Un début en douceur pour cette “favola in musica”, créée en 1607, où le héros s’efforce de sauver sa femme décédée, Eurydice, des Enfers.
Le mardi 8 août, les spectateurs sont toujours avec Orphée, mais avec l’opéra de chambre écrit par Marc-Antoine Charpentier, vers 1686, “Orphée aux Enfers”.
– Plus complexe, le dimanche 5 août, avec La Casa del Diavolo [la maison du diable] proposée par les musiciens de B’Rock. Leur visite de l’enfer suit une trame délicate où la symphonie La Casa del Diavolo de Boccherini fera écho au « Sturm und Drang » de la symphonie La Passione de Haydn. Puis le quatuor à cordes “…miserere…” du compositeur contemporain Louis Andriessen évoquera l’atmosphère du Purgatoire, avant que ne se déploie la paradisiaque Symphonie n°33 de Mozart.
La Casa del Diavolo, Symphonie n°6 en D majeur par Amadeus Chamber Orchestra dirigé par Yongho Choi
Symphonie n°33 de Wolfgang Amadeus Mozart, orchestre dirigé par Carlos Kleiber -> https://youtu.be/3gIUIPYgSxk
Je n’ai pas retrouvé en ligne une version du …misere… de Louis Andriessen, mais voici ce qu’en dit la note du CD:
Le dernier quatuor à cordes de Louis Andriessen …miserere… est relié au fameux “Miserere” par Allegri par sa forme: A B A C A B A B. L’origine de ce lien est le livre —allemand— “Melodien” d’Helmut Krausser. Dans ce livre, publié en Italie vers 1400, l’alchimiste Castiglio [Tropator] débute une quête des “26 mélodies magiques”. Ces mélodies secrètes ont d’étranges pouvoirs, par exemple le pouvoir d’inspirer de l’amour et celui de guérir. Andriessen a auparavant utilisé une partie de la matière mélodique dans Remembering that Sarabande, une pièce pour quatre altos écrite pour le 60e anniversaire d’ Annette Morreau. …miserere… est de fait un ensemble de variations.
[j’en profite pour signaler que Louis Andriessen a écrit un film opéra en cinq actes, La Commedia, dont on trouvera la bande son ici
“Qu’y a-t-il après la mort ?” La question est centrale dans La Divine Comédie, et les Voce Suaves, un ensemble vocal de jeunes chanteurs tournés vers le Madrigal italien, s’efforceront d’y répondre à travers des œuvres de Monteverdi, Gesualdo, Luzzaschi et bien d’autres. (ce sera le lundi 7 août)
Le Purgatoire est la partie la moins connue de La Divine Comédie; elle sera mise en valeur par l’ensemble inAlto dans un programme, sobrement intitulé “Purgatorio” construit autour des textes et poésies de Dante Alighieri et Pétrarque. Ceux-ci ont connu un immense succès auprès des compositeurs des 16e et 17e siècles [Jacopo Peri, Giulio Caccini, Marco da Gagliano…]. L’ensemble interprètera donc des “perles” du premier baroque d’une grande intensité dramatique en dialogue avec la musique (orgue) de Bernard Foccroulle composée autour du Purgatoire.
Quelle est la musique des sphères célestes dans le Paradis? Existe-t-il même une musique? Katrien Kolenberg, professeur d’astrophysique travaille sur l’harmonie des “spheres”. Avec son violoncelle et ses illustrations, elle montrera comment il est possible d’“écouter” les étoiles et ce qu’elles ont à nous dire.
Dante avait une profonde connaissance de la poésie occitane, qui est l’une des sources du “Dolce Stil Novo”, et au fil des chants de La Divine Comédie on croise quelques uns de ces poètes: Bertrand de Born tenant sa tête par les cheveux dans l’Enfer, mais aussi Sordello, Arnaut Daniel au Purgatoire… Les jeunes talents du Sollazzo Ensemble vont s’attacher à explorer l’impact du répertoire de ces troubadours occitans sur l’œuvre de Dante et les madrigaux du “Trecento”.
Pour les lecteurs de langue italienne , un lien vers un article du Giornale della Musicaqui décrit très précisément la programmation et l’esprit “dantesque” de ce festival.
Un très bref album souvenir du Carnaval de Rio de Janeiro au Brésil de 2017. L’une des écoles de samba, Salgueiro, avait décidé de défiler sur le thème de la Divine Comédie. Quelques images parues alors sur Twitter (les vidéos ne sont plus disponibles)