Comment exprimer son amour et en même temps sa détresse? L’actrice Asia Argento a choisi de publier un bref passage de la Divine Comédie pour afficher le terrible deuil qu’elle vit et montrer la force de son amour à ceux qui la harcèlent sur les réseaux sociaux.
La photo, prise à Florence, sans doute le 27 mai, montre l’actrice et son ami, le chef Anthony Bourdain. Moment de romantisme à l’italienne, pour ce couple de célébrités installé dans une décapotable rouge, un parapluie fermement tenu par Bourdain pour s’abriter du soleil. Sans doute un de leurs derniers instants de bonheur. Le 8 juin c’est le drame: le corps d’Anthony Bourdain est retrouvé dans un hôtel en Alsace, où il préparait une émission de télévision. L’enquête de police conclut au suicide.
Asia Argento a donc choisi pour légender cette photo, publiée sur Instagram, le passage du Chant V de l’Enfer où Francesca répond à Dante qui lui demandait comment «amour permit [aux deux amants] de connaître les incertains désirs?»
La réponse de Francesca est poignante:
Il n’est nulle douleur plus grande
que de se souvenir des temps heureux
dans la misère ; et cela ton guide le sait.
Mais comme tu as si grand désir de connaître
la première racine de notre amour,
je te le dirai en pleurant et en parlant. [v. 119-126]
Tous ceux qui ont lu la Divine Comédie savent que l’amour et la peine de Francesca et Paolo sont éternels, car c’est éternellement qu’ils tourbillonneront dans l’infernale tempête où se trouvent ceux qui ont soumis «la raison à la passion»; éternellement, qu’ils se souviendront des «temps heureux», de ce moment où leur amour pris «racine»; éternellement, que ce souvenir sera aussi l’aiguillon de leur douleur.
Repose en paix Anthony Bourdain. Asia Argentino vient de t’envoyer, «en pleurant et en parlant», le plus beau des messages d’amour.
Le 9 juin, à la Basilique San Francisco de Ravenne, l’ensemble vocal Voces Suaves1 donnait un concert, Quivi Sospiri, inspiré du voyage de Dante en Enfer, au Purgatoire et au Paradis. Un parcours qui menait les spectateurs au travers les œuvres de compositeurs du XVIe siècle, comme Luzzasco Luzzaschi, Pietro Vinci, Philippe Verdelot ou Jacques Arcadelt, avec une incursion dans la musique contemporaine grâce à la compositrice américaine Joanne Metcalf.
Ce concert chanté par un des plus beaux ensembles vocaux contemporains, spécialisé dans l’interprétation d’œuvres du répertoire de la musique baroque et de la Renaissance fut on peut le supposer magnifique2. Il fut sans nul doute chargé d’émotion, car il eut lieu dans la Basilique où furent célébrées, en 1321, les funérailles de Dante. Mais ce dernier aurait sans doute été surpris des choix musicaux censés illustrer son voyage initiatique et lui rendre hommage.
Peu de compositeurs de la Renaissance ont mis en musique l’Enfer
Comme le note RavennaNotizie.it en rendant compte du concert, «L’ensemble vocal Voces Suaves a essayé d’étudier l’influence de la Divine Comédie sur la musique polyphonique italienne du XVIe siècle: apparemment, il n’était pas facile de trouver des compositeurs de l’époque qui mettaient les terzine dantesques en musique.» C’est pour cette raison qu’ils ont arrêté leur choix sur Luzzasco Luzzaschi qui a consacré un madrigal à quelques vers du Chant III de l’Enfer (22-30) : «sospiri, pianti et alti guai,/ risonavan per l’aere sanza stelle, /per ch’io al cominciar ne lagrimai. / Diverse lingue horribili favelle / parole di dolore accenti d’ira…» [“Là soupirs, plaintes et hurlements de douleurs / retentissaient dans l’air sans étoile, / ce qui me fit pleurer pour commencer. / Langues diverses, accents horribles, / paroles de douleur, accents de colère…”].
Le nom de ce madrigal ? Quivi Sospiri
Il ne faut pas s’étonner de la rareté des compositions musicales en particulier sur l’Enfer. «L’Enfer est le règne du mal, la mort de l’âme et le domaine de la chair, le chaos: esthétiquement c’est le laid [il écrit “è il brutto”]. Disons que le laid ne permet pas l’art et que l’art est la représentation du beau.», écrira plus tard Francesco De Sanctis 3.
Cette «laideur» Dante la représente au sens propre dans l’Enfer: en fait de musique on n’entend —à la première lecture du poème que cacophonie et dissonances. L’harmonie et la polyphonie nous ne le rencontrerons qu’au Paradis. Ce qui accompagne le lecteur tout au long des 34 chants du premier cantique, ce qui fait son « paysage musical », c’est la “rumore infernale”. C’est une dissonance majeure, voulue, dans cet ensemble que constitue la Divine Comédie, comme l’écrit Adriana Sabato:
L’Enfer, qui se veut lieu du désordre et de la rébellion, du bruit et de la dissonance, se pose en nette antithèse de l’harmonie des autres deux cantiques, créant un contraste qui met encore plus en évidence la beauté de l’ensemble du poème.4 (…)
Luth, ‘ud’ à six chœurs
Pourtant, la musique et le chant sont présents tout au long de l’Enfer, mais il ne faut pas s’arrêter à la seule cacophonie des pleurs et des lamentations, analyse Francesco Ciabattoni, faute de quoi «nous manquons les nombreuses références musicales qui se trouvent dans la fumée et les pleurs du sombre monde de Dante»5.
Il y a bien sûr les mentions d’instruments musicaux, très souvent présentés de manière dégradée, les plus spectaculaires étant sans doute la scène où le démon Molacoda fait «de son cul une trompette» [“Ed elli avea del cul fatto trombetta”, Chant XXI, vers 139], l’autre étant celle où Maître Adam, falsificateur de monnaie, est décrit «en forme de luth» [“Io vidi un, fatto a guisa di lëuto”, Chant XXX, 49]. Un luth qui résonne: quelques vers plus loin, ne supportant pas de se faire traiter de «perfide Sinon» [« falso Sinon”, vers 98], celui-ci donne un grand coup sur la panse gonflée de Me Adam qui “sonna comme un tambour” [“Quella sono come fosse un tamburo”, vers 103]. On aura trouvé manière plus harmonieuse de faire de la musique avec un luth!
L’Enfer, pour Dante est d’abord un spectacle sonore
Mais ces discordances, ces bruits, ces plaintes, dans un lieu mal éclairé où l’on distingue mal, sont autant de guides précieux pour Dante. C’est à l’oreille qu’il devine ce qui l’attend, car avant de voir, il entend. Et par exemple, lorsque juste après avoir passé la porte de l’Enfer, au Chant III, lorsque Virgile lui prenant la main, le « fait entrer dans les choses secrètes », c’est d’abord un spectacle sonore qui se présente à son ouïe, que la poésie de Dante rend visible:
les crissements du lieu, la dissonance, en antithèse avec l’harmonie que crée l’ordre universel, est mis en évidence par la progression, d’abord ascendante (soupirs, plaintes, hurlements de douleurs) comparable à un crescendo symphonique, puis descendante (langues, paroles, accents, voix)[notes]in La partitura infernale, par Vincenzo Incenzo, Fonopoli, Roma 2003 – cité par Adriana Sabato, opus cité, p. 40[/note]
Or ce tumulte, remarque Francesco Ciabattoni, est «senza tempo» [vers 29]. Ce qui lui fait écrire: «L’absence de structure musicale et rythmique suggère que ce chœur est une version parodique des chœurs parfaitement harmonisés du Paradis.»6.
C’est de ces dissonances, de ces mots employés par Dante, queLuzzasco Luzzaschi fit un madrigal ; le voici interprété par Profeti della Quinta.
Génial! Il n’y a pas d’autre mot pour qualifier Inferno, le site interactif créé par Alpaca7une coopérative de designers graphiques et Molotro8, un studio graphique, sous le patronage La Sociétà Dante Alighieri9. Le projet date de 2016, mais il n’a pas pris une ride.
La Divine Comédie est d’un abord difficile: une langue belle mais parfois ardue, une foule de personnages dans laquelle il est facile de se perdre, un plan —celui de l’Enfer— certes évident si l’on a lu avec attention le Chant XI où Virgile donne les clés— mais qui peut se brouiller avec le temps… L’approche de ce chef d’œuvre de la littérature peut donc être rébarbative. C’est le génie de l’équipe pluridisciplinaire10qui est derrière le projet Inferno d’avoir su utiliser les ressources qu’offrent aujourd’hui l’interactivité et le graphisme moderne pour renouveler l’approche du texte de Dante.
Tous les lecteurs de la Comédie ont en mémoire un certain nombre d’images, qui traduisent et représentent l’imaginaire du poète. Ce seront les sombres gravures Gustave Doré, les peintures délicates et lumineuses de William Blake, ou dans une période plus proche de nous les peintures tranchantes et magnifiques de Salvador Dali. À ces visions superbes mais figées, Giulia Bonora11, l’illustratrice d’Inferno, apporte par son dessin proche de la littérature enfantine une fraîcheur qui restitue au terme de « Comédie” son sens premier. Surtout son dessin est au service d’un projet qui se veut didactique et de son interactivité.
L’interactivité d’Inferno est particulièrement soignée. Très agréable et efficace.
Car dans Inferno, l’interactivité est au cœur du projet. Elle joue sur trois niveaux distincts:
le dessin lui-même, où chaque scène, chaque personnage, est cliquable et permet d’avoir accès directement aux vers et au Chant où il question de la scène ou du personnage.
en haut de la page, un menu avec trois onglets:
le premier donne accès à un menu déroulant —et interactif— donnant accès à chacun des cercles, girons et bolges de l’enfer;
le deuxième au menu des 34 chants de l’Enfer, sachant que pour chaque chant, nous aurons un rappel du lieu où se déroule l’action (la forêt, la lande, etc.), les principaux personnages et un un agrandissement du dessin qui permet ainsi de se repérer par rapport à l’ensemble;
le troisième donne accès à l’ensemble des personnages.12
sur la droite un menu —interactif— reprend la liste de tous les péchés, permettant ainsi de retrouver dans quel Chant il est question, par exemple, des « traîtres à la patrie » ou des « hérétiques ».
Pour terminer: le projet a remporté en 2017 le prestigieux « Grand prix » et le prix de la catégorie « didactique » des IIIDawards, un compétition internationale organisée par l’International Institute for Information Design.
Le hasard a fait que j’ai relu “Si c’est un homme” de Primo Levi, où il raconte son année dans le camp d’extermination (Lager) de Monowitz dépendant d’Auschwitz. Sur 650 “Stück”, déportés italiens, qui feront partie du convoi initial, seuls une vingtaine survivront. Lecteur de La Divine Comédie dont il connaissait des passages par cœur, Primo Levi, a enroulé son récit —dont dit-il «les chapitres en ont été rédigés non pas selon un déroulement logique, mais par ordre d’urgence»— autour de la spirale de l’Enfer de Dante.
Après le “tri”, sur le quai de la gare d’Auschwitz, où sont séparés les “valides” des femmes, des enfants et des vieillards, Primo Levi monte dans un camion qui va l’emmener au camp. Ses compagnons d’infortune, contrairement aux damnés de l’Enfer, ne “blasphèment” pas, ne sont pas “éperonnés par la justice divine”. Ils sont simplement abasourdis : “Tout nous semblait incompréhensible et fou”. Ici, il n’y a pas de transcendance. Il n’y a que «mépris de Dieu et des hommes, de nous autres hommes.»
D’ailleurs ce n’est pas, «nocher du marais livide, / qui autour des yeux avait des cercles de flammes» qui les accompagne, mais une «étrange escorte : «un soldat allemand tout bardé d’armes». Ce pâle ersatz du Charon de Dante ne criera pas «Malheur à vous, âmes scélérates !», mais demandera poliment ”si nous n’avons pas de l’argent ou des montres à lui donner, puisque de toute façon nous n’en aurons plus besoin après.” Et Primo Levi d’ajouter: «Ce n’est ni un ordre ni une consigne réglementaire: on voit bien que c’est une petite initiative personnelle.»
Tout comme chez Dante, pour entrer dans l’Enfer, il faut passer une porte, au-dessus de laquelle s’affiche une inscription. Mais tout est distordu. Alors que l’une est sombre (“oscuro”), l’autre, celle du Lager, est “vivement éclairée”; alors que l’une est sans ambiguïté —“Vous qui entrez, laissez toute espérance” [Lasciate ogne speranza, voi ch’intrate’]— on croirait l’autre tirée de la novlangue inventée par George Orwell: «Le travail rend libre» [Arbeit macht frei].
Le premier jour, tout lui paraît absurde. Par exemple, mourant de soif, il avise un beau glaçon sur l’appui extérieur d’une fenêtre. Il veut s’en emparer. Mais «un grand et gros gaillard» lui arrache brutalement et en guise d’explication lui dit seulement «Hier ist kein warum» [ici, il n’y a pas de pourquoi]. Et Primo Levi de poursuivre :
L’explication est monstrueuse, mais simple: en ce lieu tout est interdit, non certes pour des raisons inconnues, mais bien parce que c’est là précisément toute la raison la raison d’être du Lager. Si nous voulons y vivre, il nous faudra le comprendre, et vite.
Ils devront le faire aussi rapidement que ce pêcheur de Lucques jeté dans la poix bouillante au 8e cercle de l’Enfer par un diable qui lui crie: «Ici, point de Santo Volto! / Ici l’on nage autrement que dans le Serchio !». [Qui non ha loco il Santo Volto! / qui si nuota altrimenti che nel Serchio!]. C’est-à-dire, ici tu es loin du Serchio, la rivière de Lucques, et loin aussi de ce crucifix de bois noir, légendaire au Moyen-âge pour ses miracles. Ici, n’en attend aucun secours… Ici, dans ce Lager…
Pourtant, Primo Levi connaîtra quelques brefs moments de répit. Il en raconte un avec Jean, le Pikolo [il est tout à la fois commis aux écritures, préposé à l’entretien de la baraque, à la distribution des outils…] de leur Kommando. Il s’agit d’aller chercher la gamelle de soupe et de la ramener. C’est le printemps, l’air est tiède, on voit au loin les Carpates couvertes de neige. Nos deux amis ont une heure devant eux.
Jean, un jeune Alsacien parle déjà français et allemand, et «aime l’Italie, voudrait apprendre l’italien». Mais il faut faire vite, «car cette heure n’est déjà plus une heure». Primo Levi choisit alors comme outil d’apprentissage un passage… de la Divine Comédie, le chant d’Ulysse. «À savoir comment et pourquoi cela m’est venu à l’esprit», s’interroge-t-il. A savoir…
Ulysse se trouve dans la bolge (littéralement la “poche”) du 8e cercle de l’Enfer, avec les “conseillers perfides” [Chant XXVI]. Il est condamné à brûler éternellement et se trouve enfermé dans une langue de feu avec son compagnon Diomède à expier ses ruses passées. Il raconte à Virgile et Dante son ultime voyage, lorsqu’il décida de franchir le passage où «Hercule posa ses bornes» [Gibraltar] pour aller vers le «monde inhabité». Après quelques jours de navigation, il devait rencontrer une terre inconnue. Mais c’est la montagne du Purgatoire et les hommes ne peuvent y aborder à moins d’y être invité par Dieu. Un tourbillon va emporter le bateau d’Ulysse et de ses compagnons, qui se noieront. Tel est l’argument.
Alors pourquoi ce choix, a priori déroutant? Il ne s’agit pas d’apprendre l’italien, une heure n’y suffirait pas de toute façon; l’enjeu est autre : «Si Jean est intelligent, il comprendra. Il comprendra: aujourd’hui, j’en suis sûr». Car ce qui est jeu, c’est, entre autres, le voyage au-delà de l’interdit, le travail de mémoire, une réflexion sur l’amitié. Au milieu de ce naufrage qu’est le Lager, où tout est fait pour réduire un homme à n’être plus qu’un numéro tatoué sur la peau, ce chant est d’abord de liberté: mourir certainement [les conditions de vie du Lager ne laissent aucun espoir] mais conserver au fond de soi ce libre arbitre qui définit l’être humain.
Pour cela, Primo Levi se souvient en particulier de ce vers : «… Ma misi me per l’alto mare aperto. » [que je traduis par “mais je me lançais sur la haute mer ouverte”], et souligne le sens de «misi me». «Ce n’est pas , écrit-il, “je me mis”: c’est beaucoup plus fort, beaucoup plus audacieux que cela, c’est rompre un lien, se jeter délibérément sur un obstacle à franchir. » Et voilà qu’aussitôt après, les deux amis croisent le chemin de l’ingénieur Levi. «Il me fait un signe de la main, c’est un homme de valeur, je ne l’ai jamais vu découragé, je ne l’ai jamais entendu parler de nourriture».
Pourtant, en lisant cela, comment ne pas se souvenir de ce passage au début de “Si c’est un homme”, qui décrit la disparition d’Emilia, la fille de l’ingénieur Aldo Levi de Milan. «Une enfant curieuse, ambitieuse, gaie, intelligente, à laquelle ses parents, au cours du voyage dans le wagon bondé, avaient réussi à faire prendre un bain dans une bassine de zinc, avec de l’eau tiède qu’un mécanicien allemand “dégénéré” avait consenti à prélever sur la réserve de la locomotive qui nous entraînait tous vers la mort.» Jamais découragé…
Puis un autre fragment lui revient en mémoire. Il s’agit du discours d’encouragement d’Ulysse à ses compagnons pour les entraîner vers l’inconnu:
«Considerate la vostra semenza
fatti non foste a viver come bruti
ma per seguir virtute et conoscenza.»
[Pensez à à votre origine; vous n’avez pas été faits pour vivre comme des brutes, mais pour suivre la vertu et la connaissance.]
Lorsqu’il prononce ces quelques vers, «c’est comme si moi aussi j’entendais ces paroles pour la première fois: comme une sonnerie de trompettes, comme la voix de Dieu. L’espace d’un instant, j’ai oublié qui je suis». Et Jean le Pikolo de demander de répéter, ces paroles. «Il a senti, dit Primo Levi, que ces paroles le concernent, qu’elles concernent tous les hommes qui souffrent, et nous en particulier; qu’elles nous concernent nous deux, qui osons nous arrêter à ces choses-là avec les bâtons de la corvée de soupe sur les épaules.»
La mémoire peut être défaillante, mais l’essentiel n’est pas là. La culture et la poésie ont surgi par ce doux après-midi de juin 1944, au milieu de l’enfer, au milieu de l’entreprise de déshumanisation systématique qu’est le Lager, et les hommes redeviennent des hommes.
L’heure est trop vite passée. Primo Levi voudrait encore expliquer à son compagnon la «fulgurante intuition» qu’il vient d’entrevoir, «qui contient peut-être l’explication de notre destin ici» mais déjà il faut faire la queue pour la soupe:
« — Kraut und Rüben ?
— Kraut und Rüben.
C’est l’annonce officielle que nous aurons aujourd’hui de la soupe aux choux et aux navets:
— Cavoli e rape.
— Kaposzta és répak.
“Infin che l’mar fu sopra noi rinchuiso.”»
[“jusqu’à ce que la mer se fût refermée sur nous.”]
Par ce vers s’achève le Chant d’Ulysse dans le chant XXVI de l’Enfer et se clôt également le chapitre “Le chant d’Ulysse” dans “Si c’est un homme”.
L’Enfer imaginé par Dante mesurait précisément 140,8 kilomètres de largeur. C’est du moins ce que calcula un architecte et mathématicien Florentin, au XVe siècle (un siècle après la mort de Dante). Ces calculs seront plus tard avalisés par Galilée.
En tout cas, la Divine Comédie devait stimuler la créativité des artistes qui au fil des siècles, de Botticelli, à Dali en passant par Jacques Callot, donneront leur vision et leur représentation de l’Enfer.