#700Anniversaire — Dante’s Bones, par Guy Raffa

#700Anniversaire — Dante’s Bones, par Guy Raffa

Il est une formule que l’on ne peut pas appliquer à Dante et à sa dépouille: celle du « repos éternel”. Guy Raffa montre dans “Dante’s Bones” comment la figure du poète a été utilisée —et souvent manipulée— dans la construction de l’État italien. Cette histoire en cache une autre, tout aussi importante: la saga des ossements du Sommo poeta. 

Le 14 mai 1865, sur la Piazza Santa Croce de Florence, transformée en amphithéâtre, c’est la foule. Le roi Victor Emmanuel II est présent, les principales autorités politiques et militaires du pays, des représentants de toutes les provinces de l’Italie.

Au centre de la place, encore masquée par des draps, se dresse une gigantesque statue de Dante. L’Italie s’est réunie autour de celui que beaucoup considèrent comme son “père” pour célébrer le 600e anniversaire de sa naissance. 

Moins de quinze jours plus tard, le samedi 27 mai, des maçons découvrent, caché dans un mur proche du tombeau de Dante, un coffre de bois contenant des ossements. Sur ce qui sert de couvercle, on peut lire l’inscription suivante à l’encre noire: 

DANTIS OSSA

Denuper revista die 3 Junij

1677

(Ossements de Dante, vu une nouvelle fois le 3 juin 1677)

sur un flanc, de la même encre noire, une inscription plus large, donne cette fois le nom de son auteur: 

DANTIS OSSA

a me Fr(at)e Antonio Santi hic posita 

Ano 1677. Die 18 Octobris.

Dante célébré à Florence comme le “père” d’une Italie qui vient d’être (ré)unifiée renaît ainsi, quasiment au sens littéral du terme, à Ravenne où ses restes viennent d’être découverts. 

Deux histoires qui se croisent et se mêlent

Dante’s Bones, de Guy Raffa professeur d’Italian Studies à l’Université du Texas à Austin, est le récit de ces deux histoires: celle de l’Italie qui se construit et se cherche une identité commune et l’incroyable saga des ossements de Dante. Les deux se chevauchent, se mêlent, parfois s’écartent mais rarement s’ignorent. 

Alors que se préparent le 700e anniversaire de la mort du poète, la lecture de cet épais volume, fruit d’une longue enquête, est indispensable pour comprendre l’importance du poète dans la vie littéraire et culturelle mais aussi politique de l’Italie. 

Dante’s Bones est également l’histoire de l’antagonisme de deux villes, Florence et Ravenne, qui chacune revendique être la patrie de Dante. La première parce que le Sommo poeta y est né et qu’il se revendiqua tout au long de sa vie Florentin, même s’il l’était «de naissance et non de mœurs» 1 et la seconde parce qu’elle fut son dernier refuge et le lieu de sa mort. 

L’intervention avortée des Médicis

Assez rapidement, explique Guy Raffa, Florence, cette «mère peu aimante», comme le dit l’épitaphe gravée encore aujourd’hui sur le sarcophage qui abrite le corps, demandera le retour des restes du poète. 

Avec l’intervention de Laurent le Magnifique les demandes se font plus pressantes, mais c’est en 1513, que commence la “saga des ossements”. Jean de Médicis (deuxième fils de Laurent le Magnifique), est élu pape sous le nom de Léon X. Immédiatement les Florentins agissent. La sœur aînée de Léon X, dans ce que Guy Raffa décrit comme «une lettre extraordinaire» lui écrit que

le temps est venu est venu que ces ossements (de Dante), après leur long et défavorisé exil, peuvent et doivent, sans délai, revenir dans leur patrie.

Elle ajoute que telle était la volonté de leur père (Laurent), mais que c’est aussi celle de l’ensemble de la cité. Le pape cède à cette très familiale pression et demande donc la fin de « l’exil de Dante”. Il espère certainement de la sorte gagner les louanges des Florentins, mais aussi «de nombreuses personnes de toutes les parties de l’Italie».

Et les reliques de Dante devinrent celles d’un saint…

Avec l’intervention du pape, les ossements de Dante changent de statut. La question ne se réduit plus à être l’affaire de deux villes —Ravenne et Florence— elle commence à intéresser aussi de facto l’ensemble de la population italienne, même si l’Italie en tant que nation n’existe alors pas. 

Mais il est un autre changement. Il ne s’agit plus seulement pour les Florentins, écrit Guy Raffa, de faire revenir 

les restes de leur «poète sacré» de Ravenne à Florence mais de faire leur translation (translatare), le terme technique employé lors du déplacement du corps d’un saint vers l’emplacement le plus approprié.

Un changement de vocabulaire qui ne manque pas d’ironie à propos des restes d’un poète qui à sa mort était accusé d’hérésie, par le représentant du pape Clément V en Italie , le cardinal Bertrando del Poggetto2 et par le prêcheur dominicain Guido Vernani.3 

Passons quelques péripéties, mais lorsqu’une délégation florentine, forte de la décision du pape, aidée de solides maçons, descellent de nuit (!) «pratiquement comme des voleurs» la tombe du poète, ils ne trouvent… rien. Le tombeau est vide.

On le saura plus tard, les ossements ont été volés et dissimulés par les frères franciscains dont frère Santi auteur des inscriptions sur le coffre de bois. Leur couvent jouxte la tombe. Il s’agissait pour eux de protéger le corps de Dante, écrit Guy Raffa, 

d’une « translation » illégitime de son dernier refuge dans la vie vers la cité qui avait puni de son vivant Dante par un injuste exil. 

Cet acte se justifierait aussi, par la proximité de Dante avec les Franciscains et la méfiance vis-à-vis d’une Église corrompue. Le poète n’a en effet jamais caché son admiration et son affection pour saint François d’Assise dont il partageait les idées sur la pauvreté évangélique. Il aurait même fait partie, sur la fin de sa vie, du Tiers-ordre franciscain.

Mais cette histoire ouvre une des grandes questions de l’histoire de la tombe de Dante, et l’énigme est sans réponse, dit Guy Raffa. En effet, les envoyés florentins se taisent. La tombe est refermée comme si de rien n’était et aucune recherche n’est lancée pour retrouver les os et pour connaître l’identité des voleurs. 

La redécouverte des os du poète

Si nombre d’initiés n’ignoraient rien de cette disparition, il faudra attendre la découverte fortuite de 1865 —trois siècles et demi plus tard— pour que le grand public en prenne connaissance. 

L’émotion est alors immense. L’examen des ossements est réalisé par les meilleurs spécialistes de Ravenne. On fait le décompte macabre des os pour savoir s’il est possible de reconstituer le squelette. La réponse est positive. Il ne manque que de petits os et la mâchoire inférieure. Rien qui empêche l’exposition du corps, dans une incroyable mise en scène. 

Dépouille_Dante_Alighieri_Ravenne_Juin_1865

Le catafalque de cristal qui servit à exposer le corps de Dante à Ravenne en juin 1865

Le 24 juin 1865, dans la chapelle de Braccioforte, à Ravenne, les restes de Dante Alighieri soigneusement reconstitués sont exposés dans un cercueil transparent, «ses côtés et son couvercle étant formés de feuilles de cristal bordées d’or.» La foule se presse, venue de toute l’Italie, durant les deux jours de cette “exposition”. 

Dante se trouve donc dans une position étrange: il est devenu une figure nationale, fondatrice, célébrée comme telle, et fêtée comme un saint… mais la hiérarchie catholique ne veut pas de lui. Elle s’oppose naturellement, dit Guy Baffa 

aux célébrations de Florence (de 1865 – Ndr) qui glorifient le poète médiéval comme le prophète et le partisan de l’État-nation moderne.

Très rapidement, les craintes de l’Église sont avérées. En 1870, les États pontificaux sont annexés, sans que Dante, qui n’a jamais rien imaginé de tel, ait à y voir. 

La naissance du mouvement irrédentiste

Dans le même mouvement, Venise est reconquise sur l’Empire austro-hongrois, mais non la côte qui longe l’Adriatique. C’est la naissance du mouvement irrédentiste, qui va faire de Dante une figure emblématique, non plus nationale, mais nationaliste. 

Guy Baffa n’hésite pas à écrire qu’en 1908, pour l’anniversaire de sa mort:

Dante était un dieu dans l’imaginaire italien à ce moment de l’histoire de la nation, un dieu qui inspirait et sanctifiait les efforts pour libérer les populations italiennes toujours exilées de la patria;

La guerre de 1914-1918 accentue encore cette tendance. Le nationalisme et l’irrédentisme se combinent lorsque l’Italie se voit refuser à l’armistice l’annexion des territoires promise par les Alliés lors du Traité de Londres du 26 avril 1915: 

C’est un bien étrange anniversaire qui sera célébré en 1921 à l’occasion du 600e anniversaire de la mort de Dante. Trois ans se sont écoulés seulement depuis la fin de la Grande guerre au cours de laquelle 650.000 soldats italiens sont morts et un million blessés: 

Il était inévitable que les événements commémoratifs sur la tombe du père déifié de l’Italie, lui-même un soldat, serait le double de la célébration de la victoire de la nation mais aussi un tribu aux vies perdues et aux corps mutilés pour y parvenir. (…) Le 11 septembre 1921, Ravenne devient le cœur et l’âme de l’Italie.

Une campana particulièrement symbolique

Cette acmé nationaliste va se traduire par des embellissements de la tombe de Dante. Le maire de Rome, Giannetto Valli, offre des portes réalisées à partir du bronze fondu d’un canon autrichien et une couronne de laurier, également en bronze. Il offre aussi une campana (cloche) d’argent dont le son appellera les Italiens à se rassembler, dit le maire de la ville éternelle, «autour de l’autel le plus sacré de notre peuple.»

Une campana extrêmement symbolique pour Guy Raffa, car elle rappelle l’un des passages parmi les plus émouvants de La Divine Comédie. Au Chant VIII du Purgatoire, alors que la nuit va tomber Dante étreint de nostalgie pleure son exil qu’il voit comme l’éloignement du marin: 

Era già l’ora che volge il disio 

ai navicanti e ’ntenerisce il core 

lo dì c’han detto ai dolci amici addio;

e che lo novo peregrin d’amore 

punge, se ode squilla di lontano 

che paia il giorno pianger che si more;

(“C’était l’heure déjà qui change le désir  / des navigateurs et le jour où ils ont dit adieu  / à leurs doux amis attendrit leur cœur; / et le son lointain d’une cloche, / qui paraît pleurer le jour qui se meurt, / s’il l’entend, blesse d’amour le nouveau pèlerin;” — v. 1 à 6)

Ce 11 septembre 1921, le premier à faire sonner cette cloche si chargée de de symboles sera un héros de la guerre, Antonio Fusconi. Il servit dans les Bersaglieri, le corps d’élite de l’armée italienne et perdit une jambe lors des combats contre les troupes autrichiennes. 

C’est Gabriel d’Annunzio qui devait porter la question irrédentiste lors de ces cérémonies. Il n’est pas présent physiquement, bien qu’il ait été invité par le maire de Ravenne. C’est par un télégramme qu’il s’adresse à la foule présente. Son absence explique Guy Raffa 

est un signe d’humble respect vis-à-vis de l’incomparable Dante, mais, surtout, est un signe de protestation à l’encontre de l’Italie officielle (ses chefs politiques et militaires) qui ont trahi leur promesse de libérer tous les Italiens en refusant de combattre pour Fiume et pour les autres jusqu’à présent “territoires non retournés” (à l’Italie)

Le fascisme s’approprie l’image du poète

L’importance de l’événement fait qu’il ne peut être ignoré des fascistes. À la veille de la prise de pouvoir par Mussolini, la tentation d’utiliser l’aura du Sommo poeta est trop forte. 

Ceux-ci organisent ce que l’on a appelé la “Marche sur Ravenne”, le 12 septembre. Elle rassemble 3.000 hommes venus de toute l’Émilie. Leur seul fait d’armes est de dévaster les sites associés aux socialistes et aux communistes, comme la Camera del Lavoro (Bourse du Travail). 

Guy Raffa note tous les petits détails qui font que Dante sera présenté comme une sorte de héros pré-fasciste. Par exemple, des scientifiques examinent-ils une nouvelle fois les restes du poète en 1921? C’est l’occasion d’apporter une pierre à cet édifice. Tandis que l’un, Fabio Fossetto accentue le côté «viril de Dante», l’autre, Giuseppe Sergi voit  dans les os du poète «un modèle de supériorité raciale». Rien d’anodin dans ces remarques. Le racisme est un élément fondateur du fascisme et Mussolini va s’emparer du poète pour en faire le héros de sa cause: 

La virilité et les capacités intellectuelles de Dante, telles qu’elles sont déduites de sa dépouille physique, font de lui l’apothéose de cette grande, même si elle est déclinante, race méditerranéenne.

Dans ces conditions, il était inévitable qu’après la prise de pouvoir de Mussolini, le Duce soit identifié comme étant le «veltro» qui, prophétisait Dante dans le Chant I de l’Enfer, «fera mourir dans la douleur la louve» et en débarrassera «l’humble Italie». 

Une influence persistante et omniprésente

Cette exaltation de la figure d’un poète pliée aux nécessités de la propagande provoque ce que Guy Raffa nomme de «graves distorsions» entre les idées et les valeurs de Dante et la réalité du fascisme. Quel rapport entre l’Empire, facteur de paix, rêvé par Dante dans sa Monarchie et celui que s’efforce de construire Mussolini en Afrique, par la force des armes, par exemple? 

De cet épisode, il ne reste que poussières. Du Danteum, immense monument qui devait être construit à Rome en l’honneur du poète, ne subsiste que des plans et quelques photos. Pour ce qui est des os de Dante, après avoir été mis à l’abri des bombardements pendant la guerre, ils sont retournés dans leur catafalque de marbre à Ravenne et ne l’ont plus quitté depuis.

L’histoire s’achève-t-elle là? Guy Raffa se refuse à lire dans une quelconque boule de cristal, mais il se plaît à remarquer l’influence du Sommo poeta sur nombre d’auteurs et d’artistes italiens mais aussi d’autres pays au fil des siècles. il remarque son «influence omniprésente» et persistante, et souligne que, 

même si le corps de Dante vit en exil, quoiqu’il en soit, son personnage et son imaginaire  trouvent toujours plus de maisons hospitalières dans le monde.

Quand est-il de l’Italie? Quand est-il de la querelle entre Florence et Ravenne? À la fin de Dante’s Bones Guy Raffa ne répond pas directement à ces questions. Il ouvre un nouveau chapitre qu’il ne fait qu’esquisser. Il semble nous dire que Dante certes appartient au bel paese qui l’a vu naître, mais surtout il appartient à nous tous. Il a cette belle formule «les os du poète et sa Divine Comédie —ses vies après la mort, physique et spirituelle, ses deux corps continueront à étinceler de feux créatifs qui conserveront l’homme et son œuvre vivants à travers le temps et l’espace.» Un souhait que l’on ne peut que partager.

Notes

  • Dante’s Bones, How a Poet invented Italy, par Guy P. Raffa, Harvard University Press, Cambridge, Massachusetts, Londres, Grande-Bretagne, 2020.
    (Édition en langue anglaise, l’ouvrage n’a pas été traduit en français. Toutes les citations sont extraites de Dante’s Bones et traduites par moi)
  • Guy P. Raffa, Professeur associé en Italian Studies à l’université du Texas, à Austin. Les livres précédents de l’auteur sont The Complete Danteworlds: A Reader’s Guide to the Divine Comedy et Divine Dialectic: Dante’s Incarnational Poetry. On peut aussi se référer à son site: www.guyraffa.com

 

 

La « Cerimonia dell’Olio » à Ravenne

La « Cerimonia dell’Olio » à Ravenne

Comme chaque année, ce 9 septembre la ville de Ravenne a célébré la Cerimonia dell’Olio. Au cours de cette cérémonie, la ville de Florence fournit aux autorités de la ville de Ravenne l’huile destinée à alimenter la lampe [photo ci-dessus] qui brûle toute l’année au-dessus du tombeau de Dante. Florence continue ainsi d’honorer le plus célèbre de ses concitoyens, n’ayant pas obtenu la possibilité de rapatrier ses restes dans sa ville natale.

Cette année, alors que l’on se rapproche du 700e anniversaire, la cérémonie avait pris une ampleur plus importante débordant dans les rues de Ravenne. Un cortège d’environ deux cents personnes, mené par le maire de la ville, Michele de Pascale, après avoir écouté le chœur Ludus Vocalis, sur la grand place de la ville (Piazza San Francesco) parcouru les rues de la cité, des passages de la Divine Comédie étant déclamés par l’acteur Marco Martinelli. Après une messe, eut lieu la cérémonie de l’huile à la Tombe de Dante. 

Une délégation de citoyens de la ville de Matera participait aussi au cortège. En effet, un accord a été signé entre la ville de Ravenne, celle de Matera (qui a été désignée capitale européenne de la Culture pour 2019) et la Fondazione Matera-Basilicata. Dans cet accord de long terme, il est question de la création de Purgatorio, une œuvre imaginée par Marco Martinelli et Ermanna Montanari qui devrait être créée à Matera et à Ravenne entre mai et juillet 2019.  

La vidéo de RavennawebTV (ci-dessous) donne un aperçu des festivités, de ce 9 septembre:

La musique dissonante de Quivi sospiri

La musique dissonante de Quivi sospiri

Le 9 juin, à la Basilique San Francisco de Ravenne, l’ensemble vocal Voces Suaves 4 donnait un concert, Quivi Sospiri, inspiré du voyage de Dante en Enfer, au Purgatoire et au Paradis. Un parcours qui menait les spectateurs au travers les œuvres de compositeurs du XVIe siècle, comme  Luzzasco Luzzaschi, Pietro Vinci, Philippe Verdelot ou Jacques Arcadelt, avec une incursion dans la musique contemporaine grâce à la compositrice américaine Joanne Metcalf.

Ce concert chanté par un des plus beaux ensembles vocaux contemporains, spécialisé dans l’interprétation d’œuvres du répertoire de la musique baroque et de la Renaissance fut on peut le supposer magnifique5. Il fut sans nul doute chargé d’émotion, car il eut lieu dans la Basilique où furent célébrées, en 1321, les funérailles de Dante. Mais ce dernier aurait sans doute été surpris des choix musicaux censés illustrer son voyage initiatique et lui rendre hommage.

Peu de compositeurs de la Renaissance ont mis en musique l’Enfer 

Comme le note RavennaNotizie.it en rendant compte du concert, «L’ensemble vocal Voces Suaves a essayé d’étudier l’influence de la Divine Comédie sur la musique polyphonique italienne du XVIe siècle: apparemment, il n’était pas facile de trouver des compositeurs de l’époque qui mettaient les terzine dantesques en musique.» C’est pour cette raison qu’ils ont arrêté leur choix sur Luzzasco Luzzaschi qui a consacré un madrigal à quelques vers du Chant III de l’Enfer (22-30) :  «sospiri, pianti et alti guai,/ risonavan per l’aere sanza stelle, /per ch’io al cominciar ne lagrimai. / Diverse lingue horribili favelle / parole di dolore accenti d’ira…» [“Là soupirs, plaintes et hurlements de douleurs / retentissaient dans l’air sans étoile, / ce qui me fit pleurer pour commencer. / Langues diverses, accents horribles, / paroles de douleur, accents de colère…”].

Le nom de ce madrigal ? Quivi Sospiri 

Il ne faut pas s’étonner de la rareté des compositions musicales en particulier sur l’Enfer. «L’Enfer est le règne du mal, la mort de l’âme et le domaine de la chair, le chaos: esthétiquement c’est le laid [il écrit “è il brutto”]. Disons que le laid ne permet pas l’art et que l’art est la représentation du beau.», écrira plus tard Francesco De Sanctis 6.

Cette «laideur» Dante la représente au sens propre dans l’Enfer: en fait de musique on n’entend —à la première lecture du poème que cacophonie et dissonances. L’harmonie et la polyphonie nous ne le rencontrerons qu’au Paradis. Ce qui accompagne  le lecteur tout au long des 34 chants du premier cantique, ce qui fait son « paysage musical », c’est la “rumore infernale”. C’est une dissonance majeure, voulue, dans cet ensemble que constitue la Divine Comédie, comme l’écrit Adriana Sabato:

L’Enfer, qui se veut lieu du désordre et de la rébellion, du bruit et de la dissonance, se pose en nette antithèse de l’harmonie des autres deux cantiques, créant un contraste qui met encore plus en évidence la beauté de l’ensemble du poème.7 (…) 

Luth

Luth, ‘ud’ à six chœurs

Pourtant, la musique et le chant sont présents tout au long de l’Enfer, mais il ne faut pas s’arrêter à la seule cacophonie des pleurs et des lamentations, analyse Francesco Ciabattoni, faute de quoi «nous manquons les nombreuses références musicales qui se trouvent dans la fumée et les pleurs du sombre monde de Dante»8.

Il y a bien sûr les mentions d’instruments musicaux, très souvent présentés de manière dégradée, les plus spectaculaires étant sans doute la scène où le démon Molacoda fait «de son cul une trompette» [“Ed elli avea del cul fatto trombetta”, Chant XXI, vers 139], l’autre étant celle où Maître Adam, falsificateur de monnaie, est décrit «en forme de luth» [“Io vidi un, fatto a guisa di lëuto”, Chant XXX, 49]. Un luth qui résonne: quelques vers plus loin, ne supportant pas de se faire traiter de «perfide Sinon» [« falso Sinon”, vers 98], celui-ci donne un grand coup sur la panse gonflée de Me Adam qui “sonna comme un tambour” [“Quella sono come fosse un tamburo”, vers 103]. On aura trouvé manière plus harmonieuse de faire de la musique avec un luth!

L’Enfer, pour Dante est d’abord un spectacle sonore

Mais ces discordances, ces bruits, ces plaintes, dans un lieu mal éclairé où l’on distingue mal, sont autant de guides précieux pour Dante. C’est à l’oreille qu’il devine ce qui l’attend, car avant de voir, il entend. Et par exemple, lorsque juste après avoir passé la porte de l’Enfer, au Chant III, lorsque Virgile lui prenant la main, le « fait entrer dans les choses secrètes », c’est d’abord un spectacle sonore qui se présente à son ouïe, que la poésie de Dante rend visible: 

les crissements du lieu, la dissonance, en antithèse avec l’harmonie que crée l’ordre universel, est mis en évidence par la progression, d’abord ascendante (soupirs, plaintes, hurlements de douleurs) comparable à un crescendo symphonique, puis descendante (langues, paroles, accents, voix)[notes]in La partitura infernale, par Vincenzo Incenzo, Fonopoli, Roma 2003 – cité par Adriana Sabato, opus cité, p. 40[/note]

Or ce tumulte, remarque Francesco Ciabattoni, est «senza tempo» [vers 29]. Ce qui lui fait écrire: «L’absence de structure musicale et rythmique suggère que ce chœur est une version parodique des chœurs parfaitement harmonisés du Paradis.»9

C’est de ces dissonances, de ces mots employés par Dante, que Luzzasco Luzzaschi fit un madrigal ; le voici interprété par Profeti della Quinta. 

Notes

Ravenne: des noms sortis de l’oubli

Ravenne: des noms sortis de l’oubli

Ce sont dix noms. Certains sont ceux de personnalités qui fréquentèrent Dante de son vivant et qui sont aujourd’hui méconnus; d’autres sont de ceux de personnages mal connus qui permirent de sauver la dépouille du poète de la disparition. À ces dix, il faut ajouter les prénoms de ses trois enfants qui l’avaient accompagné dans son exil. C’est à tous que la ville de Ravenne veut rendre hommage en donnant leur nom à des rues ou des espaces verts.  

Chi va piano, va sano e va lontano… La célèbre locution s’applique parfaitement au projet en cours à Ravenne de création d’un parc littéraire dédié à Dante Alighieri. Cette idée née en 2014 d’une suggestion conjointe de la Società Dante Alighieri di Roma et de Paesaggio Culturale Italiano a trouvé un écho favorable dans la ville où décéda le poète. 

Concrètement cela se traduit par deux initiatives qui se se croisent, se complètent, et peuvent se développer indépendamment l’une de l’autre. Le premier est un parc littéraire virtuel qui embrasse la Toscane et l’Émilie-Romagne, et dont un site, Le Terre di Dante, recense les initiatives et les événements. 

La deuxième initiative consiste à réfléchir à une nouvelle toponymie des lieux à Ravenne. Une commission ad hoc réunissant plusieurs associations locales 10 s’est mise en place pour réfléchir à une nouvelle toponymie des rues et des lieux. Le projet devrait être formalisé au cours du mois d’août auprès de la mairie de Ravenne, mais a déjà reçu l’accord unanime de tous les partis politiques représentés.

Les noms retenus par cette commission sont pour certains peu connus, mais chacun a sa manière a joué un rôle important nous permettant de connaître l’œuvre du poète ou plus modestement prenant soin et protégeant ses restes. Ce sont —entre autres— trois de ses enfants (Pietro, Jacopo, et Antonia), trois poètes qui rédigèrent une épitaphe pour rendre honneur au poète après son décès (Menghino Mezzani, Giovanni del Virgilio et Bernardo Canaccio), le protecteur de Dante, le conte Guido Novello da Polenta, et… mais partons à leur découverte. 

Pietro Alighieri, probablement le fils aîné de Dante Alighieri et de son épouse Gemma. Il étudia le droit à Bologne, et entrepris une carrière de juge à Vérone. Il est probable qu’il connaissait Pétrarque. Il eut sept enfants; il nomma un garçon Dante et une fille Gemma. Il est l’auteur de trois commentaires successifs —en latin— de La Divine Comédie.

Jacopo Alighieri, est né lui aussi avant 1300. Il put retourner à Florence en 1325. Il entra dans les ordres mineurs, devint chanoine à Vérone et obtint des bénéfices à Valpolicella. il est probablement mort à Florence, pendant l’épidémie de peste de 1348. Il eut deux enfants (illégitimes) avec Jacopa di Biliotto; il nomma Alighiero le garçon et Alighiera la fille. Il est l’auteur d’un commentaire en « vulgaire » de l’Enfer, rédigé en 1322, ce qui en fait le premier commentateur de la Comédie. 

Antonia Alighieri devint très probablement moniale, à la mort de son père, sous le nom de sœur Beatrice au monastère de San Stefano de Ravenne. 

Pino della Tosa était un condottiere florentin. Il se serait opposé avec succès à la volonté de Bertrando del Poggetto (Bertrand du Pouget), légat du pape Jean XXII, qui voulait disperser et brûler les restes de Dante. Plusieurs indices concourent à établir la véracité de cette histoire. D’une part, on sait que Pino della Tosa était à Bologne en 1328, et qu’il y a rencontré Bertrando del Poggetto, alors Signore generale de la ville. D’autre part, Boccace 11 confirme la présence de della Tosa à Bologne et rapporte que le légat avait fait brûler en public l’ouvrage de Dante, De Monarchia. 

Anastasio Matteucci. C’est grâce à cet étudiant alors âgé d’une vingtaine d’années que les ossements de Dante ne furent pas jetés dans une fosse commune en 1865. Lors de travaux effectués à l’occasion du 600e anniversaire de la naissance du poète en 1865, un ouvrier retrouva une cassette contenant des restes humains à l’extérieur du cloître de Braccioforte. La chance voulu qu’Anastasio Matteucci puisse lire l’inscription sur le sarcophage qui commençait par «Ossa Dantis», sauvant ainsi de la destruction les ossements de Dante. 

Antonio Fusconi qui fut pendant 46 ans (de 1920 à 1966) le gardien de la Tombe de Dante à Ravenne.  

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Dante Alighieri lisant la Divine Comédie à la cour de Guido Novello à Ravenne – Andrea Pierini, 1850 .

Menghino Mezzani, vécu de 1295 à 1375/76. Ce notaire fut un ami de Pétrarque et de Boccace. Par Boccace, on sait qu’il connut Dante alors en exil à Ravenne. Il est l’auteur de l’épitaphe Inclinata fama pour la Tombe de Dante12

Giovanni del Virgilio est né à Bologne avant 1300. Il devait son surnom « del Virgilio” au culte qu’il vouait au grand poète latin. Entré en contact avec Dante, alors l’hôte de Guido Novello da Polenta, il commença avec lui, les Églogues, un échange de quatre poèmes en latin. Il répondit comme Menghino Mezzani au « concours » lancé par Guido Novello et proposa une épitaphe qui commence par Théologus Dantes, nullius dogmatis expert13

Bernardo Canaccio, né en 1297,était le fils de Arpinello detto Canaccio de la famille degli Scannabecchi. Il est probable qu’Arpinello exilé à Vérone connu Dante qui résida dans cette villee de 1313 à 1319. Bernardo fut très certainement un ami et un disciple de Dante lorsque celui-ci résidait à Ravenne. On lui attribue l’épitaphe gravée sur le sépulcre qui se trouve dans la tombe de Dante et encore visible aujourd’hui, Iura monarchie…14

Dino Perini est le Mélibée [Melibœus] de la première églogue de Dante, ces poèmes bucoliques échangés avec Giovanni del Virgilio. D. Perini était un notaire florentin qui fit de nombreux séjours à Ravenne et qui se lia d’amitié avec Dante. Boccace le décrit ainsi:

Notre concitoyen et homme de bon entendement, selon ce qui en était dit, était autant qu’il est possibile familier de Dante.

Fiduccio de’ Milotti est l’Alphésibée [Alfisebeo] de la seconde Églogue de Dante. Ce médecin et philosophe habitait Ravenne où il enseignait. Riche et puissant, il fut le beau-père de Giovanni da Polenta, le frère de Guido Novello. 

Piero Giardini était notaire (ou son frère Tura) à Ravenne. Il aurait, selon Boccace, contribué à retrouver les treize derniers chants de la Divine Comédie. Voici le récit qu’en fait Boccace:

Une nuit, vers l’heure que nous appelons « matutino« , Iacopo [Alighieri] est entré dans la maison d’un brave homme de Ravenne, nommé Piero Giardino, disciple de longue date de Dante, huit mois après la mort de son maître. Juste avant cette heure, il avait vu dans son sommeil son père, vêtu de vêtements d’un blanc immaculé, son visage brillant d’une lumière inhabituelle venir vers lui […]. Pour cette raison, alors que la nuit était loin d’être terminée, ils partirent ensemble, et se rendirent à l’endroit indiqué, et là ils ont trouvé une tenture pendue au mur qui était légèrement soulevée. Ils ont alors remarqué dans le mur une petite fenêtre qu’aucun d’entre eux n’avait jamais vu, ni su qu’elle était là. À l’intérieur de celle-ci, ils trouvèrent des écrits, moisis en raison de l’humidité du mur, et près de se décomposer, s’ils étaient restés plus longtemps. Après les avoir délicatement nettoyés de la moisissure, ils ont vu les treize chants qu’ils cherchaient tant.

Guido Novello da Polenta, noble poète romagnolo, fut aussi un poète. Il fut podestà de la cité de Ravenne à partir de 1316 et en sera chassé par son cousin Ostasio Ier en 1322. Admirateur de Dante, il le fit venir à sa cour à partir de 1318/1319 et sera son mécène et son protecteur ainsi que celui de sa famille. Politiquement, Guido Novello recherchait aussi la paix avec les voisins de Ravenne. C’est sans doute pour cela qu’il confia une mission diplomatique à Dante, auprès de la République de Venise. C’est au retour de cette mission que Dante devait contracter une maladie mortelle. Très affecté par ce décès subi, Guido Novello fit des funérailles solennelles au poète et promit l’érection d’un monument funéraire pour célébrer sa mémoire. C’est dans ce cadre qu’il demanda aux plus grands poètes de rédiger des épitaphes célébrant Dante. Las, chassé du pouvoir par son frère, il ne ne put tenir ses promesses. Le monument ne sera pas construit, et les épitaphes ne seront gravées sur le sarcophage contenant la dépouille du corps que dans la deuxième moitié du XIVe siècle. 

Notes

Fausses notes dans l’organisation du 700e anniversaire de la mort de Dante

Fausses notes dans l’organisation du 700e anniversaire de la mort de Dante

Le point de vue d’Ivan Simonini reflète-t-il l’opinion majoritaire des habitants de Ravenne? Difficile à dire, mais la tribune qu’il a publiée par le site Ravennanotizie.it sous le titre rageur Ravenna cancellata dal Comitato Dantesco [Ravenne effacée du Comité Dantesque] ne passe pas inaperçue. Il y dénonce pêle-mêle un «Comité écrasé sous la philologie de Dante», la présence de trois femmes seulement parmi les quinze membres et l’absence de… personnalités ravennati dans ce Comité, etc.

Son coup de gueule donne l’occasion de regarder de plus près comment se mettent en place les festivités du 700e anniversaire de la mort du grand poète, et l’organisation a été retenue.

Une loi a fixé le cadre financier de la manifestation, et le montant des subventions que versera l’État italien. C’est sans doute la première déception, puisqu’il est plus faible qu’espéré. Il est vrai que dans les trois années à venir, l’Italie va fêter l’anniversaire de trois de ces artistes les plus connus:

  • en 2019 celui de Léonard de Vinci, mort le 2 mai 1519 à Amboise;
  • en 2020 celui du peintre Raphaël (Rafael Sanzio), mort à Rome le 6 avril 1520;
  • en 2021 celui de Dante Alighieri, mort à Ravenne le 14 septembre 1321.

Face à cette conjonction, les Sénateurs italiens ont joué les rois Salomon coupant la poire des subventions en trois parts égales. La dotation globale étant de 3.450.000 euros, chaque comité s’est donc vu attribuer la somme de 1.150.000 euros. Une clé de répartition un peu étrange, sachant que le 700e anniversaire de la mort de Dante se tient un an après les 500e anniversaires du décès de Léonard de Vinci et de Raphaël. En outre, alors que la loi prévoyait une calendrier des dépenses avec une répartition régulière sur les quatre années à venir (en 2018, 150.000 euros, et en 2019, 2020, 2021 333.000 d’euros l’an), c’est une tout autre clé de répartition qui a été retenue si l’on en croit I. Simonini: l’essentiel (un million d’euros) sera dépensé en 2021, et les trois années précédentes, le Comité n’aura à sa disposition que 50.000 euros; Une misère qui suffira à peine à couvrir ses frais de fonctionnement. 

Un comité composé pour l’essentiel de philologues italiens

Le rôle du Comité, placé sous la tutelle du Ministère italien de la Culture [ministero per i Beni culturali] est donc essentiel. C’est sa composition [voir ici] que critique Ivan Simonini, non pas tant sur les personnalités qui le composent, que sur l’équilibre —où les déséquilibres— sur lequel il repose. Difficile en effet de critiquer le choix de spécialistes de l’œuvre du poète comme Enrique Malato, Giuseppe Ledda, Andrea Mazzucchi… ou encore son président Carlo Ossola, professeur au Collège de France, qui en composeront l’ossature. Eventuellement, on peut regretter avec I. Simonini que trois des plus grands commentateurs contemporains —Federico Sanguineti, Giorgio Inglese et Robert Hollander— soient absents de ce Comité, mais comme dans la composition d’une équipe de football lors d’une compétition, il est impossible de retenir tous les joueurs quelles que soient leurs qualités.

La critique du caractère « monocolore » de ce Comité est plus recevable, car comme il l’écrit «la philologie dantesque a besoin de s’ouvrir à d’autres spécialités comme l’historiographie, la psychanalyse, la médecine, la physique, l’astronomie.» 

Il est également regrettable, qu’alors que la poésie de Dante appartient désormais au patrimoine de l’humanité, le choix des membres ait été italiano-italien, avec la seule exception de René de Cecatty. Signalons au passage à Ivan Simonini, que René de Cecatty vient de publier une traduction, en vers, de la Divine Comédie, précédée d’une solide introduction. Ce n’est certes pas un étude, une analyse ou un commentaire, comme peuvent les réaliser des universitaires, mais c’est malgré tout “quelque chose de significatif” —pour un francophone en tout cas— au sujet de Dante. 

Reste le dernier volet de la polémique ouverte par Ivan Simonini, a savoir l’absence de Ravennati dans le Comité, si l’on fait exception du maire de Ravenne qui est invité permanent avec ceux de Florence et de Vérone. Une absence qui peut sembler étonnante si l’on se souvient qu’il s’agit de fêter l’anniversaire de la mort de Dante, et non sa naissance. Certains pourront trouver cette querelle ridicule et digne de Clochemerle.

Une affaire de symboles ?

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La lampe à huile, pour laquelle les Florentins fournissent chaque année l’huile destinée à l’alimenter.

Peut-être, mais en Italie les symboles ont aussi leur importance. Ravenne est la ville où eut lieu le décès de Dante, et la logique voudrait qu’elle joue un rôle primordial dans l’organisation de l’anniversaire de ce décès. À cet argument on peut rétorquer que certes Dante est décédé à Ravenne, mais son héritage appartenant à l’Italie toute entière, la composition de ce Comité doit logiquement en traduire la diversité régionale. Sur ce plan celle-ci est à peu près respectée avec des Napolitains, des Romains, des Pisans, etc.

Et puis reste cette vieille histoire de la dépouille de Dante. Il faut se souvenir qu’à plusieurs reprises, Florence réclamèrent les restes du Sommo Poeta. Mais toutes les tentatives échouèrent, les moines franciscains d’abord, puis la ville de Ravenne ne voulurent jamais rien entendre, rappelant que lorsque Dante mourut, il était encore banni de sa ville de naissance. Seul geste autorisé, chaque année, pour l’anniversaire du décès, une délégation de Florence vient apporter l’huile destinée à alimenter la lampe à huile votive suspendue dans le caveau de Dante. Une tradition, mais aussi un symbole. 

Nous verrons comment évolueront ces querelles, qui pour l’instant n’ont guère rencontrées d’écho, mais l’essentiel porte sur l’événement lui-même et son organisation et là on peut être inquiet au vu de la faiblesse des moyens alloués au Comité National.